Loi littoral

Loi Littoral - Article L. 121-8 du code de l’urbanisme modifié par l’article 42 de la loi ELAN : précisions sur la notion de « secteurs déjà urbanisés »

Publié le : 29/06/2023 29 juin juin 06 2023

L’article 42 de la loi ELAN est venu modifier l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme qui, initialement, disposait que « L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement. »
 L’article L. 121-8 du code de l’urbanisme prévoit désormais que : 

« L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants.
Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs.

L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages. »

Cette nouvelle écriture de l’article L. 121-8 dudit code supprime la possibilité d’étendre l’urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l’environnement. 

En revanche, elle ajoute la possibilité de délivrer des autorisations d’urbanisme dans des secteurs déjà urbanisés, autres que les agglomérations et villages et en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau.

Cette possibilité est offerte lorsque les constructions et installations ont des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics dans les secteurs urbanisés identifiés par le SCoT et délimités par le PLU et lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti.
Dit autrement, cette extension de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme s’adresse au comblement des « dents creuses », qui pour rappel, vise à une densification de l’urbanisation.

Cette possibilité offerte par la nouvelle rédaction de cet article est la bienvenue. Elle permet de tenir compte des besoins des habitants du littoral en termes de logement, tout en préservant l’environnement.

Toutefois, une question demeure. De manière concrète, comment sont définis les secteurs déjà urbanisés ?  

Si la notion d’agglomération et de village est bien définie par la jurisprudence : « qu’il résulte de ces dispositions que les constructions peuvent être autorisées dans les communes littorales en continuité avec les agglomérations et villages existants, c’est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais que, en revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d’autres, dans les zones d’urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages » (CE, 9 novembre 2015, n° 372531, Commune de Porto-Vecchio).

Les juges élaborent peu à peu l’articulation et la définition de la notion de secteurs déjà urbanisés.

Concernant l’articulation de la notion de secteurs déjà urbanisés :

Dans une décision du CE, 22 avril 2022, n°450229, le juge administratif est venu préciser la notion de secteurs déjà urbanisés en opérant une distinction entre les secteurs déjà urbanisés qualifiables d’agglomération et de village et les nouveaux secteurs déjà urbanisés du second alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

Il existe ainsi : 
 
  • les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions (agglomérations et villages) qui peuvent être étendus et densifiés ;
  • les secteurs déjà urbanisés qui ne sont pas qualifiés d’agglomération ou de village mais qui répondent aux critères du deuxième alinéa dudit article et qui peuvent être densifiés.
A titre d’exemple :

CAA Bordeaux, 26 avril 2023, n°21BX01455 :
« 6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet du certificat d’urbanisme litigieux est situé 10 route du port de Saint-Vivien, le long de laquelle n’est implanté qu’un nombre limité de maisons à usage d’habitation, éloignées les unes des autres et séparées par des parcelles à l’état naturel. La parcelle est bordée sur trois côtés par des parcelles boisées qui s’ouvrent sur de vastes zones forestières. En outre, les deux habitations situées au sud de la parcelle sont éloignées de plus de 200 mètres de la zone plus densément construite du hameau de Daugagnan, le long de la route de Saint-Vivien. Ainsi, si la commune se prévaut de la reconnaissance du hameau de Daugagnan par le schéma de cohérence territoriale et de la possibilité de densification qu’il y prévoit, cette parcelle, situé à plus de 300 mètres de cette zone plus densément construite dont elle est séparée par des espaces boisés, ne peut être regardée comme faisant partie de ce hameau. Ainsi, le terrain en cause est situé dans une zone d’urbanisation diffuse. En outre, au vu de ses caractéristiques à l’écart de la zone bâtie du hameau de Daugagnan, sa situation ne relève pas des dispositions du point 2.3 de ce schéma de cohérence territoriale qui prévoit que les nouvelles constructions doivent être implantées à l’intérieur du périmètre bâti constitué du hameau par comblement des dents creuses ou division de parcelle. Par suite, le projet pour lequel le certificat d’urbanisme a été demandé méconnait l’exigence de continuité fixée par les dispositions de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme et le maire ne pouvait légalement délivrer le certificat d’urbanisme en litige. » 

Le juge administratif analyse si le terrain d’assiette est dans l’une des deux modalités prévues par l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme.

Concernant la définition en elle-même de la notion de secteurs déjà urbanisés :

Sont considérés comme secteurs déjà urbanisés :

- « 6. Il ressort des pièces du dossier que le terrain sur lequel les consorts C projettent d’édifier une habitation se situe à l’ouest du secteur de la Chaucre et à environ 750 mètres de son bourg, accessible par plusieurs axes routiers, notamment le chemin des Grands Sables, lequel se divise en deux voies, l’une au nord, l’autre au sud, rejoignant des « chemins », puis des rues d’entrées dans le centre-bourg. Le secteur du terrain d’assiette est classé en zone Uc ou de faible densité du plan local d’urbanisme, approuvé le 30 avril 2009 et modifié les 31 mai et 29 novembre 2012. Bordé au nord par le chemin des Garnissettes et au sud par le chemin du Petit Rocher, traversé en son milieu par le chemin des Grands Sables, il comporte une trentaine de constructions regroupées les unes auprès des autres et il est constant qu’il est desservi par les réseaux d’eau, d’électricité et par le service de collecte des déchets. Le projet d’assainissement autonome de la construction sollicitée a fait l’objet d’un avis favorable. Ces constructions forment le dernier noyau bâti, dans le prolongement des compartiments urbanisés à l’est vers le bourg, faisant transition avec  l’ouverture en sa partie ouest vers une vaste zone boisée, ouvrant sur le littoral, noyau bâti qui doit être regardé, comme constituant, non pas une zone d’urbanisation diffuse, mais un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions précitées de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme issu de la loi du 23 novembre 2018, permettant, selon les modalités prévues par les dispositions transitoires de l’article 42 de cette loi, d’admettre, sous conditions, des constructions nouvelles alors même qu’il ne serait pas encore identifié par le Scot ou délimité par le PLU, contrairement à ce qu’a estimé le tribunal administratif. » (CAA Bordeaux, 14 mars 2023, n° 21BX02877)

- « 5. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que le terrain sur lequel les consorts A... projettent d'édifier une habitation se situe au sud du secteur de La Chattière lequel, éloigné d'environ 1,5 km du bourg de Marcey-lesGrèves, est structuré autour de l'intersection formée par la voie D 105, le chemin du Bas-Marcey et les rues des Sablons et de Bellevue. De petites voies permettent l'accès à ces axes routiers. Ce secteur comporte une cinquantaine de constructions regroupées les unes auprès des autres et il est constant qu'il est desservi par les réseaux d'eau, d'assainissement, d'électricité et de collecte des déchets. Au sud du terrain des intéressés se situent également d'autres constructions implantées le long de la voie D 105. Ces constructions forment un noyau bâti d'une densité marquée qui doit être regardé comme constituant, non pas une zone d'urbanisation diffuse, mais un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme issu de la loi du 23 novembre 2018, permettant, selon les modalités prévues par les dispositions transitoires de l'article 42 de cette loi, d'admettre, sous conditions, des constructions nouvelles ». (CAA Nantes, 6 mars 2020, n° 19NT02933)

N’est pas considéré comme secteur déjà urbanisé :

- « 9. Si les requérants en soutenant que leur projet est situé dans un secteur déjà urbanisé ont entendu se prévaloir du 2ème alinéa de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme, il est constant que le groupe de maisons dans lequel il s’implante n’est pas identifié comme tel par le schéma de cohérence territoriale, ni délimité par le plan local d’urbanisme. Il ressort des pièces du dossier que ce lieu-dit, qui était classé par le règlement d’urbanisme en secteur UEb défini comme caractérisant « les écarts d’urbanisation dont la typologie correspond à une implantation plutôt spontanée d’un nombre limité de bâtiments, souvent moins dense et n’ayant pas fait l’objet d’opération d’ensemble () composé de maisons individuelles implantées généralement au cœur de parcelles de grande taille et situées à l’écart du bourg ou d’anciens corps de ferme réaménagés et auxquels ont été adjoints de nouvelles constructions », ne comporte que 9 habitations et est entouré de toutes parts par des espaces agricoles. Ainsi, au regard de la configuration des lieux et du faible nombre d’habitations, et quand bien même le terrain serait desservi par les réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, le projet en litige ne peut être regardé comme s’implantant au sein d’un secteur déjà urbanisé au sens de ces dispositions (…) » (CAA Bordeaux, 23 mars 2023, n°21BX01203)

Une chose est certaine, la notion de secteurs déjà urbanisés ne cessera pas de faire parler d’elle de suite…


Cet article a été rédigé par Florine MAILLARD, juriste. Il n'engage que son auteur.

Auteur

DROUINEAU 1927
Cabinet(s)
POITIERS (86)
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