Délit sur réseau social et compétence terrotoriale

Apologie d’un acte de terrorisme sur Twitter et compétence territoriale

Publié le : 04/12/2023 04 décembre déc. 12 2023

Le 4 juillet 2022, la direction zonale de la sécurité intérieure nord (DZSI) a dressé un signalement au Procureur de la République de Lille relatif à l’activité publique de propagande à visée terroriste de Monsieur X au moyen d’un compte Twitter. 
Entre le 25 mai 2022 et le 6 juillet 2022, la DZSI a relevé des propos susceptibles de caractériser le délit d’apologie publique d’un acte de terrorisme tenus par Monsieur X, alors même qu’il se trouvait en Algérie à cette période. 

Le 19 juillet 2022, alors qu’il rentre en France, ce dernier est interpelé ; les adresses IP de connexion de son compte ont été localisées en Algérie. 
Le Tribunal correctionnel déclare Monsieur X coupable du délit poursuivi.

Le 8 novembre 2022, la Cour d’appel de Douai confirme le jugement du Tribunal correctionnel et le condamne à 2 ans d’emprisonnement notamment, pour apologie publique d’un acte terroriste.

Pour condamner Monsieur X, la Cour d’appel de Douai a écarté l’exception d’incompétence territoriale au motif que « les tweets litigieux ont été publiés sur le réseau internet en langue française, et qu’ils étaient accessibles à tous sans aucune restriction depuis le territoire français ». 

Elle ajoute que dès lors que la publicité des écrits, qui est l’élément constitutif de l’infraction reprochée a eu lieu sur le territoire de la République, elle est réputée commise sur le territoire. 

Ainsi, pour la Cour d’appel de Douai, quand bien même les messages de M.X ont été écrits alors qu’il se trouvait à l’étranger, les faits sont réputés commis sur le territoire français puisque les messages étaient publics et accessibles, tant sur le plan technique que linguistique, en France. 

La Cour de cassation retient que c’est à tort que la Cour d’appel de Douai a considéré que les faits sont réputés avoir été commis sur le territoire français dès lors que la circonstance que les messages étaient accessibles depuis le territoire français ne constitue pas à elle seule, en l’absence de critère de rattachement desdits propos au territoire français, un acte de publication sur ce territoire rendant le juge français compétent pour en connaître.

Si elle ne suit pas l’argumentation de la Cour d’appel, la Cour de cassation ne censure pas pour autant la décision des juges du fond. 

Elle rejette en effet le pourvoi, mais au motif que : « les propos censurés ont été diffusés en langue française, certains accompagnés de photos représentant la France, stigmatisée comme un pays de mécréance, opposé à l’Etat Islamique, d’autres incitant les musulmans à se sentir étrangers sur toutes les terres qui refusent d’appliquer et combattent les lois d’Allah, notamment la France et ce alors que le territoire de la République a été frappé et reste frappé par le terrorisme islamiste, éléments qui constituent en l’espèce, des critères suffisants de rattachement desdits propos au territoire français ». 

Pour que le juge français soit compétent en matière d’apologie d’actes de terrorisme, la Cour de cassation considère ainsi que, outre le fait que les propos du prévenu soient diffusés sur internet et accessibles en France, encore faut-il qu’ils se rapportent eux-mêmes au territoire français. 

Pour l’avenir, cela ne rendra le juge français compétent en matière d’apologie du terrorisme que lorsque (i) les propos diffusés sur internet depuis un territoire étranger sont accessibles depuis la France et que (i) les propos incriminés se rattachent au territoire français. 


Cass. crim., 7 nov. 2023, n° 22-87.230


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Judith LEWERTOWSKI
Avocate
CORNET, VINCENT, SEGUREL PARIS
PARIS (75)
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