Les ou le monopole(s) des pharmaciens

Publié le : 14/04/2009 14 avril avr. 04 2009

Depuis 1941, les pharmaciens d’officine bénéficient de nombreux monopoles. Si ces monopoles se justifiaient historiquement, les conditions actuelles remettent en cause nombre de ces monopoles.

Médicaments et monopole des pharmaciensDepuis 1941, les pharmaciens d’officine bénéficient de nombreux monopoles.

Bien-sûr celui de la vente des médicaments fabriqués par des laboratoires pharmaceutiques et bénéficiant d’une autorisation de mise sur le marché, mais également :

- la préparation des pansements – insecticides – acaricides destinés à être appliqués sur l’homme,
- produits destinés à l’entretien ou l’application des lentilles oculaires de contact,
- la vente des plantes médicinales inscrites à la pharmacopée sous réserve des dérogations établies par décret (34 plantes),
- la vente de certaines huiles essentielles,
- les aliments lactés diététiques pour nourrissons…
- la vente de produits anti-tabac.

Si ces monopoles se justifiaient historiquement, il est bien évident que les conditions actuelles de fabrication, de commercialisation, de consommation remettent en cause nombre de ces monopoles.

Cette remise en cause s’impose d’autant plus que le monopole est par nature une atteinte à la libre circulation et à la libre concurrence qui sont les mamelles du Droit Européen.

Cela est d’autant plus vrai qu’à l’intérieur même de la profession de pharmacien, on sait parfaitement que via quelques distributeurs, la concurrence ne joue pas.

La politique des prix imposés par la sécurité sociale a été manifestement très contagieuse, au-delà des médicaments remboursés.

Les pansements tout préparés, les produits désinfectants, les compléments alimentaires, les tisanes…essaient depuis 20 ans, à coup de procès, de recouvrer leur liberté, parce que le monopole pharmaceutique n’a plus aucune justification pour ces produits qui ne menacent pas la santé publique (art. 28 et 30 du Traité).

Certes, l’ordre des pharmaciens multiplie les plaintes et les poursuites en brandissant le drapeau de la protection de la santé publique.

Le philosophe français JP DUPUY écrivait récemment dans un article comment après avoir fait l’X, il est devenu haut fonctionnaire et précisait « Nous étions les gardiens de l’intérêt général. Le problème c’est que c’est nous qui le définissions ».

Il en est de même des pharmaciens avec la santé publique, ou du syndicat Sud Rail avec la défense du service public.

Dans tous les cas, c’est toujours le consommateur qui en fait les frais alors que pourtant il est le plus nombreux et les fait vivre !

Il paraît aujourd’hui invraisemblable que les pansements, l’eau oxygénée, les compléments alimentaires et notamment ceux à base de plantes qui sont en vente libre dans de nombreux pays d’Europe, les produits pour les lentilles, ou les produits anti-tabac ne soient pas en vente libre.

Doit-on considérer que fumer est une maladie et que la lutte contre le tabagisme n’est pas d’intérêt public ?

Certes, les pays dont l’industrie pharmaceutique est importante (France –Allemagne) sont les plus fervents défenseurs de ces monopoles d’un autre âge, certes les politiques, qu’ils soient pharmaciens ou non se montrent très complaisants avec ces monopoles, mais ces politiques qui proclament leur attachement Européen, pourraient-ils enfin respecter le droit Européen qui devrait s’imposer aux Juges français.

Certaines juridictions, de plus en plus nombreuses, s’appuient sur cette législation Européenne pour écarter le délit d’exercice illégal de la pharmacie, délit tellement grave qu’il a toujours été écarté des bénéfices de l’amnistie !

La Cour Correctionnelle de la Cour de Cassation a elle-même, le 27 mars 2007, finit par respecter la législation Européenne après les condamnations de la CJCE du 5 février 2004.

Il aura donc fallu plus de 15 ans pour convaincre la Cour de Cassation de respecter le droit Européen !

Des décisions récentes de la CJCE et même de la Cour de Cassation (il est vrai, la 3ème Chambre) maintiennent à quel point ces monopoles violent le droit Européen et ne servent en réalité que des intérêts économiques.

>> conclusions de l’avocat général Vérica du 21 juin 2007 « la réglementation du médicament constitue une entrave à la libre circulation.

Elles ne seront justifiées au titre de l’article 30 que si elles prouvent véritablement la protection de la santé et à condition de respecter le principe de proportionnalité. Elle souligne également les inconvénients graves « d’une interprétation trop large de la notion de médicament ».

>> CJCE – 15 novembre 2007 C 3/9/05 C/ Allemagne.

« contrairement à la notion de médicament par présentation, dont l’interprétation extrémiste a pour objectif de préserver les consommateurs des produits qui n’auraient pas l’efficacité qu’ils seraient en droit d’attendre, celle de médicament par fonction vise à englober les produits dont les propriétés pharmacologiques ont été scientifiquement constatées et qui sont réellement destinés à établir un diagnostic médical ou à restaurer, à corriger ou à modifier des fonctions physiologiques ».

« dans ces conditions et afin que soit préserver l’effet utile de ce critère, il n’est pas suffisant qu’un produit ait des propriétés bénéfiques pour la santé en général, mais il doit à proprement parler, avoir pour fonction de prévenir ou de guérir ».

>> CJCE – 15 janvier 2009 C/ Allemagne.

La directive 200/27 a ajouté à la définition du médicament les types d’action que doit exercer un médicament.

« action pharmacologique, immunologique ou métabolique ». Elle ajoute que « les critères des modalités d’emploi d’un produit, de l’ampleur de la diffusion, de la connaissance qu’en ont les consommateurs et des risques que peut entraîner son utilisation restent pertinents. »

Elle précise enfin que ces critères « ne doivent pas conduire à qualifier de médicament par fonction des produits qui, tout en ayant une influence sur le corps humain, n’ont pas d’effet physiologique significatif et ne modifient dès lors, pas à proprement parler, les conditions de son fonctionnement. »

Il est donc tout à fait évident que la CJCE tend à imposer une interprétation restrictive du médicament par fonction et que ceux qui revendiquent cette qualification doivent justifier de l’effet thérapeutique du produit en cause.

La Cour de Cassation elle-même, la 3ème Chambre, a jugé le 27 janvier 2009 à propos de la vitamine C 1000.

« En se déterminant ainsi au vu des seules propriétés pharmacologiques du produit en cause, sans tenir compte des autres caractéristiques de celui-ci, la Cour a privé sa décision de base légale.

Il est donc clair que non seulement la notion de médicament par fonction doit être interprétée restrictivement mais encore qu’il appartient à celui qui revendique cette notion de prouver scientifiquement que ces critères sont réunis.

C’est donc une limitation évidente au principal monopole des pharmaciens.

Mais un autre de ces monopoles vient de subir une atteinte foudroyante = celui de la vente de plantes médicinales inscrites à la pharmacopée.

En effet, deux décrets du 22.08.2008 ont mis fin à ce monopole dans la plupart des cas.

D’une part, les exonérations des 34 plantes du décret de 79 sont portés à 144 plantes.

C’est important même si ce décret viole à l’évidence le droit Européen dans les mêmes termes que les arrêts du 5 février 2004, puisqu’il n’existe aucune procédure respectant les exigences du droit européen pour «libérer ou non » telle ou telle plante.

Mais le second décret du même jour admet l’évidence, à savoir que les plantes autorisées dans les compléments alimentaires seules ou en mélanges, en application de l’article 16 du décret du 20 mars 2006, sont en vente libre.

Même si on ne bénéficie pas encore de la liste de ces plantes puisque le ministre de la santé, en violation du décret du 20 mars 2006, n’a toujours pas publié l’arrêté récapitulatif annuel auquel il est tenu, on sait que de très nombreuses plantes sont autorisées comme l’harpagophytum ou le millepertuis.

Dès lors, ces plantes autorisées dans les compléments alimentaires sont en vente libre et ce monopole s’est totalement rétréci.

Il reste les produits anti-tabac pour lesquels il faudra qu’un fabricant courageux accepte le combat judiciaire, pour convaincre que la protection de la santé publique exige le libre accès à ces produits.

Si la France est un pays fondateur de l’Europe, il faut encore des années pour imposer ce droit Européen qui contrairement à la France n’a pas cette obsession des monopoles, des avantages acquis, des privilèges en tout genre qui, certes, fortifient le pouvoir mais qui sont une atteinte aux droits des consommateurs et de tous ceux qui veulent rester en bonne santé.

Les articles de l'auteur sur le même thème- Voir l'article Médicament ou produit de santé.
- Voir l'article Le monopole des pharmaciens d'officine.
- Voir l'article Le monopole pharmaceutique. Cet article n'engage que son auteur.

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