Droit de la concurrence & consommation

Publié le : 09/07/2007 09 juillet juil. 07 2007

SFR s'est pourvu en Cassation contre ce jugement le 17 décembre 2001 sous le numéro F0117581. Le jugement reste effectif en attendant la décision de la Cour de Cassation qui pourra soit rejeter le pourvoi, soit casser le jugement et ordonner un nouveau procès. La date d'audience n'a pas encore été fixée

Droit de la concurrence & consommation
Domaine juridique: Droit de la concurrence & consommation
Juridiction (en toutes lettres): Tribunal d'instance de NIMES
Date: 9.10.2001
Décision définitive: non
Nom de l'affaire: D. Jean Charles et autres C/ S.F.R.
N° Ordre: Minute n° 977.2001 RG n ° 11-01-000509
Rappeler le lien vers le site de l'auteur: http://juristel.free.fr/NIMES.htm

Minute n° 977.2001
RG n ° 11-01-000509

[SFR s'est pourvu en Cassation contre ce jugement le 17 décembre 2001 sous le numéro F0117581. Le jugement reste effectif en attendant la décision de la Cour de Cassation qui pourra soit rejeter le pourvoi, soit casser le jugement et ordonner un nouveau procès. La date d'audience n'a pas encore été fixée]

D. Jean Charles

C/

S.F.R. STE FRANCAISE RADIOTELEPHONE

TRIBUNAL D'INSTANCE DE NIMES
JUGEMENT DU 9 Octobre 2001

DEMANDEUR(S)

Monsieur D. Jean Charles
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Monsieur D. Philippe
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Monsieur A. Jean Claude
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Mademoiselle M. Magali
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Monsieur R. Max
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Monsieur R. Romain
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Mademoiselle B. Virginie
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

Mademoiselle G. Julie
représenté(e) par Me DELRAN Camille, avocat au barreau de NIMES

DEFENDEUR(S)

S.A. S.F.R. STE FRANCAISE RADIOTELEPHONE RCS NANTERRE B 343 960 720
1 Place Carpeaux, 92915 PARIS LA DEFENSE CEDEX,
représenté(e) par Me SMITH Herbert, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : CASTANIE Sylvie assistée de Monsieur DENJEAN auditeur de justice
Greffier : LASCOMBE Martine

DEBATS :

Audience publique du : 4 septembre 2001

DECISION :

contradictoire, en dernier ressort, prononcée publiquement le 9 Octobre 2001 par CASTANIE Sylvie, Président assisté de LASCOMBE Martine, Greffier.

Copie exécutoire délivrée le 11.10.01
à Me Delran

EXPOSE DU LITIGE :

Jean-Charles D., Philippe D., Jean-Claude A., Max R., Romain R., Magali M., Virginie B., et Julie G. (ci-après collectivement dénommés les requérants ou les demandeurs ) ont chacun, souscrit un forfait d'abonnement de téléphonie mobile commercialisé par la Société Française de Radiotéléphone dite SFR dans le cadre d'une promotion accessible du 1er décembre 1999 au 16 janvier 2000 ;

Ce contrat dit SWEG ( Forfait heures Soir et Week-End Gratuites ), conclu pour une durée indéterminée avec une période initiale de 12 mois, octroie pour un prix de 250 F un temps forfaitaire mensuel de communication de 2 heures, plus un temps illimité de communication en semaine du soir 20 heures au lendemain matin 8 heures, et les week-end du vendredi soir 20 heures au lundi matin 8 heures ;

L'opérateur a fait passer la redevance mensuelle de ce forfait au montant mensuel de 270 F à compter du 1er mars 2001 ;

Par citation du 20 mars 2001 et conclusions récapitulatives, les demandeurs sollicitent du Tribunal de

- dire et juger que la modification unilatérale du prix est illégale ;

- dire que la modification pratique des conditions d'abonnement est illégale ;

- ordonner la continuation du contrat au tarif initial de 250 F dans les mêmes conditions ;

- ordonner la restitution des sommes trop perçues depuis le 1er mars 2001 date de la modification ;

- condamner la société SFR à payer 1.000 F à chacun des demandeurs à titre de dommages-intérêts pour la modification technique du contrat et le préjudice moral ;

- ordonner nonobstant pourvoi la publication de la décision en son entier dans MIDI LIBRE, LE FIGARO, LE MONDE, MOBILE MAGAZINE, 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS

- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;

- condamner la société SFR à payer à chacun des défendeurs (sic) 1.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

A l'appui de leurs prétentions, les requérants évoquent une violation manifeste de l'article 1134 du Code civil, par le non respect de l'intangibilité du contrat, l'absence de clause de révision du prix ou d'indexation, dont l'augmentation est à la discrétion de l'opérateur et face à laquelle l'abonné ne dispose que de la possibilité de résiliation, ce qui constitue une condition potestative ;

Ils signalent également le non respect de l'article L 132-1 du Code de la consommation qui interdit le déséquilibre manifeste entre le professionnel et le consommateur, et rappellent la recommandation de la commission des clauses abusives qui sanctionne la modification unilatérale des prix en cours d'exécution du contrat ;

De même ils contestent, car contraire à l'article R 132-2 du même code, la modification du mode de fonctionnement pratique du contrat qui comptabilise dorénavant les communications non plus à la seconde après la première minute indivisible mais toutes les 30 secondes ;

Enfin ils estiment que l'exécution provisoire et la publication de la décision à intervenir sont justifiées par la puissance économique de l'opérateur ;

En défense, la société SFR demande au Tribunal de débouter les demandeurs de leurs prétentions, et de les condamner à payer solidairement, outre les dépens, la somme de 1.500F au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Au soutien de ses demandes, la société SFR conteste ne pas respecter le contrat, mais au contraire demande son application quant aux clauses existantes permettant la révision tarifaire, lesquelles sont conformes aux recommandations de la commission des clauses abusives, et nullement potestatives puisque l'abonné peut résilier l'abonnement à tout moment ;

De même, l'opérateur confirme respecter l'équilibre contractuel édicté par le droit de la consommation en matière de clauses abusives concernant notamment la modification de tarification, et justifie le changement de mode de calcul du temps consommé par le maintien de la qualité du service ;

MOTIFS DE LA DÉCISION :

- SUR L'EXISTENCE D'UNE CLAUSE DE REVISION DU PRIX :

L'article 1134 du Code civil édicte que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faîtes ;

Et dans aucun cas il n'appartient aux tribunaux, quelque équitable que puisse leur paraître leur décision, de prendre en considération le temps et les circonstances pour modifier les conventions des parties et substituer des clauses nouvelles à celles qui ont été librement acceptées par les contractants ;

Or les demandeurs et la société SFR réclament la stricte application des clauses du contrat SWEG, sans considération ni de temps ni de circonstances, et sans substitution de clauses nouvelles à celles qui ont été librement consenties ;

En l'espèce, les contrats produits par les demandeurs comportent la mention "je reconnais avoir reçu ce jour un exemplaire des conditions générales d'abonnement", et les conditions générales d'avant janvier 2000, comme celles d'après, indiquent dans l'article 1 intitulé OBJET que "les services se composent du service de base et des services additionnels donnant accès aux prestations définies dans les tarifs de l'opérateur" ;

Et l'article 8.1 dénommé CONDITIONS FINANCIERES des conditions générales d'avant janvier 2000, comme l'article 7.1 des conditions générales de janvier 2000, précise en son premier paragraphe que les modalités d'application des tarifs font l'objet d'une documentation établie et mise à jour par l'opérateur à l'intention de ses abonnés ;

Il convient d'ailleurs de noter que la lettre N° 68 de février 2001 adressée aux abonnées mentionne clairement, bien qu'indiqué en petits caractères en bas de la page, que le tarif du Forfait Heures Soir et Week-end Gratuites sera de 270 F TTC à compter du 1er mars 2001 ;

De plus, l'article 14.1 des premières conditions générales intitulé FIN DU CONTRAT - RESILIATION, comme l'article 12.2.4 des deuxièmes, prévoit la résiliation unilatérale de l'abonné lorsque les tarifs des services en vigueur à la date de souscription de l'abonnement augmentent en cours de contrat ;

Et cet article 14.1, bien que relatif à la fin du contrat et non à sa vie, complète l'article 8.1 en évoquant une possible modification à la hausse des tarifs des services en vigueur à la date de souscription de l'abonnement, donc du forfait d'abonnement puisqu'il fait partie des services énumérés à l'article premier du contrat ;

Or aux termes de l'article 1161 du Code civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier ;

Il apparaît ainsi à la lecture détaillée du contrat SWEG, en analysant les clauses de la convention les unes par rapport aux autres, qu'au moment de la souscription du forfait par l'abonné, l'opérateur a manifesté dans son article dénommé CONDITIONS FINANCIERES son intention de modification unilatérale du tarif d'abonnement, d'ailleurs réitérée dans son article 14.1 relatif à la fin du contrat, et comme l'indique la société SFR dans ses conclusions ;

Dés lors, il convient de considérer que la clause contractuelle 8.1 (nouvellement 7.1) intitulée CONDITIONS FINANCIERES, à l'éclairage de la clause 14.1 (nouvellement 12.2.4), constitue bien une clause de révision unilatérale par la société SFR du prix du forfait d'abonnement SWEG ;

- SUR LE CARACTERE ABUSIF DE CETTE CLAUSE :

Aux termes de l'article L 132-1 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Et selon l'article R 132-2 du Code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, est interdite la clause ayant pour objet ou pour effet de réserver au professionnel le droit de modifier unilatéralement les caractéristiques du bien à livrer ou du service à rendre ;

Mais, selon la recommandation du 28 mai 1999 de la Commission des clauses abusives relative aux contrats de radiotéléphones portables, emporte seulement un déséquilibre significatif la clause qui autorise une modification unilatérale des prix en cours d'exécution d'un contrat à durée déterminée ;

En effet, lorsque le contrat est à durée déterminée, il doit être exécuté jusqu'à son terme et seule la résiliation d'un commun accord des parties peut mettre fin aux obligations qui en découlent ;

A contrario, au sens strict de cette recommandation, lorsque la durée du contrat est indéterminée, la disposition qui autorise la modification unilatérale du prix en cours d'exécution du contrat ne doit pas être considérée comme une clause abusive car la résiliation unilatérale du contractant peut mettre fin à tout moment au contrat ;

Tel est le cas en l'espèce, puisque le contrat SWEG est à durée indéterminée aux termes de l'article .4 intitulé DUREE des premières conditions générales, comme de l'article 6 des deuxièmes, et peut être résilié par l'abonné à tout moment de façon unilatérale conformément aux articles 14.1 (nouvellement 12.1) ;

Dés lors, il apparaît que l'absence d'équilibre du contrat n'est pas rapportée au seul vu de la recommandation de la Commission des clauses abusives ;

Cependant, les recommandations de cette Commission ne sont pas génératrices de règles qui lient le Juge, et de plus la présence d'une possible résiliation unilatérale à tout moment ne dispense nullement la clause de révision du prix d'être claire et précise pour le consommateur ;

Or, il est constant que doit être déclarée abusive la clause conférant un avantage excessif au vendeur professionnel: par l'imprécision dès termes employés et la confusion même des définitions ;

En l'espèce, les termes de l'article 8.1 (nouvellement 7.1) intitulé CONDITIONS FINANCIERES sont peu précis en évoquant la mise à jour d'une documentation relative aux modalités d'application des tarifs, plutôt que d'indiquer d'une façon claire et précise au futur abonné néophyte, que les tarifs font l'objet d'une révision par l'opérateur ;

Il apparaît donc que cet article est imprécis dans ses termes tels la documentation et la mise à jour ainsi que confus dans les définitions employées telle les Services, et confère au vendeur professionnel la société SFR un avantage excessif en créant à son profit un déséquilibre significatif dans la relation contractuelle avec son abonné ;

En effet, l'abonné au contrat SWEG est contraint de subir sur le fondement d'une clause confuse et au seul motif de sa possibilité de résilier, une augmentation unilatérale à la totale discrétion de l'opérateur, sans aucun élément de référence précis et objectif rendant la détermination de la plus-value de l'abonnement téléphonique indépendante de l'unique volonté de la société SFR, et ne permettant ainsi au consommateur que se soumettre ou se démettre devant la volonté de l'opérateur ;

En conséquence, cette clause contractuelle doit être considérée comme abusive au sens de l'article L 132-1 Code de la consommation, et ce malgré l'existence de la possibilité de résiliation unilatérale prévue par l'article 14.1 (nouvellement 12.2.4) ;

Dés lors, il conviendra de dire l'article 8.1 (nouvellement 7.1) non écrit et donc la modification unilatérale du prix de l'abonnement sans fondement, ainsi que d'ordonner le maintien du contrat au tarif initial d'abonnement de 250 F ;

- SUR LA MODIFICATION DU MODE DE FACTURATION :

Selon l'article R 132-2, il peut être stipulé que le professionnel peut apporter des modifications liées à l'évolution technique, à condition qu'il n'en résulte ni augmentation de prix ni altération de qualité ;

Or en l'espèce, la société SFR justifie la modification unilatérale du mode de facturation par le maintien d'une qualité de service, mais ne rapporte aucun élément de preuve justifiant ce changement, alors qu'au contraire les abonnés demandeurs considèrent que ce changement représente une régression technique par rapport au précédent mode de facturation à la seconde ;

Ainsi, il y a lieu de constater que l'opérateur ne démontre nullement l'existence d'une nécessité technique et ne peut donc pas modifier de façon unilatérale le mode de facturation ;

Dés lors, il conviendra de déclarer abusive la modification unilatérale par la société SFR du mode de facturation,

- SUR LA RESTITUTION DES SOMMES :

L'article 1235 du Code civil énonce que tout payement suppose une dette: ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition ;

En l'espèce, la société SFR a prélevé sur les comptes bancaires des demandeurs mensuellement la somme de 20 F depuis le 1er mars 2001, mais sans fondement contractuel ;

Dés lors elle devra être condamnée à restituer aux demandeurs les montants indûment perçus ;

- SUR LES DOMMAGES ET INTERETS :

Aux termes de l'article 1143 du Code civil le créancier a le droit de demander que ce qui aurait été fait par contravention à l'engagement soit détruit, sans préjudice des dommages et intérêts s'il y a lieu ;

Et l'application de cet article est indépendante de l'existence d'un préjudice ;

En l'état, la société SFR a modifié le mode de facturation après la minute indivisible en contravention à son engagement contractuel ;

Dés lors il conviendra de la condamner à payer à chaque requérant la somme de 1.000 F à titre de dommages et intérêts ;

- SUR LA PUBLICATION DE LA DECISION :

Aux termes de l'article 15 du Nouveau Code de Procédure Civile les parties doivent faire connaître leurs moyens de fait et de droit fondant leurs demandes ;

Mais en l'état, les requérants se contente seulement d'invoquer la puissance économique de la société SFR au soutien de leur demande de publication de la décision ;

Dés lors, il conviendra de les débouter de cette demande ;

- SUR L'EXECUTION PROVISOIRE :

En l'espèce l'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et apparaît en outre nécessaire eu égard à l'ancienneté de la demande ;

- SUR LES DEPENS ET L'ARTICLE 700 :

Selon l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, la partie qui succombe supporte les frais ; ainsi la société SFR devra être condamnée aux entiers dépens ;

L'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile stipule que le Juge condamne la partie tenue aux dépens à payer à l'autre partie, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la somme qu'il détermine en tenant compte de l'équité ; et en l'espèce la société SFR devra être condamnée à payer la somme de 4.000 F ;

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement par jugement contradictoire et en dernier ressort ;

Répute l'article 8.1 du contrat litigieux SWEG (nouvellement 7.1) non écrit et la modification unilatérale du prix de l'abonnement du contrat SWEG sans fondement, et ordonne son maintien au tarif initial d'abonnement de 250 F ;

Dit abusive la modification unilatérale par SFR du mode de facturation après la minute indivisible ;

Condamne la société SFR à restituer aux demandeurs les montants indûment perçus au titre de l'augmentation du tarif d'abonnement SWEG de 20 F par mois à compter du 1er mars 2001 ;

Condamne la société SFR à payer à chaque requérant la somme de 1.000 F à titre de dommages et intérêts ,

Déboute de la demande de publication du jugement ;

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ;

Condamne la société SFR aux entiers dépens, outre la somme de 4.000 F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Ainsi jugé et prononcé à NIMES le 9 octobre 2001.

La Greffière La Présidente
(signé) (signé)





Cet article n'engage que son auteur.

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