Logement: règles d’accessibilité aux personnes handicapées

Publié le : 23/09/2009 23 septembre sept. 09 2009

Désormais tous les bâtiments neufs ainsi que les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public devront être accessibles au public, sans dérogation possible.

Remise en cause des dérogations préfectorales en ce qui concerne les logements neufsCE, 21 juillet 2009, « Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs », n° 295382 et 298315.

L’article L. 111-7 du code de la construction et de l’habitation, dans sa rédaction issue de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, prévoit que « Les dispositions architecturales, les aménagements et équipements intérieurs et extérieurs des locaux d'habitation, qu'ils soient la propriété de personnes privées ou publiques, des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des lieux de travail doivent être tels que ces locaux et installations soient accessibles à tous, et notamment aux personnes handicapées, quel que soit le type de handicap ».

Ces dispositions ont été précisées notamment par le décret du 17 mai 2006 relatif à l'accessibilité des établissements recevant du public, des installations ouvertes au public et des bâtiments d'habitation et modifiant le code de la construction et de l'habitation. Ce décret insère dans le code de la construction et de l’habitation les articles R. 111-18-3, R.111-18-7 et R. 111-19-6 permettant, respectivement pour l’habitat collectif neuf, les maisons individuelles neuves et les établissements recevant du public, des dérogations préfectorales aux règles d’accessibilité des logements aux personnes handicapées. De telles dérogations peuvent être accordées, par exemple, lorsque les règles d’accessibilité « ne peuvent être respectées du fait d’une impossibilité technique résultant de l'environnement du bâtiment et, notamment, des caractéristiques du terrain, de la présence de constructions existantes ou de contraintes liées au classement de la zone de construction, en particulier au regard de la réglementation de prévention contre les inondations » (article R. 111-18-3 alinéa 1er CCH).

A la demande de l’association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs, le Conseil d’Etat, par un arrêt du 21 juillet 2009 mentionné dans les tables du recueil Lebon (CE, 21 juillet 2009, « Association nationale pour l’intégration des personnes handicapées moteurs », n° 295382 et 298315), a annulé ces articles au motif :
- que la loi n’ouvre certaines possibilités de dérogation aux règles relatives à l’accessibilité des logements aux personnes handicapées que pour les travaux sur des bâtiments existants
- et que, par conséquent, en permettant de telles dérogations des constructions neuves, le pouvoir réglementaire a permis d’autres dérogations que celles dont la loi a admis la possibilité.

L’annulation prononcée par la Haute Juridiction porte sur les articles R. 111-18-3 et R. 111-18-7 du code de la construction et de l’habitation. Elle porte également sur les dispositions de l’article R. 111-19-6 CCH relatif aux établissements recevant du public et aux installations ouvertes au public, en tant qu’il s’applique aux constructions nouvelles.

Cette décision est importante de conséquences pratiques car désormais tous les bâtiments neufs ainsi que les établissements recevant du public et les installations ouvertes au public devront être accessibles au public, sans dérogation possible. Par ailleurs, en vertu de l’effet rétroactif de la jurisprudence, cette décision prive de base réglementaire les dérogations préfectorales déjà accordées pour les programmes de construction qui débutent ou qui sont en cours de réalisation.

Pour celles qui n’auraient pas acquis un caractère définitif, les dérogations préfectorales s’exposent à un risque d’annulation en cas de recours et à un risque de retrait de la part de l’autorité administrative compétente.
Pour les autres, devenues définitives, la question se pose de savoir si de telles dérogations dépourvues de base réglementaire permettent à leur bénéficiaire de débuter ou de poursuivre les travaux sans difficulté. C’est certainement à ce niveau que l’incertitude est la plus grande. On rappellera notamment que le non respect des règles de construction constitue un délit en vertu de l’article L. 152-4 du code de la construction et de l’habitation.

La poursuite de travaux sur le fondement de l’une de ces dérogations serait-elle constitutive d’un tel délit ? Sur un plan civil, un tiers lésé par la méconnaissance des règles d’accessibilité des logements aux personnes handicapées serait-il fondé à actionner le promoteur qui lui a délivré un logement bénéficiant de l’une de ces dérogations ? Enfin, on rappellera que le maître d’ouvrage est tenu de faire établir à l’issue des travaux une attestation constatant qu’ils respectent les règles d’accessibilité applicables (article L. 111-7-4 CCH). Cette
constatation pourra-t-elle valablement être établie en tenant compte d’une dérogation privée de base réglementaire ?
Dans l’attente des réponses à ces questions, il est possible d’imaginer qu’un parlementaire s’emploie dès aujourd’hui à rédiger une proposition de loi tendant à ce que celle-ci autorise ce que le décret n’a pas pu permettre.



Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

ROUHAUD Jean-François
Avocat Associé
LEXCAP RENNES
RENNES (35)
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