Responsabilité des constructeurs et compétence des juridictions

Publié le : 23/04/2013 23 avril avr. 04 2013

La question se pose régulièrement de la compétence des juridictions dans le cadre de l'engagement de la responsabilité des constructeurs.

La compétence des juridictions en matière d'engagement de la responsabilité des constructeursL'hypothèse, que l'on rencontre de plus en plus souvent est celle d'une personne publique qui fait construire pour son compte un immeuble et qui, ultérieurement, le vend.

L'on retrouve cette hypothèse dans le cadre des montages contractuels complexes destinés à favoriser l'implantation de telle ou telle entreprise sur le territoire communal ou intercommunal.

Ce dispositif qui prend régulièrement la forme d'un crédit-bail amène effectivement la collectivité à construire pour le compte d'une tierce personne, un immeuble qu'elle va par la suite lui céder ou dont elle va lui procurer la jouissance exclusive.

Dans cette hypothèse, la maîtrise d'ouvrage est incontestablement publique. Les contrats qui sont passés sont des contrats de droit public.

A l'issue de cette opération de construction, le bien est vendu et, le maître d'ouvrage privé cette fois se trouve confronté à des dommages qu'il qualifie de décennaux.
Devant quelle juridiction peut-il agir ?
Quelle est la compétence des juridictions ?




- Tout d'abord sur les contrats d'assurance.

En maître d'ouvrage avisé, la personne publique qui construit aura souscrit un contrat dommages-ouvrage en vertu des articles L 242-1 et A 243-1 du Code des assurances.

Il faut immédiatement relever que le deuxième alinéa de l'article L 242-1 ne confère pas de caractère obligatoire à cette assurance dommages-ouvrage pour les collectivités dès lors qu'elles ne construisent pas pour un usage d'habitation.

Mais nous prenons l'hypothèse qu'un contrat d'assurance dommages-ouvrage a été conclu.

Si la personne privée, désormais devenue propriétaire, veut mobiliser cette garantie, devant quelle juridiction va-t- elle devoir agir ?
Elle devra agir devant la juridiction administrative puisque le contrat dommages-ouvrage souscrit par la personne publique aura le caractère d'un contrat public.
Il n'en serait autrement que si ce contrat d'assurance avait été souscrit avant le décret n°98-lll du 17 février 1998 qui a soumis les services d'assurance aux dispositions du Code des marchés publics.

En vertu de l'article 2 de la Loi n°2001-1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), les marchés passés en application du Code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs.

Dès lors, il est incontestable que le contrat d'assurance dommages-ouvrage va présenter les caractéristiques d'un contrat public.

Il en sera de même, de manière tout aussi incontestable en ce qui concerne les contrats de maitrise d'œuvre et les contrats de marchés passés avec les différents locateurs d'ouvrage.

Ainsi, aussi bien en ce qui concerne le contrat dommages-ouvrage qu'en ce qui concerne les contrats passés avec les locateurs d'ouvrage, la compétence juridictionnelle sera celle de l'ordre administratif.
Il importe peu à cet égard que le bien soit désormais la propriété d'une personne privée puisque, ce qui commande la compétence de la juridiction, c'est la nature du contrat initialement passé à savoir un contrat public.

Voyez pour différents exemples : Conseil d'Etat, n°297509, 17 juin 2009, SAEMN Bibracte.
Dans cette instance, le Conseil d'Etat a jugé qu'un contrat passé par un délégataire de service public agissant pour son compte est un contrat de droit privé.

Vouez encore un ancien arrêt du Tribunal des Conflits, n°01853 du 8 février 1965.
Le Tribunal des Conflits juge que les opérations de construction poursuivies par les associations syndicales de reconstruction ont le caractère de travaux publics impliquant la compétence administrative pour tout litige mettant en cause les architectes et entrepreneurs.

Il convient de rappeler à l'issue de cette modeste contribution que les actions en garantie décennale se transmettent de propriétaires en propriétaires, ce qui procède de l'article 1792-1 du Code Civil, qui est sans aucune difficulté appliqué par les juridictions administratives.

Voyez pour un exemple, Conseil d'Etat, 7 octobre 1998, n° 156653, société O.T.H. MEDITERRANEE S.A.
Il convient plus que jamais d'être vigilant sur la compétence juridictionnelle en se rappelant qu'elle est commandée par la nature du contrat de construction.

L'assistance d'un avocat spécialisé en droit public et en droit de la construction apparait indispensable lorsqu'il s'agit de mobiliser les garanties d'un contrat d'assurance décennale ou les garanties d'un entrepreneur dans le cadre d'un marché de travaux publics.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © julien tromeur - Fotolia.com

Auteur

DROUINEAU Thomas
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers
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