Du bon usage de la société civile immobilière…

Du bon usage de la société civile immobilière…

Publié le : 01/12/2014 01 décembre déc. 12 2014

Lors d’une opération d’acquisition immobilière, la question se pose fréquemment de savoir si l’achat envisagé s’opérera en nom personnel ou au travers d’une SCI.Les banques, fréquemment réfractaires à la SCI en raison principalement de la complexification des prises de garantie, découragent souvent leurs clients d’acquérir au travers de telles sociétés et mettent en avant les désagréments souvent cités de la SCI : coût de la constitution, frais d’annonce légale et de greffe, obligation de tenue d’une assemblée générale annuelle et création d’un registre des assemblées.

Pourtant, l’acquisition au travers d’une SCI présente de réels avantages que cet article a pour but de synthétiser.


a) en terme de gestion du bien immobilier, la SCI offre beaucoup plus de souplesse que l’indivision.
Si un indivisaire peut accomplir seul les actes indispensables à la conservation du bien (réparation d'urgence par exemple), il en va différemment des actes de gestion courante (exemple le plus fréquent : conclure ou renouveler un bail), il faut la majorité des deux tiers des droits indivis ; et pour tous les autres actes, c’est même l'unanimité qui est requise... En indivision, la gestion d'un bien peut donc vite devenir très compliquée. On objectera que les indivisaires peuvent très bien conclure une convention régissant leurs relations, obligatoirement publiée au service de la publicité foncière. Mais il sera rappelé que la durée de cette convention ne peut être que de 5 ans maximum.

La SCI présente donc l’avantage confier de plein droit au gérant (ou cogérants) la gestion du bien immobilier, sans qu’il soit besoin de se référer aux règles compliquées et très lourdes de majorité qui prévalent en matière d’indivision. La souplesse est à cet égard renforcée par le fait que les dispositions statutaires peuvent très bien aménager les pouvoirs du gérant (stipulation de seuils d’engagement de dépenses par exemple), si tel était le souhait des associés de la SCI.


b) En termes de disposition du bien immobilier, là encore, la souplesse de la SCI offre de grands avantages.
Alors qu’en présence d’une indivision, la volonté d’un des indivisaires d’en sortir (au visa de l’article 815 du Code civil) entraînera fréquemment le partage et la mise en vente du bien lui-même, un associé au sein d’une SCI pourra se prévaloir de son droit de retrait (statutairement défini) sans exposer le bien immobilier lui-même. De même, alors qu’en cas de décès d’un des indivisaires, ses héritiers deviennent automatiquement propriétaires d’une quote-part du bien, en cas de décès d’un des associés de la SCI, les statuts peuvent aménager l’accès des héritiers à la SCI par le jeu des clauses d’agrément et ainsi préserver le bien immobilier lui-même.


c) En matière de plus values immobilières :
En cas de revente du bien détenu en indivision, les règles classiques d’abattement s’appliquent (exonération totale au terme d’un délai de 30 ans – régime applicable au titre de l’année 2014) ; l’assiette de calcul de ladite plus value prenant alors en compte 100 % de la valeur de l’immeuble au jour de la vente.

En cas de vente d’un bien immobilier propriété d’une SCI, la valeur de l’immeuble pourra être affectée d’une décote et ainsi abaisser le montant de la plus values immobilière à acquitter : il est en effet fiscalement considéré qu’un immeuble détenu par une SCI, dont la propriété est morcelée en parts sociales, est difficilement vendable - surtout s'il s'agit d'une SCI à caractère familial. Il est ainsi considéré qu’un immeuble détenu par une SCI amenuise sa valeur vénale du fait de cette moindre liquidité, ce qui permet d'opérer une décote (comprise généralement entre 10 % et 50 %), minorant d’autant la valeur des parts sociales. Cette diminution du patrimoine présente également un avantage non négligeable en matière successorale, en raison de la réduction de la valeur imposable aux droits de succession.

d) L’acquisition d’un bien immobilier sous forme de SCI permet également une transmission fractionnée du bien, notamment aux enfants des associés, en franchise d’impôt.
Prenons l’exemple suivant : Mr MARTIN est propriétaire d’une villa d’une valeur de 300.000 €, qu’il souhaite donner à Eric et Audrey, ses deux enfants. Si Mr MARTIN est propriétaire de cette villa en nom propre, Eric et Audrey recevront chacun 150.000 €, avec application d’un abattement de 100.000 € par enfant (loi de finances 2012). Eric et Audrey paieront donc des droits sur la somme de 50.000 € (150.000 – 100.000), au taux de 20 % (soit 15.000 €). Si Mr MARTIN est propriétaire du même bien sous forme de SCI (disposant d’un capital social de 300.000 € divisé en 1000 parts de 300 € chacune), l’application de la décote minimale de 10% mentionnée ci-dessus permettra déjà de rapporter la valeur du bien à la somme de 270.000 €. Mr MARTIN peut alors donner 333 parts à chacun de ses enfants (soit 99.900 € x 2), en franchise d'impôt puisque le montant de la donation est inférieur à l'abattement. Il leur donnera les parts restantes dans quinze ans, une fois l'abattement reconstitué, tout en conservant pendant cette période intermédiaire la possibilité de gérer librement la SCI. La totalité de la villa de Mr MARTIN aura ainsi été transmise à Eric et Audrey en franchise d'impôt.


e) La SCI est par ailleurs particulièrement recommandée en cas de concubinage :
La SCI constitue un moyen très habile et optimisé de transmission du patrimoine en cas de décès de l’un des deux concubins, sous réserve de bien en articuler le montage. En effet, en cas d’acquisition d’un bien par le biais du régime de l’indivision, l’immeuble appartient à chacun à proportion de son apport. Au jour du décès du premier d’entre-eux, son concubin survivant n'est pas assuré de pouvoir continuer à vivre dans le logement, car les héritiers du concubin décédé vont alors se trouver propriétaires indivis avec lui. Ils pourront alors l'obliger à vendre.

En cas d’acquisition sous forme de SCI, les héritiers n’intègreront pas automatiquement la société (sous réserve d’une clause statutaire d’agrément), sous la condition naturellement du rachat de la contrevaleur des parts du défunt. Un testament croisé pourrait régler la question, mais c’est sans compter sur une fiscalité pénalisante (la taxation des successions entre personnes dites étrangères s’opérant à hauteur de 60% après abattement de 1570 €). Il est donc recommandé en pareille hypothèse d’acquérir le bien sous forme de SCI en opérant un démembrement croisé des parts de la société entre les concubins.

Prenons un exemple précis : M. X et Mlle Y créent une SCI « Z » en se répartissant l'usufruit et la nue-propriété des 1000 parts sociales composant le capital social de la SCI. Mr X aura l'usufruit des parts N°1 à 500 et la nue-propriété des parts N°501 à 1000. Melle Y aura quant à elle l'usufruit des parts N°501 à 1000 et la nue-propriété des parts N°1 à 500. Si Mr X décède, Melle Y récupérera la pleine propriété des parts N°1 à 500 (sans payer de droits de succession) et conservera l'usufruit des parts N°501 à 1000, dont la nue-propriété sera répartie entre les héritiers de Monsieur. Elle pourra donc conserver la pleine jouissance du logement jusqu'à son décès. Et réciproquement, si Melle Y décède avant Monsieur X.

Dans l’hypothèse d’un couple Pacsé ou marié (quelque soit le régime matrimonial), une étude affinée est impérativement à réaliser car certains inconvénients à l’acquisition en SCI apparaissent alors : nous citerons ainsi par exemple l’impossibilité pour le conjoint/partenaire survivant d’exciper du droit au maintien dans les lieux pendant la durée d’un an après le décès de son époux/épouse/partenaire, l’absence d’abattement de 30% applicable à la résidence principale en cas de déclaration ISF.


f) Enfin, l’acquisition d’un immeuble sous forme de SCI est un outil assez puissant de réduction des droits de succession et de donation.
Alors qu’en cas d’acquisition sous le régime de l’indivision, l’assiette des droits est fixée sur la valeur de l’immeuble sous la seule déduction des frais d’acquisition (communément appelés « frais de notaire »), il n’en va pas de même pour la SCI. En premier lieu s’appliquera le bénéfice de la décote ci-dessus évoqué. En deuxième lieu, l’assiette des droits sera déterminée de la manière suivante : valeur de l’immeuble (actif), moins le passif (solde d’emprunt bancaire, montant des comptes courant d’associés, etc…), ce qui constitue une différence majeure dans le calcul – et donc le paiement – des droits à payer. En troisième lieu, en cas de démembrement de parts sociales de SCI, les règles afférentes au différé de paiement ainsi qu’à la présomption de propriété sont également très avantageuses par-rapport au régime de l’indivision pure et simple.



Au terme de cette analyse, l’acquisition sous forme de SCI présente de réels avantages dans le but d’une transmission patrimoniale des parents aux enfants, mais également en cas d’acquisition de biens entre personnes non mariées. En toute hypothèse, la rédaction (ou pire, le téléchargement) de statuts type sont vivement déconseillés, tant les clauses statutaires d’une SCI sont fondamentales dans l’appréhension de la stratégie patrimoniale propre à chacun et dont les incidences fiscales sont considérables.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Beboy - Fotolia.com

Auteur

GADY Stephan

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