Rémunération

Rémunération et objectifs : pas d’imprévision dans la part variable du salaire

Publié le : 18/09/2023 18 septembre sept. 09 2023

La question des primes d’objectif des salariés a donné lieu à une abondante jurisprudence, quant à leur validité, les modalités de calcul et de révision.
Un revirement de jurisprudence récent de la cour de cassation éclaire sur les conséquences de l’omission par l’employeur d’avoir fixé les objectifs.

Un salarié avait été engagé en qualité de commercial selon un contrat de travail prévoyant une rémunération composée d’une partie fixe et d’une partie variable.

Au titre du variable, il bénéficiait, sur la base d'objectifs fixés par sa hiérarchie, d’une rémunération variable pouvant être minorée à hauteur de la réalisation effective de l'objectif ou majoré selon les dispositions de la feuille d'objectifs.

Après avoir été licencié, le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d’obtenir, notamment, le paiement de rappels de salaire au titre de la part variable de sa rémunération pour les années 2014, 2015 et 2017, reprochant à son employeur de ne pas lui avoir versé, au titre de ces trois années, l’intégralité de sa rémunération variable alors qu’il n’avait pas fixé les objectifs à réaliser.

Bien qu’elle ait relevé que les objectifs du salarié n’avaient été fixés que pour les années 2013 et 2016, et donc pas pour les années 2014, 2015 et 2017, la cour d’appel a débouté le salarié de sa demande en estimant :

D’une part qu’il appartenait au juge au fond, lorsqu'un élément contractuel variable de rémunération devait résulter d'un accord annuel (ici la fixation d'objectifs), d'en déterminer le montant, à défaut d'accord une année donnée, en fonction des critères contractuels et des accords trouvés les années précédentes, ce qui était d’ailleurs auparavant la position de la cour de cassation.

D’autre part que l'objectif de 2013, qui ne concernait que quelques jours ouvrés en 2013 (le salarié ayant été embauché début décembre), devait être reconduit pour l'année 2014, puis pour l'année 2015. De même, concernant l'année 2017, elle a jugé qu’en l'absence de fixation de nouveaux objectifs, ceux de l'année 2016 devaient être réputés comme reconduits.

Partant de là, la cour d’appel a estimé que le salarié n’était pas fondé, au vu des chiffres qu’il avait réalisés en 2014, 2015 et 2017, à réclamer le paiement de sommes supérieures à celles qui lui avaient été versées par l’employeur au titre de ces années.

En somme, pour la cour d’appel, à défaut d’objectifs fixés, il appartenait au juge de déterminer le montant de la rémunération variable due au salarié

La Cour de cassation censure cette décision en jugeant que, la rémunération variable est intégralement due puisqu’elle dépendait d’objectifs qui devaient être définis unilatéralement par l’employeur et qui ne l’ont pas été.

La Cour de Cassation réaffirme que « lorsque la rémunération variable dépend d'objectifs définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement ».

La même solution est retenue par la juridiction suprême dans le cas où l'employeur qui doit fixer unilatéralement les objectifs d’un salarié conditionnant le montant de sa part variable de rémunération, doit la payer intégralement, à hauteur du bonus maximal, s’il fixe ses objectifs au salarié très tardivement (Soc. 25 novembre 2020, n° 19-17246)

En réalité, la cour d’appel avait appliqué à cette espèce une autre jurisprudence de la cour de cassation relative au cas où le contrat de travail stipule que la prime sera déterminée « en fonction de l'atteinte des objectifs annuels fixés » sans plus de précision.

En l'absence de fixation dédits objectifs, il appartient aux juges du fond de déterminer le montant de la rémunération en fonction des critères visés au contrat et, à défaut, des données de la cause (Soc. 27 avril 2017, n° 15-21992).

Or, en l’espèce, le contrat de travail prévoyait bien le paiement d’une rémunération variable au salarié « sur la base d'objectifs fixés par sa hiérarchie », et non pas d’un commun accord entre le salarié et l’employeur en sorte que l’employeur aurait dû déterminer les objectifs au début de chaque année.
A défaut, en l’absence d’objectifs fixés, l’employeur est contraint de payer intégralement la rémunération variable au salarié, même s’il n’a pas atteint les résultats professionnels attendus.

Cass. soc. 7 juin 2023, n°21-23.232


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Philippe PRESSECQ

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