Retrait de permis de construire et contradictoire

Publié le : 18/01/2009 18 janvier janv. 01 2009

L'article 23 de la loi du 12 avril 2000 dispose que l'autorité compétente peut retirer les décisions implicites d'acceptation pour illégalité, dans les conditions de délai précisées par la loi.

Arrêt CAA Douai, 4 juin 2008: retrait des permis de construire et procédure contradictoireL'article 23 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations dispose que l'autorité compétente peut retirer les décisions implicites d'acceptation pour illégalité, dans les conditions de délai précisées par la loi.

L'article 24 ajoute que les décisions individuelles devant être motivées, en application de la loi du 11 juillet 1979, n'interviennent qu'au terme d'une procédure contradictoire.

Dans un arrêt du 4 juin 2008, la Cour Administrative d’Appel de Douai a considéré que la décision de retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées et, par conséquent, ce retrait doit être précédé de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 :

« Considérant qu'aux termes de l'article 23 de la loi du 12 avril 2000 : ‘’Une décision implicite d'acceptation peut être retirée, pour illégalité, par l'autorité administrative :
1° Pendant le délai de recours contentieux, lorsque des mesures d'information des tiers ont été mises en oeuvre ; 2° Pendant le délai de deux mois à compter de la date à laquelle est intervenue la décision, lorsque aucune mesure d'information des tiers n'a été mise en oeuvre ;
3° Pendant la durée de l'instance au cas où un recours contentieux a été formé » ;
qu'aux termes de l'article 24 de la même loi : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) / Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :
1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;
2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public ou la conduite des relations internationales ; (...)’’;
Que la décision portant retrait d'un permis de construire est au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979 et doit, par conséquent, être précédée de la procédure contradictoire prévue par les dispositions précitées de la loi du 12 avril 2000 ;

Considérant qu'il est constant que l'arrêté du maire de Lille, en date du 5 avril 2005, retirant le permis de construire tacite qui avait créé des droits au bénéfice de l'indivision BX-Z à compter du 27 mars 2005, n'a pas été précédé de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 précité ainsi que Mme BX et autres le soutiennent désormais ; que la VILLE DE LILLE qui ne se prévaut, pour sa part, que de la possibilité théorique qu'avaient les pétitionnaires d'engager des travaux de construction en secteurs « parcs », ne démontre pas, contrairement à ce qu'elle soutient, qu'elle se trouvait dispensée de mettre en oeuvre cette procédure pour un motif d'urgence ; que le respect de cette procédure contradictoire n'était pas davantage, dans les circonstances de l'espèce, par elle-même, de nature à compromettre l'ordre public que la VILLE DE LILLE qualifie ici d'environnemental, alors même que la construction envisagée ne respecterait pas, selon la collectivité publique, les règles de protection des espaces verts prévus au nouveau plan local d'urbanisme ; que, par suite, Mme BX et autres sont fondés à demander pour ce motif l'annulation de l'arrêté municipal, en date du 5 avril 2005 ».

Cette décision amène à s’interroger d’une part sur les conditions générales de retrait des permis de construire, et d’autre part sur le respect de la procédure contradictoire édictée par la loi du 12 avril 2000.


1°/ Les conditions générales du retrait d’un permis de construire :

Les règles concernant le retrait des permis s’appliquent à toutes sortes de permis, y compris les permis qualifiés de « modificatifs » (CE, avis, 6 juillet 2005, « Corcia et a.»), ou les permis précaires.

Le permis de construire est susceptible de faire l'objet d'un retrait légal, par l'autorité qui l'a délivré, sous réserve du respect des conditions (générales) suivantes, qui ne différent pas des conditions de retrait des autres actes administratifs :

• que le permis de construire soit illégal, l'illégalité s'appréciant à la date à laquelle le permis a été délivré et non pas en fonction de règles nouvelles qui n'étaient pas en vigueur au jour où il a été délivré. Le retrait d'un permis légal peut être attaqué devant le juge administratif, et mettre en jeu la responsabilité de l'autorité qui a prononcé le retrait.

• Que l’autorité compétente pour retirer le permis soit celle qui l’était pour le délivrer (CE, 13 février 1981, « Naudin Michel »).

• Que la décision de retrait vise expressément la demande de permis de construire, et fournisse les motifs de ce retrait.

La règle du parallélisme des formes ne s'applique pas, concernant le retrait d’un permis de construire. Il n'est donc pas nécessaire de renouveler les consultations imposées dans la procédure d'instruction du permis.

Toutefois, en matière de permis de construire, les conditions du retrait, en termes de délai, dérogent au droit commun

La loi n°2006-872 du 13 juillet 2006, portant engagement national pour le logement, dispose en son article 6, II, 3° modifiant l’ordonnance n° 2005-1527 du 8 décembre 2005 : « 3° L'article L. 424-5, dans sa rédaction résultant de l'article 15 de la même ordonnance, est complété par un alinéa ainsi rédigé : «Le permis de construire, d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s'il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire. »

Cette disposition remet en cause la jurisprudence Ternon (CE, 26 octobre 2001), mais aussi les dispositions de l’article 23 de la loi du 12 avril 2000, suivant que l’autorisation retirée était explicite ou implicite.

Désormais le délai de retrait du permis de construire, express ou tacite, est uniformément de trois mois.

Le point de départ du délai de trois mois est la date de la signature du permis et non celle de sa notification. Ce délai, comme tout délai pour agir imparti à l'administration, se compte de quantième à quantième, donc n'est pas susceptible d'être prolongé s'il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié.

Le fait qu'un permis de construire ait été obtenu par fraude permet toutefois à l'autorité administrative de le retirer à toute époque, sans que puisse lui être opposé le caractère définitif du permis, l’obtention par fraude ne pouvant créer de droits acquis.
Mais il appartient a l'administration, dans ce cas, de prouver l'existence des manoeuvres destinées à l'induire en erreur (CE, 9 juin 2004, M. et Mme De Ribas, Construction-Urbanisme, sept. 2004, n° 173).

De même, le retrait peut être prononcé à tout moment dans la mesure où il est prononcé pour satisfaire à une demande du bénéficiaire.

Cette exception a été confirmée par la loi du 13 juillet 2006, le retrait ne lésant les droits d’aucun tiers dans cette hypothèse. Il est donc logique qu’il puisse être retiré à tout moment.


2°/ L’applicabilité du respect de la procédure contradictoire :

L’arrêt 4 juin 2008 prononcé par la Cour Administrative d’Appel de Douai, confirme une position jurisprudentielle initiée par le Conseil d’Etat, dans un arrêt « Société Bouygues Immobilier » du 23 avril 2003 (req. no 249712: BJDU 2/2003. 95, concl. Seners; RDI 2003. 472, obs. Solers-Couteaux et Robineau-Israël), reprise ensuite par plusieurs jugements (TA Nice, 21 avr. 2005, « Mme Hutin », req. no 0301634: AJDA 2005. 1863 / CAA Bordeaux, 2 nov. 2006, « Jean-Luc X. et SCI Le Clos bleu vision », req. no 04BX01608: AJDA 2007. 102).

Avant de retirer un permis de construire, le maire doit mettre l'intéressé en mesure de présenter ses observations comme l’exige la loi du 12 avril 2000, une décision de retrait d'un permis de construire étant au nombre de celles qui doivent être motivées en application de la loi du 11 juillet 1979.

L’administration aura donc l'obligation de recevoir, préalablement à la décision individuelle, les observations de l'intéressé, observations écrites et le cas échéant, à la demande de celui-ci, ses observations orales.

La plupart du temps, la procédure contradictoire se cantonnera à une simple présentation d'observations par les intéressés. Il en résulte que, la forme, écrite ou orale, n'est pas indifférente. L'oralité se prête en effet d’avantage à la contradiction et à l'échange d'arguments. L'écrit ne l'empêche pas, mais une procédure relativement formaliste sera alors nécessaire.

La jurisprudence en matière de droits de la défense impose que l'intéressé puisse formuler des observations, et les présenter à l'autorité compétente. C’est la raison pour laquelle, si cette autorité n'a pas procédé à l'audition de l'intéressé, ses observations doivent être jointes au dossier au vu duquel il sera statué (CE, 1er avr. 1960, Ramelot, Rec. p. 245).

L'autorité administrative n'est bien entendue pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, ce caractère abusif résultant notamment de leur nombre, de leur caractère répétitif ou systématique.

Aux termes d’un arrêt rendu par Cour administrative d'appel de Bordeaux, le 2 novembre 2006, cette règle vaut alors même que le maire soutiendrait que le permis de construire a été obtenu par fraude.

En revanche, l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 prévoit que le respect de la procédure contradictoire ne s'applique pas lorsque le retrait intervient sur demande du bénéficiaire du permis de construire lui-même.

Cet article prévoit d'autres exceptions à la procédure contradictoire, notamment en cas d'urgence ou lorsque des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière.


S’agissant d’une procédure contradictoire particulière, le code de l'urbanisme n’en prévoit pas pour les retraits de permis de construire.

Quant à l'exception tirée de l'urgence, celle-ci ne semble que rarement admise, les cas où une commune serait obligée de retirer immédiatement un permis de construire, sans pouvoir laisser au bénéficiaire le temps de présenter ses observations, devant être assez exceptionnels.

On signalera toutefois un jugement du Tribunal administratif de Rennes (11 septembre 2007, n°043437), dans laquelle le juge a écarté le respect de la procédure contradictoire n considérant que le Maire était en situation de compétence liée pour procéder au retrait :


C’est la raison pour laquelle la Cour Administrative d’Appel de Douai considère que, les garanties prévues ne pouvant être écartées qu'en cas d'urgence ou lorsque leur mise en œuvre serait de nature à compromettre l'ordre public, la commune devait mettre en œuvre cette procédure, aucune des deux exceptions n’étant démontrée, en l’espèce.


Vincent Lahalle
Emmanuelle Beguin


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Vincent LAHALLE
Avocat Associé
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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