Sanction disciplinaire agent et droit de se taire

Fonction publique : sanction disciplinaire et notification du droit de se taire

Publié le : 26/12/2024 26 décembre déc. 12 2024

A la suite de la décision du Conseil Constitutionnel n° 2023-1074 QPC du 8 décembre 2023, la Cour administrative d’appel de Paris avait jugé dans son arrêt n° 22PA03578 du 2 avril 2024, que :

« Aux termes de l’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi ». Il en résulte le principe selon lequel nul n’est tenu de s’accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s’appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d’une punition. Elles impliquent que le fonctionnaire faisant l’objet de poursuites disciplinaires ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu’il soit préalablement informé du droit qu’il a de se taire ».

La Cour relevait que l’agent sanctionné qui n’a pas été informé du droit de se taire lors de la procédure disciplinaire, devait être regardé comme privé d’une garantie. La décision de sanction repose alors sur une procédure irrégulière.

Dans l’attente de l’appréciation de l’étendue d’un tel principe, il était conseillé de notifier aux agents poursuivis disciplinairement le droit de se taire, au même titre que la possibilité de consulter leur entier dossier, de faire des déclarations et d’être assistés par le ou les défenseurs de leurs choix.

La position de la Cour administrative d’appel de Paris pouvait dès lors, donner le sentiment d’un moyen d’irrégularité systématiquement opérant. 

Le Conseil d’Etat vient de se prononcer sur l’étendue de cette garantie dans son arrêt n° 490157 du 19 décembre 2024.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État a d’abord rappelé le principe applicable :

« 2. D'une part, aux termes de l'article 9 de la Déclaration de 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. " Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.

3. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire (…) ».

Mais le Conseil d’Etat vient ensuite tempérer ce principe, en considérant que :

« 4. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu des principes énoncés aux points 2 et 3, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit ».

En d’autres termes, le moyen tiré du vice de procédure de l’absence de notification du droit de se taire sera inopérant, si l’agent requérant ne démontre pas que la sanction qui lui a été infligée, repose de manière déterminante sur les propos qu’il a tenus au cours de la procédure.

Ainsi, dans l’éventualité où une sanction disciplinaire repose essentiellement sur les pièces du dossier disciplinaire qui ont été portées à la connaissance de l’agent poursuivi ou encore, lorsque ce dernier s’est abstenu de toute déclaration au cours de la procédure y compris à l’occasion du conseil de discipline, alors cette irrégularité ne sera pas susceptible d’entraîner l’annulation de la sanction.

En tout état de cause, il appartient aux autorités investies du pouvoir disciplinaire, de notifier dès l’engagement des procédures aux agents poursuivis, la possibilité qu’ils détiennent du droit de se taire pour l'ensemble de la procédure disciplinaire. 


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Thomas PORCHET
Avocat
1927 AVOCATS - Poitiers, 1927 AVOCATS - La-Roche-Sur-Yon, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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