Loi littoral, DTU, PLU: dans la jungle de la hiérarchie des normes

Loi littoral, DTU, PLU: dans la jungle de la hiérarchie des normes

Publié le : 04/01/2016 04 janvier janv. 01 2016

Le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de compatibilité d’un plan local d’urbanisme avec une directive territoriale d’aménagement et avec la Loi Littoral.Le PLU et le SCOT s’inscrivent dans une hiérarchie des normes d’urbanisme complexe fixée à l’article L111-1-1 du Code de l’Urbanisme dont le sommet est occupé par les dispositions législatives et réglementaires applicables à l’ensemble du territoire.

La question qui se posait était de savoir si certaines de ces normes, telles celles issues de la Loi Littoral, ont vocation à s’appliquer dans un rapport de compatibilité ou de conformité aux principes d’équilibre qui résultent de l’article L121-1 du Code de l’Urbanisme. Cet article issu de la loi SRU est au nombre des dispositions générales communes au SCOT, PLU et carte communale. Il impose le respect de trois principes dont celui de l’équilibre entre le renouvèlement urbain, un développement urbain maitrisé, le développement de l’espace rural d’une part et la préservation des espaces affectés aux activités agricoles et forestières et la protection des espaces naturels et des paysages d’autre part dans une perspective de développement durable.

Dans un arrêt du 9 novembre 2015 n°372531, le Conseil d’Etat vient préciser qu’il résulte de la combinaison des articles L111-1-1 dans sa rédaction alors en vigueur et de l’article L146-1 et suivants du Code de l’Urbanisme (Loi Littoral), que les auteurs des PLU « doivent s'assurer que les partis d'urbanisme présidant à l'élaboration de ces documents sont compatibles avec les directives territoriales d'aménagement ou, en leur absence, avec les dispositions du Code de l'Urbanisme particulières, notamment, au littoral ».

Il ajoute :

« qu’en l'absence de document local d'urbanisme légalement applicable, il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l'article L. 146-1 du Code de l'Urbanisme, de s'assurer, sous le contrôle du Juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet soit, lorsque le territoire de la commune est couvert par une directive territoriale d'aménagement (DTA) ou par un document en tenant lieu, avec les éventuelles prescriptions édictées par ce document d'urbanisme, sous réserve que les dispositions qu'il comporte sur les modalités d'application des dispositions des articles L. 146-1 et suivants du Code de l'Urbanisme soient, d'une part, suffisamment précises et, d'autre part, compatibles avec ces mêmes dispositions, soit, dans le cas contraire, avec les dispositions du Code de l'Urbanisme particulières au littoral ; »


En l’espèce, des requérants avaient obtenu l’annulation du plan local d’urbanisme de la commune de Porto-Vecchio au motif qu’il ne respectait pas les grands principes d’équilibre inscrits à l’article L121-1 du Code de l’Urbanisme.

Le PLU approuvé créait en effet un déséquilibre entre le développement urbain de la commune et la préservation des espaces naturels et des paysages en raison notamment de l’ampleur de la concentration urbaine qu’il autorisait sur le littoral de la commune.

Les auteurs du PLU avaient en outre été confrontés à une difficulté supplémentaire du fait de l’existence de schéma d’aménagement de la Corse, document qui au moment des faits produisait les mêmes effets qu’une DTA.

Les zones UH et AUH du règlement du PLU contesté correspondaient toutes à l’urbanisation des hameaux traditionnels dont certains étaient de taille relativement importante et assez densément urbanisés.

Le Conseil d’Etat valide la position retenue par le Juge d’Appel en considérant que la Cour Administrative d'Appel de Marseille n’avait pas entaché son arrêt d’insuffisance de motivation et s’était livrée à une appréciation souveraine des pièces du dossier qui n’était pas entaché de dénaturation en jugeant que ces hameaux ne sauraient être regardés comme des « centres urbains » et que le classement en zone UH des parcelles situées en continuité de ces hameaux n’étaient pas compatibles avec les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse (CAA Marseille 30 juillet 2013 n°11MA02797).

La Cour a pu ainsi estimer à bon droit que le classement en zone constituée de terrains se trouvant soit à proximité des espaces naturels soit au sein de zones d’urbanisation diffuse n’était pas compatible avec les dispositions du schéma d’aménagement de la Corse.

Le schéma d’aménagement de la Corse comportait en effet un certain nombre de prescriptions dont le Juge de Cassation s’est assuré qu’elles soient suffisamment précises et compatibles avec les dispositions du code.

Le code de l’urbanisme impose en effet à l’extension de l’urbanisation qu’elle se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants ou en hameau nouveau intégré à l’environnement.

Dans le premier cas, l’extension doit concerner une zone déjà urbanisée identifiée comme comportant « un nombre et une densité significative de construction ».

En revanche, elle ne saurait bénéficier à une zone d’urbanisation diffuse comme l’a déjà jugé la haute juridiction dans un arrêt du 27 septembre 2006 n°275924 commune Le Lavandou.

De son côté, le schéma d’aménagement de la Corse imposait aux extensions d’être réalisées dans la continuité des centres urbains existants et considérait le hameau nouveau comme une exception.

Le Conseil d’Etat a relevé que ces prescriptions sont bien des précisions apportées à l’article L146-4 avec lequel elles sont compatibles.

La compatibilité du PLU doit donc s’apprécier en conséquence au regard du schéma valant DTA.

Le rapporteur public, Monsieur DE LESQUEN avait rappelé que le Juge Administratif est invité à exercer un contrôle de compatibilité du plan avec le principe d’équilibre : il ne s’agit pas d’un contrôle direct du respect de l’équilibre (Commune de Gurmençon du 15 mai 2013 n°340554), mais bien d’un contrôle de compatibilité avec ce principe consistant à vérifier que le plan ne crée pas un déséquilibre manifeste entre les deux séries d’objectifs qu’il mentionne.

Le Juge vérifie par une analyse globalisante que l’acte attaqué ne contrarie pas manifestement l’équilibre qu’imposent les actes supérieurs en fonction des orientations adoptées et de leur degré de précision.

En l’espèce, le Conseil d’Etat relève que le schéma d’aménagement adopte une conception restrictive de l’agglomération et du village existant et privilégie, dans le but de prévenir la dispersion de l’urbanisation du terrain la densification des zones urbaines existantes et la structuration des espaces péri-urbains.

C’est dès lors au regard de cette conception restrictive de la Loi Littoral que le Conseil d’Etat a apprécié la légalité du PLU de Porto-Vecchio.


Par ailleurs, et sur l’invitation de son rapporteur public le Conseil d’Etat est venu préciser l’interprétation donnée à l’article L146-4 I du Code de l’Urbanisme qui précise que l’extension de l’urbanisation doit se réaliser dans les communes littorales soit en continuité avec les agglomérations et villages existants soit en hameau nouveau intégré à l’environnement.

Selon le Conseil d’Etat, il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées et caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée même en continuité avec d’autres dans les zones d’urbanisation diffuse et éloignées de ces agglomérations et villages.

Une zone d’urbanisation diffuse ne constitue pas une forme d’agglomération.

Ainsi, le Conseil d’Etat précise les conditions de compatibilité d’un plan local d’urbanisme avec une directive territoriale d’aménagement et avec la Loi Littoral :


  • L’autorité administrative doit s’assurer de la conformité du projet soit lorsque le territoire de la commune est couvert par une DTA ou par un document en tenant lieu avec les éventuelles prescriptions indiquées par ce document d’urbanisme sous réserve qu’elles soient suffisamment précises,
  • soit avec les dispositions du Code d’Urbanisme particulières au littoral.

Il n’est pas certain que cet arrêt vienne simplifier pour les Maires des communes concernées l’appréhension de la hiérarchie des normes et l’application de la loi littoral.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Claude Coquilleau - Fotolia.com

Auteur

FIAT Sandrine

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