Conducteur sans permis ou sans assurance victime d'un accident: quelle indemnisation?

Publié le : 05/04/2017 05 avril avr. 04 2017

Un conducteur victime d'un accident de la circulation, qui conduisait sans permis ou sans assurance, peut-il malgré tout, se voir indemniser de ses préjudices?

La victime conducteur (non passager, non piéton, non cycliste…) est indemnisée de ses préjudices matériels et corporels, sous réserve qu’elle n’ait pas commis de « faute » (articles 4 et 5 de la Loi Badinter)

La loi ne fait mention ni d’une exigence d’un seuil de gravité de la faute, ni même si cette faute doit avoir un lien causal avec l’accident…
 
Il est de jurisprudence ancienne que la faute de la victime conductrice doit avoir joué un rôle causal dans la réalisation de son dommage abstraction faite du comportement de l'autre conducteur (Cass., Ch. mixte, 28 mars 1997, n° 93-11078), sans qu’il soit nécessaire que cette faute soit unique ou exclusive de l’accident (Cass. civ. 2ème, 5 juin 2003, Bull. civ. 2003, II, n° 168, p. 143 ; 9 octobre 2003, Bull. civ. 2003, II, n° 291, p. 237 ; 3 juin 2004, pourvoi n° 02-18.480), l’exigence d’une telle condition ajoutant à la loi (Cass. civ. 2ème, 18 mars 2004, Bull. civ. 2004, II, n° 127, p. 107).
 

Ont ainsi été qualifiées de fautes limitant ou excluant l’indemnisation :

 
  • une vitesse inadaptée au regard de l’état de la chaussée (Cass. 2e civ., 22 janvier 2004, n° 02-14918)
  • une vitesse excessive (Cass. crim., 2 juin 2004, n° 03-25.811),
  • un défaut de maîtrise du véhicule (Cass. 2e civ., 5 novembre 1998, n° 97-11124 - Cass. civ. 2ème, 19 octobre 2006, pourvoi n° 04-11.656),
  • la circulation sur une voie interdite (Cass. civ. 2ème, 16 octobre 1991 - Cass. 2e civ., 27 janvier 2000, n° 98-12363),
  • la circulation en sens inverse de la circulation (Cass. 2e civ., 15 janvier 1997, n° 95-15506 - Cass, Civ. 2e, 20 juin 2002),
  • la circulation de trop près du véhicule précédent, (Cass. Civ. 2e, 12 oct. 2000),
  • le refus de céder le passage ou de priorité (Cass, Civ. 2e, 14 janv. 1998 - Cass. civ. 2ème, 18 décembre 1995 - Cass. 2e civ., 10 mars 2004, n° 02-16.486)
  • le défaut d’attention et l’erreur de freinage (Cass. crim., 2 juin 2004),
  • le non-respect d’un signal imposant l’arrêt (Cass. civ. 2ème, 15 novembre 2001),
  • la conduite en état alcoolique (Cass, 2ème civ, 4 juillet 2002),
  • l'absence de ceinture de sécurité (Cass. crim. 4 nov. 1986 - Cass. crim., 21 oct. 1992 - Civ. 2e, 5 oct. 1994; Cass. 2e civ., 22 janv. 2004 - Cass. crim., 13 nov. 2007, n° 07-84.504),
  • l'absence de casque de protection (Cass. crim, 22 mai 2007)
 
Mais les circonstances s’apprécient in concreto.

Par exemple, il a été jugé que le conducteur avait droit à une indemnisation sans limitation ou exclusion lorsque :

 
  • le taux d’alcoolémie de la victime n’a joué aucun rôle causal dans la survenance de l’accident (Cass. civ. 2ème, 27 septembre 2001, n° 99-21.377),
  • le cyclomotoriste circulant sans casque protecteur, n’a subi des blessures qu’à la hanche et aux deux jambes (Cass. civ. 2ème, 4 juillet 2002, pourvoi n° 01-03.402),
  • l’excès de vitesse du conducteur victime n’a pas contribué à la survenance ou à l’importance du dommage qu’il avait subi (Cass. civ. 2ème, 16 novembre 1994, pourvoi n° 93-10.156)
  • le fait de ne pas avoir mis sa ceinture de sécurité n’est pas en relation de causalité avec le dommage invoqué (Cass. civ. 2ème, 5 octobre 1994, Bull. civ. 1994, II, n° 187, p. 109),
 
Cela a été rappelé par  l’Assemblée  Plénière  de  la  Cour  de  Cassation, qui  se  prononce  le  6  avril  2007  (n°  05.81.350  et  05.15.950)  et  relève  qu’en l’absence de faute de conduite ayant joué un rôle dans l’accident, l’état d’alcoolémie du conducteur est  sans  relation  causale  avec  la  réalisation  du  préjudice.
 
En conclusion, pour limiter ou exclure le droit à indemnisation du conducteur victime, il faut que sa « faute » constitue une faute de conduite et que cette faute ait joué un rôle causal dans la réalisation de son préjudice.
 
D’ailleurs, il a été jugé dans deux espèces différentes que :
 
  • un jeune cyclomotoriste non titulaire du brevet scolaire de sécurité routière l’autorisant à conduire un cyclomoteur, a obtenu une indemnisation intégrale, la Cour de cassation considèrant que « ce manquement étant sans lien de causalité avec l’accident et donc avec son propre dommage » (Cass. civ. 2ème, 23 mai 2002, pourvoi n° 00-17.078)
     
  • un conducteur de moto de grosse cylindrée sans permis ne peut voir réduire son droit à indemnisation alors qu’il était détenteur du permis de conduire automobile et connaissait les règles du Code de la route. La Cour de cassation considère que « la cour d’appel qui a déduit de l’examen des circonstances de l’accident l’absence de lien de causalité entre le défaut de permis de conduire et la réalisation des dommages subis pas celui-ci, a fait l’exacte application de la Loi » (Cass. crim., 27 nov. 2007, n° 07-81.585)
 
A la lumière de ces arrêts, il ne peut y avoir lieu à exclusion de garantie pour le seul fait de conduite sans assurance et/ou sans permis, sous réserve que le conducteur n’ait commis aucune faute de conduite. 


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo: © Richard Villalon - Fotolia.com

 

Auteur

ARBELLOT de ROUFFIGNAC Anne Sophie

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