Salle des fêtes et nuisances sonores

Salle des fêtes et nuisances sonores

Publié le : 12/06/2012 12 juin juin 06 2012

On connaît la jurisprudence du conseil d’état sur l’indemnisation des riverains d’ouvrages publics bruyants, et notamment les salles des fêtes, dont la plupart des 36.697 communes de France et des DOM peut s’enorgueillir d’en posséder une.

Les nuisances sonores générées par une salle des fêtes peuvent rendre celle-ci impropres à sa destination ?Les principes sont bien arrêtés : soit le riverain se voit indemnisé sur le fondement d’une responsabilité sans faute, dès lors que son préjudice apparaît anormal et spécial, soit le riverain caractérise une carence du maire (ou du préfet) dans l’exercice des pouvoirs de police qu’il tient de l’article L 2212-2 du code général des collectivités territoriales (le conseil d’état n’exigeant depuis 2003 qu’une faute simple du maire, CE, 28 novembre 2003, commune de Moissy Cramayel, n° 238349)

Surtout la jurisprudence, qu’elle émane des juges du fond ou du conseil d’état, rappelle systématiquement que :

« les troubles dont se plaignent les riverains d’une salle des fêtes en raison du bruit en émanant n’ont pas pour origine la présence et le fonctionnement de l’ouvrage public lui-même, mais l’utilisation qui en a été faite par les diverses associations et les habitants auxquels la salle était louée » (TA Amiens, 11 décembre 2008, Brailly, n° 0600408 ; CE, 18 octobre 1989, Palisse, n° 59465).

Autrement dit, une salle des fêtes vide ne fait pas de bruit…, les nuisances ne peuvent provenir que des « fêtards » qui s’y réunissent…

On connaît aussi la jurisprudence du conseil d’état en matière de construction, faisant application des articles 1792 et suivants du code civil, sur la garantie décennale des constructeurs.

Ces derniers doivent répondre, pendant 10 ans, à compter de la réception de l’ouvrage, « des dommages qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans l’un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination ».


L’arrêt rendu par le conseil d’état le 9 mai dernier aborde ces deux notions.

La commune de PROUVY a confié courant 1999 à plusieurs constructeurs le réaménagement et l’extension de sa salle des fêtes.

Après réception de l’ouvrage, les riverains se sont manifestement plaints auprès du premier magistrat de la commune de très fortes nuisances sonores.

La commune a alors recherché la responsabilité décennale des constructeurs en raison de ces nuisances sonores causées aux riverains de la salle des fêtes par son fonctionnement.

Suivant en cela l’argumentation développée par les constructeurs, le tribunal administratif de LILLE (26 mai 2009, n°0402938), puis la cour administrative d’appel de DOUAI (14 décembre 2010, n°09DA01083) ont considéré que les nuisances n’affectaient pas l’ouvrage lui-même et en particulier ne le rendaient pas impropre à sa destination.

Le conseil d’état censure ses juges du fond et leur reproche de ne pas avoir recherché si les nuisances sonores n’avaient pas pour conséquence d’empêcher le fonctionnement normal de l’ouvrage et, ainsi, de le rendre impropre à sa destination.

Loin d’être un revirement de jurisprudence par rapport à la jurisprudence Palisse précitée, il s’agit d’une précision apportée par le conseil d’Etat.

Les juges du Palais royal viennent ainsi rappeler qu’une salle des fêtes est, comme son nom l’indique, destinée à recevoir des manifestations, par nature bruyantes, mais qu’elle doit donc être conçue de manière à ce que les nuisances soient les moins importantes possibles, sous peine de considérer qu’elle ne présenterait pas un fonctionnement normal.

Simple précision, mais qui ouvre cependant une brèche jusqu’alors fermée.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © prod. iauvane - Fotolia.com

Auteur

GESLAIN Anne
Avocate Associée
DU PARC - MONNET - DIJON
DIJON (21)
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