aide familiale victime

L'extension du périmètre de l'indemnisation des victimes au titre de la tierce personne, de la sphère domestique à la sphère professionnelle

Publié le : 29/08/2019 29 août août 08 2019

Par un arrêt d’importance du 22 mai 2019[1], d’ailleurs publié au bulletin de la Cour de cassation, la 1ère Chambre civile de la haute juridiction a admis l’indemnisation de l’aide familiale bénévole procurée dans le cadre de l’activité professionnelle de la victime.
 

1. Les faits :


En l’espèce, après avoir reçu des soins orthodontiques, en 2007 et 2008, prodigués par M. S…, orthodontiste, Mme R…, épouse K…, exploitant un centre équestre, a présenté différents troubles qui ont notamment entraîné une diminution de ses capacités professionnelles.
 
Ayant assigné en responsabilité et indemnisation le praticien, celui-ci a été déclaré responsable du dommage subi par la patiente consécutivement à ces soins.
 
Cependant, la Cour d’Appel de LYON, dans son arrêt du 11 janvier 2018, a rejeté la demande de la patiente au titre de l’aide dont elle a eu besoin de novembre 2008 jusqu’à la consolidation de son état pour exploiter son centre équestre et qui lui avait été apportée par son mari, après avoir admis qu’elle avait antérieurement subi une perte de gains professionnels.
 

2. La procédure :


Les juges du fond avaient alors retenu que l’aide ensuite procurée par son époux avait manifestement compensé cette perte, qu’en 2009, elle n’avait pas souffert personnellement d’une perte de revenus, que l’économie liée à l’assistance bénévole de son mari ne constituait pas un préjudice indemnisable et que le lien de causalité entre la perte de revenus théorique et les manquements du praticien n’étaient pas certains.
 

3. La solution :


La haute juridiction va alors casser l’arrêt de la Cour d’Appel de LYON pour violation du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, en relevant :
 
  • d’une part qu'il résultait des constatations des juges du fond qu'à la suite de la faute commise par le praticien, Mme K... avait eu besoin d'être aidée dans l'exploitation du centre équestre et que, sans l'aide apportée par son époux, soit elle aurait dû exposer des frais pour bénéficier d'une assistance, soit elle aurait subi une perte de gains professionnels ;
 
  • d'autre part, que l'indemnisation du préjudice de Mme K… ne pouvait être subordonnée à la production de justificatifs des dépenses effectives, le caractère bénévole de l'assistance familiale dont elle avait bénéficié n'étant pas discuté.
 
Ce faisant, la Cour de cassation affirme clairement que l’indemnisation de la tierce personne n’est pas limitée à l’assistance apportée par la tierce personne pour accomplir les gestes de la vie quotidienne (se laver, se coucher, se déplacer, se vêtir, s’alimenter, etc.), mais qu’elle s’étend à l’aide apportée par la tierce personne dans la sphère professionnelle de la victime.
 
Désormais, ainsi que cela résulte de la jurisprudence en matière d’indemnisation de la tierce personne pour les actes essentiels de la vie courante et pour favoriser l’entraide familiale :
 
  • la tierce personne intervenant dans la sphère professionnelle donnera lieu à indemnisation en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée[2] ;
 
  • l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce-personne n’aura pas lieu d’être réduite dans l’hypothèse d’une assistance familiale[3].
 
Il appartiendra néanmoins à la victime d’établir le lien de causalité entre la faute commise et le besoin d’aide.
 
 
 
Cet article n'engage que son auteur.
 
[1] Civ. 1ère, 22 mai 2019, N° 18-14063
[2] Civ. 1ère, 13 juillet 2016, N° 15-21399 ; Civ. 2ème, 2 février 2017, N° 16-12217
[3] Civ. 2ème, 15 avril 2010, N° 09-14042

Auteur

ROGER Philippe

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