Adoption et homosexualité

Publié le : 15/07/2010 15 juillet juil. 07 2010

Pour l'instant, en France, le mariage et l'adoption simple d'un couple homosexuel, reconnaissant les deux conjoints comme parents, sont toujours interdits. La loi du 4 mars 2002 peut accorder un statut de « beau-parent » au conjoint.Possibilité pour un couple homosexuel d’adopter l’enfant de son conjoint?Arrêt n° 791 du 8 juillet 2010 (08-21.740) - Cour de cassation - Première chambre civile

Cassation sans renvoi

Demandeur(s) : Mme V... X...
Défendeur(s) : le procureur général près la cour d'appel de Paris

Sur le moyen unique :

Vu l’article 509 du code de procédure civile, ensemble l’article 370-5 du code civil ;

Attendu que le refus d’exequatur fondé sur la contrariété à l’ordre public international français de la décision étrangère suppose que celle-ci comporte des dispositions qui heurtent des principes essentiels du droit français ; qu’il n’en est pas ainsi de la décision qui partage l’autorité parentale entre la mère et l’adoptante d’un enfant ;

Attendu que Mme X..., de nationalité française, et Mme Y..., de nationalité américaine, vivant aux Etats-Unis ont passé une convention de vie commune, dite "domestic partnership" ; que par décision du 10 juin 1999, la Cour supérieure du Comté de Dekalb (Etat de Georgie) a prononcé l’adoption par Mme X... de l’enfant A..., née en 1999 à ... après insémination par donneur anonyme de Mme Y... ; que l’acte de naissance de l’enfant mentionne Mme Y... comme mère et Mme X... comme "parent", l’une et l’autre exerçant l’autorité parentale sur l’enfant ;

Attendu que pour refuser d’accorder l’exequatur au jugement étranger d’adoption, l’arrêt se borne à énoncer que, selon les dispositions de l’article 365 du code civil, l’adoptante est seule investie de l’autorité parentale, de sorte qu’il en résulte que la mère biologique est corrélativement privée de ses droits bien que vivant avec l’adoptante ;

En quoi la cour d’appel a violé les textes susvisés, le premier par refus d’application, le second par fausse application ;

Et attendu que la Cour de cassation peut mettre fin au litige par application de la règle de droit appropriée, conformément à l’article L. 411-3 du code de l’organisation judiciaire ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 9 octobre 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ;

DIT n’y avoir lieu à renvoi ;

ORDONNE l’exequatur de la décision rendue le 10 juin 1999, entre les parties, par la Cour suprême du Comté de Dekalb (Etat de Georgie, Etats-Unis d’Amérique) ;


Commentaire:

Par cet arrêt la Cour de cassation a homologué en France une décision rendue par la Cour suprême de l’état de GEORGIE validant l’adoption d'un enfant par la compagne de sa mère biologique , et indiquant ainsi que l’enfant avait deux parents de même sexe.

Une porte vient-elle de s'ouvrir, en France, pour les couples du même sexe désireux d'avoir des enfants légalement reconnus par les deux partenaires ?
Si les médias parlent déjà , et par raccourci , de la possibilité pour un couple homosexuel d’adopter l’enfant de son conjoint ,…. Il ne faut pas oublier que cette décision avait à statuer UNIQUEMENT sur la validation en France d’un jugement étranger , ce qu’on appelle « l’ exequatur ».

La Cour de cassation n’a fait qu’appliquer les dispositions de l'article 509 du Code de procédure civile français :
« les jugements rendus par les tribunaux étrangers (...) sont exécutoires sur le territoire de la République de la manière et dans les cas prévus par la loi. »

Précédemment la Cour de Cassation avait déjà jugé ( Cass. Civ. 1ère, 20 février 2007), que pour accorder l'exequatur - hors de toute convention internationale, comme en l'occurrence entre la France et les Etats-Unis d'Amérique - le juge français doit s'assurer que trois conditions sont remplies :

1. la compétence indirecte du juge étranger (fondée sur le rattachement du litige au juge saisi
2. la conformité à l'ordre public international de fond et de procédure
3. et l'absence de fraude à la loi. Il faut aussi s'assurer du caractère au moins exécutoire de l'acte.

Le principe est qu'il est interdit de réviser les décisions étrangères et que l'on ne peut en particulier modifier les effets des adoptions prononcées par le juge américain.

De même la cour de cassation aurait pu rappeler les dispositions de l’article 370-5 du code civil qui précise que :
" L'adoption régulièrement prononcée à l'étranger produit en France les effets de l'adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l'adoption simple. Elle peut être convertie en adoption plénière si les consentements requis ont été donnés expressément en connaissance de cause."

Pour l'instant, en France, le mariage et l'adoption simple d'un couple homosexuel -reconnaissant les deux conjoints comme parents- sont toujours interdits. Seule la loi du 4 mars 2002 relative à la délégation-partage de l'autorité parentale peut accorder un statut de « beau-parent » au conjoint.

Néanmoins le législateur doit se poser la question de savoir s’il faut continuer , pour les couples homosexuels , de faire naître leur enfant à l’étranger…pour ensuite demander l’exéquatur en France d’un jugement parfaitement légal et définitif dans un autre pays ?


Sophie DEBAISIEUX-LATOUR



Cet article n'engage que son auteur.

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