Expertise

La valeur probatoire de l’expertise amiable

Publié le : 20/12/2022 20 décembre déc. 12 2022

Un récent arrêt revient mettre les pendules à l’heure en matière de retenue par les juridictions d’une expertise amiable produite par une partie au soutien de son argumentation.
En effet le 5 octobre 2022 (n° 20-18709) la Chambre commerciale rendait un arrêt rappelant qu’une expertise amiable ne pouvait valoir preuve à elle seule si n’était pas produit un élément de preuve complémentaire.

Cette décision est une pierre de plus à l’édifice patiemment construit en la matière par la Haute juridiction notamment à partir d’un arrêt de la Chambre Mixte du 28 septembre 2012 (n° 11-11361 recours déclaré inopposable d’un assureur ayant indemnisé une automobiliste au vu d’un rapport d’expertise contre le constructeur). Et si elle n’est pas nouvelle elle est un nouveau marqueur de l’insuffisance d’une expertise amiable isolée en matière de preuve.

L’évolution s’est faite de l’expertise amiable non contradictoire à la nomination consensuelle de l’expert par les parties et reconnaissance de son rapport même par la loi, en passant par le versement aux débats du rapport amiable soumis à la discussion avec ou sans autre moyen de preuve. Et, en fin de compte, par l’expertise judiciaire convenue dans le cadre d’une procédure participative.

I- L’expertise amiable pure et simple :

Pour gagner du temps, éviter la perte d’informations ou la dégradation de l’objet expertisé, mais aussi pour éviter coût et longueur d’une procédure judiciaire certains font appel à un expert, souvent choisi sur la liste des experts près la Cour d’appel pour donner une certaine crédibilité au rapport.

Et même parfois à de non experts tels des avis agences immobilières requises d’estimer un bien en vue d’un rapport à succession non contradictoires la cour de cassation prenant en compte un rapport d’expertise judiciaire vieux de 5 ans (Cass ; civ. 13 mai 2015, n° 13-27541).

Reste qu’il y a une différence entre l’expertise contradictoire ou soumise contradictoirement aux débats qui peut être reconnue comme preuve et celle que l’adversaire ne peut discuter ; dans ce second cas la règle du contradictoire s’oppose à ce qu’elle soit retenue mais dans le premier elle peut être acceptée sous la réserve du II ci-après.

La cour de cassation a toujours rejeté ce moyen de preuve unique surtout s’il n’a pas été soumis au contradictoire des parties (Cass. civ. 21 septembre 2018, n° 20-099 ; Cass. civ. 3, 21 janvier 2021, n° 19-16894 cassant un arrêt d’appel qui retient un rapport privé soumis aux débats contraire au rapport judiciaire en prenant en compte les annexes non contradictoires de celui-ci ; Cass. civ. 1, 15 septembre 2021, n° 20-11939 relatif à une indemnité d’occupation fixée au seul d’un rapport privé produit par le mari).

Et même s’il a été soumis au contradictoire à défaut d’autre élément de preuve (Cass. civ. 2, 9 avril 2022, n° 21-14813 pour un devis de réparation automobile ; Cass. civ. 2, ( 9 juin 2022, n° 21-12247 identique à l’arrêt commenté ; Cass. civ. 2, 7 septembre 2017, n° 16-15-531 en l’espèce il s’agissait même d’une expertise judicaire entre parties produite dans un litige contre un tiers non mis en cause initialement et rejeté faute d’autre élément de preuve).
 

II- L’expertise assortie d’un autre moyen de preuve :

Un indice ou un témoignage et, a fortiori, une preuve par constat d’huissier ou un document émanant du contradicteur sont par contre le supplément acceptable pour reconnaitre la valeur de l’expertise amiable.

Ainsi un rapport technique effectué avant la vente d’un véhicule qui corroborerait les conclusions de l’expert (voyant rouge allumé donc risque de panne avéré alors que le vendeur affirmait que le défaut était réparé) a été admis pur prononcer la résiliation de la vente pour vice caché (Cass. civ. 14 septembre 2022, n° 21-14813). 
 

III- L’expertise convenue ou participative :

A l’occasion d’un contentieux les parties se rapprochent, conviennent d’une expertise pour éclairer l’objet de leur différend et nomment l’expert d’un commun accord, voire en acceptent les conclusions et ce, sans procédure particulière.

A ce moment-là et sauf contestation après coup du rapport part une des parties la juridiction s’en emparera en soutien de sa décision.

Mais le code de procédure civile a été modifié dans le sens d’une plus grande participation des parties à leur procédure avec les modes alternatifs de règlement des différends. Parmi ceux-ci la procédure participative a pour objet, toujours dans le cadre du contentieux judiciaire, de faire réaliser -dans le cadre d’une convention – la mise en état de la cause par les justiciables ; et à cette occasion ceux-ci peuvent parfaitement établir un acte sous seings privés, aussi bien acte d’avocat désignant un expert d’un commun accord ( art. 1546-3 4° et 1547 CPC), prévoyant sa mission et acceptant ses conclusions par avance sauf erreur grave.

Ce rapport, aux termes de l’article 1554 du code de procédure civile, a désormais valeur d’expertise judiciaire.

Trop de référés ou de requêtes fondées sur l’article 145 du code de procédure civile encombrent encore les tribunaux alors que si les parties se rapprochaient intelligemment (et cela dépend beaucoup de leurs avocats) ils concluraient une convention de procédure participative dans laquelle ils incluraient en cas de besoin la nomination d’un expert technique pour éclairer le débat factuel.      


Alain Provansal avocat honoraire fondateur du cabinet Provansal et associés.                


Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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