La réforme de l'urbanisme commercial

Publié le : 14/10/2008 14 octobre oct. 10 2008

La réforme de l'urbanisme commercial introduite par la loi de modernisation sociale présente un certain nombre de modifications majeures dont seule la pratique permettra cependant d'en vérifier la portée effective.

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008 (loi n° 2008 - 776)A- L'urbanisme commercial confronte deux notions difficilement conciliables, la liberté du commerce et de l'industrie et la protection du petit commerce.

Si la prévalence de cette dernière est apparue effectivement marquée dans le cadre de la loi d'orientation du commerce et de l'artisanat n° 73 - 1193 dite "Loi Royer", réformée, entre autres, par la loi n° 93 - 122 du 29 janvier 1993, dite "loi SAPIN" et par la loi du 5 juillet 1996, dite "Loi RAFFARIN", une mise en conformité aux principes communautaires devenait indispensable au regard des nombreuses critiques formulées à l'encontre du dispositif et émanant notamment de la Commission européenne.

Cette mise en conformité et l'échec de la réglementation initialement destinée à freiner la disparition du petit commerce ont conduit à la mise en œuvre d'un certain nombre de réformes dans un cadre législatif plus général, celui de la loi n°2008 - 776 du 04 aout 2008 dite de modernisation de l'économie .


B- Les aspects principaux et non exhaustifs de la réforme sont les suivants :

. Le champ d'application de l'autorisation commerciale apparaît désormais réduit, le secteur hôtelier, les commerces de combustibles et de carburants, et les commerces de véhicules automobiles et de motocycles en étant désormais exclus .

. Le seuil initial de 300 m2 nécessitant l'intervention d'une autorisation commerciale est désormais relevé à 1000 m2 de surface de vente.

Cette augmentation vaut également pour les ensembles commerciaux au regard de la surface totale de vente de ces derniers

L'article 102 - XV de la loi, réformant l'Art. L 752 -4 du code de commerce, prévoit cependant, que dans les communes de moins de 20.000 habitants, le Maire ou le Président de l'Etablissement Public de Coopération Intercommunale compétent en matière d'urbanisme, saisi d'une demande de permis de construire en équipement commercial dont la surface est comprise entre 300 et 1000 m2, peut saisir la commission départementale d'aménagement commerciale.

Sous les mêmes conditions de surface, les autorités précitées notifient également la demande de permis de construire dans les huit jours au Président de l'établissement public de coopération intercommunale chargé de l'élaboration du schéma de cohérence territoriale , le Président pouvant proposer à l'organe délibérant de saisir la Commission Départementale d'Aménagement Commerciale afin qu'elle statue sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L 752- 6 précité.

. La Commission Départementale d'Aménagement Commerciale (CDAC) remplace la Commission Départementale de l'Equipement Commercial (CDEC).

La composition de la CDEC est modifiée, les élus devenant désormais majoritaires.

Les CDEC comprennent ainsi 5 élus, à l'exception de Paris, comprenant deux élus supplémentaires.

Disparaissent en outre, le représentant des associations de consommateurs, le Président de la CCI, le Président de la Chambre des métiers, et ce, suite aux critiques de la Commission européenne quant à la présence antérieure au sein de la CDEC, de personnalités pouvant représenter les concurrents du pétitionnaire de l'autorisation commerciale.

A l'inverse, apparaissent trois personnalités qualifiées en matière de consommation, de développement durable et d'aménagement du territoire.

. La commission nationale d'aménagement commerciale (CNAC) remplace la Commission Nationale d'Equipement Commerciale (CNEC).

Les bénéficiaires du recours en appel sont plus nombreux celui-ci étant, entre autres, ouvert à "toute personne ayant intérêt à agir".

Par ailleurs, l'Art. L. 752-17 est complété, le recours devant la commission nationale étant un préalable obligatoire.

. De manière générale, les délais de procédure sont raccourcis, la CDEC se prononçant sous deux mois maximum, à peine de décision tacite favorable, l'appel étant d'un mois, et le délai de traitement devant la CNAC, de quatre mois.

Ces délais sont encore raccourcis dans le cadre du régime dérogatoire des équipements commerciaux dont la surface est comprise entre 300 et 1.000 m2, la Commission Départementale et la Commission Nationale devant chacune se prononcer sous un mois.

. Les critères d'évaluation sont également réduits.

Les critères économiques, sujets de nombreuses controverses jurisprudentielles, disparaissent au profit de deux critères, à savoir :

1) L'aménagement du territoire et ses effets sur l'animation de la vie urbaine, rurale et de montagne, sur les flux de transport, et ceux découlant des procédures prévues en matière d'opération programmée d'amélioration de l'habitat (OPAH) et de zones d'aménagement concerté (ZAC) ;

2) Le développement durable intégrant la qualité environnementale du projet et son insertion dans les réseaux de transport collectif.

Il convient de manière plus générale de noter l'effort du législateur aux fins de prise en considération de l'urbanisme commercial par les documents de planification, au sein des plans locaux d'urbanisme, des cartes communales mais également des schémas de cohérence territoriale par la mise en œuvre, notamment dans le cadre de ces derniers, de "zones d' aménagement commercial".

. L'aménagement cinématographique est également modifié et s'intègre désormais dans le code de l'industrie cinématographique.

. Enfin, les articles L. 752-22 à L 752 - 26 évoquent les infractions et sanctions encourues, tant administratives que pénales.

L'on notera sur ce point que, dans le cas où les injonctions et les sanctions pécuniaires prononcées ne permettent pas de mettre fin à un abus de position dominante ou à un état de dépendance économique, le Conseil de la concurrence, devenant à terme au regard des articles 95 à 97 de la loi, "Autorité de la Concurrence", peut enjoindre au contrevenant de modifier, de compléter ou de résilier, dans un délai déterminé, tout accord et tous actes par lesquels s'est constituée la puissance économique qui a permis les abus, voire procéder à des cessions de surface, si lesdites cessions constituent le seul moyen permettant de garantir une concurrence effective dans la zone de chalandise considérée.

Il convient également de noter le droit pour l'autorité municipale de saisir directement le Conseil de la Concurrence.


C- Le nouveau dispositif issu de la loi entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2009.

- Sont cependant d'application immédiate, à la date de la publication de la loi les dispositions suivantes :

. les projets portant sur une superficie inférieure à 1000 m2 ne sont plus soumis à l'examen de la Commission Départementale d'Equipement Commercial sous réserve, pour les projets dont la superficie est comprise entre 300 et 1000 m2 , de la saisine précitée de la CDAC par le Maire ou le Président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'urbanisme, et de la transmission de la demande de permis de construire au Président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent pour l'élaboration du SCOT afin que celui-ci propose le cas échéant la saisine de la CDAC.

. La saisine par le Maire du Conseil de la concurrence.

. La validation, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, des autorisations d'exploitation d'équipements commerciaux délivrés jusqu'au 1er janvier 2009, "en tant qu'elle serait contestée par le moyen tiré du caractère non nominatif de l'arrêté préfectoral fixant la composition de la Commission Départementale d'Equipement Commercial ayant délivré l'autorisation", et ce eu égard aux incertitudes juridiques résultant de la jurisprudence du Conseil d'Etat.


Sans conteste, la réforme de l'urbanisme commercial introduite par la loi de modernisation sociale présente un certain nombre de modifications majeures dont seule la pratique permettra cependant d'en vérifier la portée effective.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Jean-Philippe RUFFIE
Avocat Associé
Cabinet LEXIA
BORDEAUX (33)
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