Etat d'urgence: Constitutionnalité de la police des réunions et des lieux publics mais inconstitutionnalité de la copie de données informatiques lors d'une perquisition

Etat d'urgence: Constitutionnalité de la police des réunions et des lieux publics mais inconstitutionnalité de la copie de données informatiques lors d'une perquisition

Publié le : 25/02/2016 25 février févr. 02 2016

Dans deux décisions du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel s'est prononcé sur certaines dispositions de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955, relative à l'état d'urgence. Il indique notamment que l'organisation d'un régime dérogatoire de perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence est conforme à la Constitution sauf en ce qu'il permet de copier des données informatiques auxquelles ces perquisitions donnent accès.Dans sa première décision n° 2016-535 QPC du 19 février 2016 - Ligue des droits de l'homme - , le Conseil constitutionnel se prononce sur la police des réunions et des lieux publics dans le cadre de l'état d'urgence:

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2016 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Ligue des droits de l'homme relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Ces dispositions permettent à l'autorité administrative lorsque l'état d'urgence a été déclaré, d'ordonner la fermeture provisoire des salles de spectacle, débits de boissons et lieux de réunion de toute nature ainsi que d'interdire les réunions de nature à provoquer ou à entretenir le désordre.

L'argumentation dont était saisi le Conseil constitutionnel portait principalement sur l'atteinte portée par ces dispositions au droit d'expression collective des idées et des opinions.


Dans sa décision du 19 février 2016, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions contestées opèrent une conciliation qui n'est pas manifestement déséquilibrée entre le droit d'expression collective des idées et des opinions et l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il déclare donc conforme à la Constitution l'article 8 de la loi n°55-385 du 3 avril 1955.


Dans sa seconde décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016 - Ligue des droits de l'homme - , le Conseil constitutionnel se prononce sur les perquisitions et saisies administratives dans le cadre de l'état d'urgence:

Le Conseil constitutionnel a été saisi le 18 janvier 2016 par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité posée par la Ligue des droits de l'homme relative à la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit du paragraphe I de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, lorsque l'état d'urgence a été déclaré, d'ordonner des perquisitions et de copier des données stockées dans un système informatique auxquelles les perquisitions donnent accès.

S'agissant des dispositions permettant les perquisitions, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il s'agissait d'une mesure s'inscrivant dans un régime de pouvoirs exceptionnels dont les effets doivent être limités dans le temps et l'espace et qui contribue à prévenir le péril imminent ou les conséquences de la calamité publique auxquels le pays est exposé. Il a, en conséquence, jugé les dispositions contestées permettant les perquisitions administratives conformes à la Constitution.


S'agissant des dispositions qui permettent à l'autorité administrative de copier toutes les données informatiques auxquelles il aura été possible d'accéder au cours de la perquisition, le Conseil constitutionnel a relevé que cette mesure est assimilable à une saisie. Ni cette saisie ni l'exploitation des données ainsi collectées ne sont autorisées par un juge, y compris lorsque l'occupant du lieu perquisitionné ou le propriétaire des données s'y oppose et alors même qu'aucune infraction n'est constatée. Au demeurant peuvent être copiées des données dépourvues de lien avec la personne dont le comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics ayant fréquenté le lieu où a été ordonnée la perquisition.

Le Conseil constitutionnel a jugé que, ce faisant, le législateur n'a pas prévu de garanties légales propres à assurer une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et le droit au respect de la vie privée. Il a, par suite, jugé contraires à la Constitution les dispositions de la seconde phrase du troisième alinéa du paragraphe I de l'article 11 de la loi du 3 avril 1955.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 19 février 2016, a donc jugé conformes à la Constitution les dispositions de ce paragraphe I qui organisent un régime dérogatoire de perquisitions administratives dans le cadre de l'état d'urgence, mais en revanche censuré les dispositions de ce paragraphe qui permettaient de copier des données informatiques dans le cadre de ces perquisitions.


Pour rappel, la loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, a été publiée au Journal officiel du 20 février 2016. Elle proroge l'état d'urgence pour une durée de trois mois à compter du 26 février 2016.


Virginie MEREGHETTI-FILLIEUX



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Paty Wingrove - Fotolia.com

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