Les effets de la confirmation, par le juge d’appel, de la légalité du refus de délivrer l’autorisation

Les effets de la confirmation, par le juge d’appel, de la légalité du refus de délivrer l’autorisation

Publié le : 10/06/2014 10 juin juin 06 2014

En principe, l’administration ne peut procéder au retrait d’un permis que dans la mesure où ce dernier est illégal. La solution est la même pour ce qui concerne le retrait d’une décision de non opposition.

De plus, ce retrait doit impérativement intervenir dans un délai de trois mois à compter de la naissance du droit.

La légalité du retrait suppose donc que soient remplies deux conditions : une condition de délai tout d’abord puis une condition de fond tenant à l’illégalité du permis ou de la non-opposition.

Toutefois, de manière assez logique, ces deux conditions ne s’imposent pas dans le cas particulier où le retrait est sollicité par le bénéficiaire de l’autorisation lui-même. En effet, les deux conditions de fond et de délai doivent être considérées comme des règles de protection au profit du bénéficiaire de l’autorisation. Lorsque ce bénéficiaire n’est plus en mesure de supporter les obligations résultant de cette autorisation, il aura intérêt à ce que cette dernière soit retirée. La protection tirée des conditions du retrait ne sont alors plus nécessaires.

Ainsi, on considère classiquement qu’il existe deux principales modalités du retrait. Celle résultant d’une décision de l’administration et celle résultant d’une demande du pétitionnaire. Cette dualité apparait d’ailleurs très clairement à l’article L.424-5 du Code de l’Urbanisme.

Mais en réalité, le retrait peut également résulter d’autres hypothèses très particulières. C’est notamment le cas d’une situation ayant fait l’objet d’une réponse ministérielle en date du 25 février 2014 et qui nous invite à nous interroger sur les effets d’un arrêt de cour d’Appel sanctionnant l’annulation, en première instance, d’un refus initial de délivrer l’autorisation.

On le sait, l’annulation d’un refus d’autorisation laisse l’autorité compétente saisie de la demande initiale du pétitionnaire. Elle devra par conséquent procéder à la réinstruction du dossier si bien que le permis pourra potentiellement être accordé si la demande est effectivement conforme à la réglementation applicable.

Toutefois, à ce stade, rien n’empêche l’administration de faire appel du jugement ayant annulé son refus initial.
Mais, de prime abord, l’intérêt d’un tel appel peut sembler théorique. En effet, l’administration ne dispose que d’un délai de trois mois pour procéder au retrait d’une autorisation. Or, en pratique, le prononcé d’une décision en appel est bien plus long.

Ainsi, l’annulation du jugement ayant annulé le refus initial de l’administration ne serait d’aucune utilité à cette dernière dans la mesure où elle se trouverait en dehors du délai de trois mois en dehors duquel il ne lui est plus possible de procéder au retrait.

Autrement dit, la confirmation, en appel, de la légalité du refus initial de l’administration serait sans effet sur le maintien dans l’ordonnancement juridique du permis de construire accordé en exécution du jugement annulé.

Ce raisonnement a été rejeté par la ministre dans le cadre de la réponse ministérielle précitée.
A l’origine, la question posée par le parlementaire tendait à ce que les procédures de réinstructions consécutives à l’annulation d’un refus initial voient leurs délais augmentés en fonction des délais d’obtention d’une décision d’appel favorable.


Mais finalement, la solution retenue dans la réponse ministérielle va plus loin dans un sens favorable à l’autorité de la chose jugée en appel.

Le Ministère de l’égalité des territoires et du logement considère, en effet, « que compte tenu du respect dû à la chose jugée qui s’attache à l’arrêt de la Cour administrative d’appel, juridiction de rang supérieur au tribunal, l’autorisation accordée en application de la décision de première instance peut être considérée comme non définitive et son retrait est alors possible suite à l’arrêt de Cour administrative d’appel, et ce même au-delà du délai de trois mois prévu par les textes. »

En tout cas, il s’agit bien ici d’une forme très particulière de retrait. Elle résulte en effet d’une situation bien particulière : la confirmation d’un refus initial par un arrêt de Cour d’Appel.

Cette modalité de retrait est également particulière dans la mesure où elle obéit à un régime spécifique. Bien qu’il soit sollicitée par l’administration, le retrait n’est pas soumis au délai de trois mois prévu à l’article L.424-5 du Code de l’urbanisme.

Mais surtout, c’est le raisonnement tenu dans cette réponse ministérielle qui soulève le plus de commentaires. En effet, cette solution se fonde sur le fait que « l’autorisation accordée en application de la décision de première instance » n’est pas définitive.

En principe, on considère que le droit du pétitionnaire devient définitif à l’issue du délai de trois mois en dehors duquel l’autorité compétente ne peut plus procéder au retrait.

Cette réponse ministérielle apporte donc une subtilité à ce mécanisme. Dans le cas où le permis du pétitionnaire serait obtenu suite à une réinstruction elle-même consécutive à une annulation d’un refus initial, les droits du bénéficiaire ne deviendront définitifs soit :

  • à l’expiration du délai d’appel de l’administration.
  • en cas de décision confirmative de la Cour d’Appel.
Une telle solution reste tout à fait justifiable juridiquement parlant et ceci d’autant plus qu’elle résulte d’une volonté d’assurer l’effectivité de la chose jugée.

Il n’en demeure pas moins qu’elle a pour conséquence de fragiliser la sécurité juridique du pétitionnaire. Cette fragilisation des droits du bénéficiaire de l’autorisation reste toutefois très relative puisqu’elle n’intervient finalement que dans une hypothèse très particulière.


Cet article a été rédigé par Thomas DROUINEAU et Baptiste LE-FORT.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
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