La procédure simplifiée de recouvrement des petites créances

Publié le : 20/06/2016 20 juin juin 06 2016

De tous temps le législateur a tenté de simplifier les procédures de recouvrement des petites créances mais toujours en présence d’un juge garant des libertés et de l’équilibre entre les parties.Désormais un pas immense est franchi puisque jusqu’à un certain montant la procédure – au moins dans sa phase amiable – est confiée à un professionnel du droit, certes officier ministériel.

Après en avoir étudié le principe et le mécanisme, il faudra le comparer aux autres procédures existantes relatives ou non aux petites créances mais simplifiées quand même.



I- Historique législatif et règlementaire1- La Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques dite Loi Macron du nom du Ministre de l’Economie dans son article 208 crée un article 1244-4 du code civil qui institue cette procédure simplifiée de recouvrement des petites créances.

2 - L’ordonnance du 10 février 2016 n° 2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations comporte un chapitre V reprenant dans son article 125-1 reprenant les dispositions de l’article le 1244-4 du code civil à la virgule près.

3 - Enfin le décret 2016-285 du 9 mars 2016relatif à la procédure de recouvrement des petites créances règlemente la procédure. Son article 1 stipule : " Le titre II du code des procédures civiles d’exécution est complété par un chapitre V qui intègre cette procédure dans les articles 125+1 à 125-8 de ce code".

Enfin deux arrêtés du 3 juin ont été publiés, l’un relatif à la communication électronique et au fichier à tenir par la Chambre des Huissiers destiné à conserver tous les documents, l’autre instituant des modèles-types de lettres à respecter par les huissiers auxquelles sont jointes les réponses positive ou négative à renvoyer par le débiteur.

La procédure est applicable au 1er juin 2016.


II- Les conditions d’ouverture :1- Les caractéristiques de la créance :


  • Nature : la procédure s’applique aux créances ayant une cause contractuelle ou résultant d’une obligation statutaire et inférieure à un montant fixé par décret en Conseil d’Etat.
Aucun distinction que la cause (au sens antérieur à la réforme des contrats qui la supprime) de la créance soit civile, commerciale, ou relative au droit de la consommation.


  • Montant : Le décret du 9 mars 2016 fixe le montant maximum à 4.000 € ce qui situe ce montant entre celui de l’injonction de payer française qui est infini et l’injonction de payer européenne et la procédure européenne de règlement des petits litiges limité à 2.000 €.

  • Agent de recouvrement : Comme précisé en, introduction il s’agit d’un agent officiel de recouvrement : l’Huissier de Justice qui obtient là un privilège exorbitant du droit commun sauf pour les chèques impayés de pouvoir délivrer un titre exécutoire.


  • Seule limitation nécessitée par le risque de conflit d’intérêts : l’huissier qui instrumente dans cette procédure ne pourra pas exécuter lui-même, ni sur son titre exécutoire ni sur celui délivré en cas d’échec par un juge et un greffier..


2 - Le déroulement de la procédure :


Phase préparatoire : cette procédure s’ouvre dans un délai d’un mois à compter d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception adressée par un huissier de justice du ressort du TGI ou de l’un des TGI du département du domicile invitant le débiteur à participer à cette procédure selon, modèle –type établi par l’arrêté précité du 3 juin 2016 établissant un modèle de lettre reproduisant tous les textes applicables (articles L. 111-2 et L.111-3 du code des procédures civiles d’exécution et des articles 1244-4 et 2238 du code civil.

A la lettre sont joints les formulaires en matière de procédure simplifiée de créances d’acceptation ou de refus à renvoyer par le débiteur.

La lettre mentionne aussi notamment le nom et l’adresse de l’huissier de justice mandaté, le nom ou la dénomination du débiteur, son adresse ou son siège social et le fondement et le montant de la somme due en principal en principal et intérêts, en distinguant les différents éléments de la dette.

L’accord du débiteur adressé selon le formulaire envoyé par l’huissier, et constaté par lui, suspend la prescription.


Réponse négative du débiteur : qu’elle soit expresse, au moyen ou non du formulaire prévu, ou implicite (défaut de réponse dans le mois de la réception de la lettre recommandée de l’huissier) la manifestation du refus obligera le créancier à saisir un juge pour obtenir un titre exécutoire.


Réponse positive du débiteur : dans ce cas l’huissier propose au débiteur un accord sur le montant et les modalités du paiement.


La procédure prend fin lorsque l’huissier constate, par un écrit qui peut être établi par voie électronique (pour l’application voir l’autre arrêté du 3 juin 2016 relatif à la mise en œuvre par voie électronique de la procédure simplifiée de recouvrement des petites créances) ; au vu de l’accord l’huissier délivre au créancier mandant un titre exécutoire qui récapitule les diligences effectuées en vue de la conclusion de cet accord et une copie en est remise sans frais au débiteur.



Attention : aux termes de l’article R. 125-8 du décret du 9 mars 2016 2016-285, l’huissier ayant établi le titre exécutoire ne peut être chargé de la mise à exécution forcée du recouvrement de la créance qui en fait l’objet.

De même il ne peut recevoir aucun paiement à compter de l’envoi de la lettre invitant le débiteur à participer à la procédure simplifiée de recouvrement avant qu’il n’ait constaté l’issue de la procédure.



En conclusion voilà encore un arsenal extra-juridictionnel au profit d’une seule profession qui s’est déjà organisée en plateformes pour appliquer au plus vite ces textes dès le 1er juin 2016.

Cela s’ajoute aux injonctions de payer en matière contractuelle par lesquelles le créancier s’adresse directement au juge compétent (Tribunal d’instance, de commerce ou de Grande instance) pour obtenir une ordonnance exécutoire après expiration du délai de recours ou s’il est rejeté.

Sans compter les instruments communautaires : procédure européenne d’injonction de payer (Règlement UE 1896/2006) ou recouvrement de petites créances jusqu’à 2.000€ (Règlement CE 86/2007), sachant que ce dernier a fait l’objet le 23 juin 2015 d’un accord entre le Parlement européen et le Conseil pour modifier cette procédure : créances augmentées à 5.000€, extension d’ici cinq ans au droit du travail, limitation des frais).

En dehors de la matière pénale (et encore) restera-t-il un juge pour régler les litiges (voir projet de divorce par consentement mutuel par acte d’avocat).



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © illustrez-vous - Fotolia.com

Auteur

PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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