Les conditions de détention dans les prisons françaises

Publié le : 25/02/2009 25 février févr. 02 2009

Tandis que depuis le début de l'année 2009 se multiplient les articles ayant trait au quotidien des prisons françaises, Alain SALLES, relate des recommandations de Jean-Marie DELARUE après la visite de son équipe dans une maison d'arrêt.

Les recommandations publiques de Jean-Marie DelarueLes recommandations publiques de Jean-Marie Delarue contrôleur général des lieux de détention au Garde des Sceaux du 6 janvier 2009...une lecture terrifiante.


Tandis que depuis le début de l'année 2009 se multiplient, dans les médias, les articles ayant trait au quotidien des prisons françaises (suicides, surpopulation, agressions entre détenus ou à l'encontre du personnel), Le Monde du 8 janvier 2009, sous la plume d'Alain SALLES, relate la publication en date du 6 janvier 2009, des recommandations de Monsieur Jean-Marie DELARUE après la visite de son équipe, pendant trois jours, à la maison d'arrêt de VILLEFRANCHE-SUR-SAONE (RHONE).

Vous pourrez lire intégralement ces recommandations en consultant le site www.journal-officiel.gouv.fr (consultation du journal du J.O. authentifié - colonne de gauche / recherche du J.O. du 6 janvier 2009 / rubrique Contrôleur Général des lieux de privation de liberté).

Les termes sont choisis et modérés, comme nous en avons l'habitude avec Monsieur DELARUE, la lecture en est donc, par sa sobriété même, d'autant plus… terrifiante !


Le Contrôleur Général des lieux de privation de liberté y stigmatise successivement :

> un parcours d'exécution des peines, sans véritable contenu, qui n'est qu'une "illusion" d'approche des objectifs des règles pénitentiaires européennes, se traduisant, en réalité, par une véritable ségrégation, tant pour les détenus que pour ceux qui les surveillent, entre :

- les détenus susceptibles d'évolution, gratifiés d'un contrat "quelquefois bien réel" (engagement du détenu et activité offerte par l'administration)

- et les "laissés pour compte de manière souvent irréversible durant tout leur temps de détention", confinés dans des lieux (bâtiments, étages ou coursives réputés difficiles, pour eux comme pour le personnel pénitentiaire).

> l'absence d'un véritable recours hiérarchique du détenu contre les décisions qui lui sont applicables, recours qui respecterait la confidence et qui serait honoré d'une réponse motivée,

> le déficit de connaissance, par les directeurs d'établissements et leurs adjoints, noyés dans les tâches administratives, de la détention et des personnes qui s'y trouvent,

> la multiplication (pour éviter des projections en provenance de l'extérieur mais également de l'intérieur) de dispositifs qui s'apparentent à des caillebotis épais et très serrés, à la place des classiques barreaux aux fenêtres, qui plongent les cellules, dans la journée, dans une quasi obscurité renforçant ainsi l'impression d'isolement et d'ombre et donc les sentiments dépressifs ou de colère, tous éléments qui accroissent les tensions,

> le découragement des personnels quant à leurs conditions de travail et notamment des personnels d'insertion et de probation : plus les tâches bureaucratiques les surchargent, plus l'écoute et la prise en considération des préoccupations quotidiennes des détenus disparaissent,

> l'existence de véritables zones de non-droit que sont les cours de promenade "lieux de tous les dangers" surveillées par un "personnel (qui) ne s'y introduit jamais" depuis des postes avoisinants ou par vidéo surveillance",

- espaces paradoxalement dépourvus de règles,
- dans des établissements soumis à des normes multiples et incessantes,
- où règnent la loi du plus fort, les rixes, l'impunité fréquente pour les auteurs d'infraction,
- lieux de blessures graves fréquemment constatées où nombre de détenus refusent de se rendre en promenade de peur des agressions,
- le contrôle de la situation n'étant repris par les surveillants qu'après la réintégration des détenus dans le bâtiment.

Le Contrôleur Général entend que "la reconquête des cours de promenade, qui ne peut se concevoir que comme un processus de longue haleine" soit "recommandée comme un objectif de l'administration pénitentiaire".

"La cour doit redevenir ce pourquoi elle est faite : un lieu de promenade, c'est-à-dire de détente, de sociabilité ou de possibilité de rester seul".


Cette deuxième publication de recommandations du Contrôleur Général, qui font écho à celles qu'il avait publiées le 17 novembre 2008 relativement au local de rétention de CHOISY-LE-ROY, accentue l'impatience que l'on a de voir la loi pénitentiaire, véritable "Arlésienne", prendre enfin
corps… tandis que son examen figure toujours à l'agenda du Sénat, au conditionnel, comme susceptible d'être évoqué au cours des mois de janvier et février 2009…


Au début du mois de février 2004, invitée à m'exprimer à l'occasion d'une assemblée générale de la Conférence des Bâtonniers pour évoquer la situation dégradée de la maison d'arrêt de CHAMBERY, j'avais fait référence, pour conclure, au mot d'ordre ayant cours, pour rester en vie, au sein de la prison newyorkaise de Rykers Island :

"Don't move and look",

en disant ma crainte et la honte que je ressentais à l'idée que ce précepte puisse devenir un jour celui des prisons françaises.

Cinq ans se sont écoulés… nous y sommes… presque !


Christine VISIER-PHILIPPE
Membre de la Commission Pénale du Bureau

Le 20 janvier 2009





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

VISIER-PHILIPPE Christine

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