Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles

Répartition des contentieux et allègement de certaines procédures juridictionnelles

Publié le : 31/01/2012 31 janvier janv. 01 2012

La loi relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles met en œuvre, comme les lois précédentes, certaines préconisations du Rapport Guinchard qui avait l’« ambition raisonnée d’une justice apaisée ».La loi du 13 décembre 2011: répartition des contentieux et allègement des procédures

La loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles met en œuvre, comme les lois précédentes, certaines préconisations du Rapport Guinchard qui avait l’« ambition raisonnée d’une justice apaisée ».

Elle constitue, dès lors, un pas supplémentaire vers une justice, si ce n’est apaisée, simplifiée.

Elle comporte, comme son intitulé l’indique, deux volets distincts :
- Une nouvelle répartition des contentieux (I) ;
- Un allégement de certaines procédures juridictionnelles (II).


I. La nouvelle répartition des contentieux

La nouvelle répartition des contentieux est réalisée, selon deux grands axes :
- La disparition de la juridiction de proximité (A);
- La spécialisation de certaines juridictions de droit commun, pour connaître de contentieux spécifiques (B).


A. La nouvelle répartition des contentieux, résultant de la disparition de la juridiction de proximité

La juridiction de proximité, créée par la Loi n° 2002-1138 du 09 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice, est supprimée.

Les juges de proximité ne sont, en revanche, pas supprimés.

Ces derniers seront, désormais, rattachés au Tribunal de Grande Instance, et seront appelés à exercer des fonctions tant devant le Tribunal de Grande Instance que devant le Tribunal d’Instance.

Ces fonctions seront notamment les suivantes :

- Siéger dans les formations collégiales ;
- Statuer sur requête en injonction de payer, sauf sur opposition ;
- Procéder aux mesures d’instruction suivantes : se transporter sur les lieux à l’occasion des vérifications personnelles du juge, entendre les parties à l’occasion de leur comparution personnelle, entendre les témoins à l’occasion d’une enquête


La situation redevient alors celle d’avant 2002, en matière civile :

- Les demandes inférieures à 10.000,00 € et les demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation n’excédant pas 10.000,00 €, relèveront de la compétence du Tribunal d’instance ;
- Les demandes supérieures à 10.000,00 € et les demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation excédant 10.000,00 €, relèveront de la compétence du Tribunal de Grande Instance.

En matière pénale, le Tribunal de police connaît, à nouveau, de toutes les contraventions, étant cependant précisé que lorsqu’il connaît des contraventions des 4 premières classes, le Tribunal de police est constitué par un juge de proximité, et à défaut par un juge du Tribunal d’Instance, à l’exception des contraventions déterminées par décret en Conseil d’Etat.


Le Tribunal d’Instance, dont la compétence est étendue, se voit alors déchargé du traitement de certains contentieux.

La loi transfère ainsi le contentieux douanier, et à titre principal les contestations relatives au paiement, à la garantie ou au remboursement des créances de toute nature recouvrées par l’administration des douanes, au Tribunal de Grande Instance.

Le Tribunal de Grande Instance devient, par ailleurs, compétent au-delà de 10.000,00 €, en matière de :
- Injonction de payer
Il convient à cet égard d’ajouter deux précisions :
o Le juge de proximité, en tant que membre du Tribunal de Grande Instance, statuera sur les requêtes en injonction de payer, sauf recours du débiteur ;`
o Le ministère d’avocat ne sera pas obligatoire pour présenter la requête en injonction de payer devant le Tribunal de Grande Instance, sauf opposition du débiteur.
- Contestations relatives à l’exercice de la servitude de débroussaillement en bordure des foies ferrées (Article 9) ;
- Paiement de l’indemnité à laquelle le classement d’office d’un objet mobilier peut donner lieu au profit du propriétaire (Article 10) ;
- Litiges relatifs à la vente des objets abandonnés chez les hôteliers ou logeurs, dans les garde-meubles ou chez tout dépositaire, des objets confiés à des ouvriers, industriels ou artisans pour être travaillés, réparés ou mis en garde et des objets confiés à des entrepreneurs de transport et non réclamés, ainsi qu’au paiement des sommes dues à ces différents détenteurs (article 11 et 13).


Enfin, du fait de la suppression de la juridiction de proximité, le Tribunal d’Instance devient seul compétent pour connaître des actions, dont un contrat de louage d’immeubles à usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’occasion, ainsi que des actions relatives à l’application de la loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.


L’entrée en vigueur de ces dispositions est fixée au 1er janvier 2013, mais les procédures civiles en cours à cette date ne seront transférées au Tribunal d’Instance qu’à compter du 1er août 2013.



B. La spécialisation de certaines juridictions

La Loi du 13 décembre 2011 donne compétence exclusive à certaines juridictions de droit commun sur le territoire national, pour connaître de certains contentieux complexes et spécifiques.

1) La spécialisation des juges départiteurs

L’article 5 de la Loi prévoit, en cas de pluralité de Conseils de prud’hommes dans le ressort d’un même Tribunal de Grande Instance, la faculté pour le Premier Président de la Cour d’appel de désigner comme juges départiteur les juges du Tribunal d’Instance dans le ressort duquel est situé le siège du Tribunal de Grande Instance.

Cette disposition vise à assurer une meilleure spécialisation des juges départiteurs en matière prud’homale et à éviter que les affaires les plus complexes et sensibles soient confiées, dans des petits ressorts, à des juges n’ayant à connaître que rarement de ce type de contentieux.


2) La spécialisation en matière de propriété intellectuelle

La loi ajoute à la liste des droits de propriété intellectuelle de l’article L.211-10 du code de l’organisation judiciaire, les indications géographiques.

Leur protection relèvera, par conséquent, de la seule compétence de certains tribunaux de grande instance spécialement désignés par voie réglementaire.

Par ailleurs, le nombre plancher de dix Tribunaux de Grande Instance compétents en matière de contentieux des obtentions végétales est supprimé, laissant la possibilité de confier ce contentieux à la seule juridiction parisienne.


3) Spécialisation en matière pénale

Cette spécialisation en matière pénale se caractérise par :

- La création d’un pôles spécialisé en matière de crime de guerre, de crimes contre l’humanité et tortures commises à l’étranger, au profit des magistrats parisiens ;

- La compétence exclusive de certains Tribunaux de Grande Instance, désignés par Décret en Conseil d’Etat, pour connaître des délits d’atteintes involontaires à la vie ou à l’intégrité des personnes qui comportent une pluralité de victimes.

- La suppression du Tribunal aux Armées de Paris, à compter du 1er janvier 2012, au profit des juridictions spécialisées de Paris (Tribunal de Grande Instance et Cour d’Assise).




II. Allègement et aménagement de certaines procédures juridictionnelles

La Loi du 13 décembre 2011 procède, comme son intitulé le laisse entendre, à l’allègement de certaines procédures (A).

Mais, certaines de ces dispositions ne procèdent pas à un allègement, mais plutôt à un aménagement de certaines procédures juridictionnelles (B).

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A. Allègement de certaines procédures juridictionnelles

1) L’allègement de la procédure de reprise du logement après abandon

On se souvient que la loi n°2010-1609 du 22 décembre 2010 relative à l’exécution des décisions de justice, aux conditions d’exercice de certaines professions réglementées et aux experts judiciaires, avait instauré une procédure particulière à mettre en œuvre par le bailleur, dans l’hypothèse où le logement aurait été abandonné par ses locataires.

Cette procédure aboutissait à la constatation par le juge judiciaire de la seule résiliation du bail, le bailleur étant, le cas échéant, contraint de saisir le juge de l’exécution afin d’obtenir l’autorisation de vendre les biens laissés sur place.

La loi du 13 décembre 2011 permet au Juge, qui a constaté la résiliation du bail, d’autoriser la vente aux enchères des biens laissés sur place et de déclarer abandonnés les biens non susceptibles d’être vendus.


2) L’allègement de la procédure de changement de prénom dans le cadre d’une adoption simple

La loi permet le changement de prénom d’un enfant mineur dans le cadre d’une adoption simple, évitant ainsi aux parents adoptifs d’engager, après la procédure d’adoption, une seconde procédure aux fins de changement de prénom de leur enfant adoptif.
Dans l’intérêt de l’enfant, ce changement de prénom n’est pas remis en cause de manière automatique en cas de révocation de l’adoption.


3) Extension de l’allègement des procédures pénales

La loi du 13 décembre 2011 accroît considérablement la possibilité de recourir à des procédures pénales simplifiées.

Le jugement à juge unique est ainsi étendu aux délits en matière de chèque.

De la même manière, la possibilité de recours à l’ordonnance pénale est étendue aux délits suivants, sous réserve qu’aucune peine d’emprisonnement ou peine d’amende supérieure à 5.000,00 €, ne soient prononcées :
- le vol simple,
- le recel,
- la filouterie,
- le détournement de gage,
- les destructions et dégradations de biens,
- la vente à la sauvette,
- le délit de fuite, à l’occasion de la conduite d’un véhicule,
- les délits prévus au code de la route,
- les délits en matière de réglementations relatives aux transports terrestres ;
- les délits en matière de chèques,
- le délit d’usage de stupéfiants,
- le délit d’occupation des espaces communs ou des toits des immeubles collectifs,
- les délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne,
- les délits de port ou transport d’armes de la 6ème catégorie.

La procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité se généralise à l’ensemble des délits quelle que soit la peine encourue, sauf en matière d’atteinte à l’intégrité des personnes et d’agressions sexuelles.



B. L’aménagement de certaines procédures

1) L’aménagement de la procédure de saisie des rémunérations

Cet aménagement de la procédure de saisie des rémunérations se caractérise par les éléments suivants :

- La part insaisissable de la rémunération du débiteur est fixée au montant du RSA forfaitaire qu’il aurait individuellement touché et non qu’aurait touché son foyer ;
- La loi prévoit que les modalités d’une saisie, effectuée sur les différentes rémunérations qu’un même salarié est susceptible de percevoir de plusieurs employeurs, seront fixées par un décret en conseil d’Etat, et non plus à la discrétion du juge.
- En cas de concours de plusieurs créanciers, la loi prévoit que les créances les plus faibles, jusqu’à un montant fixé par décret, seront payées prioritairement.
- La loi autorise le Juge à se faire communiquer par les services sociaux et fiscaux des informations relatives au montant de la rémunération perçue par le débiteur et à la composition de sa famille.


2) L’aménagement en matière de procédure familiale

- L’article 14 de la loi impose à l’avocat chargé d’une procédure de divorce de conclure avec son client une convention d’honoraires.
- Ce même article prévoit l’établissement de barèmes indicatifs des honoraires pratiqués par les avocats pour les procédures de divorce, publiés par arrêté du garde des sceaux.
- A titre expérimental, dans certains Tribunaux de grande Instance désignés par arrêté du garde des sceaux, il sera mis en œuvre une médiation préalable à toute saisine du Juge aux affaires familiales sur une question d’exercice de l’autorité parentale ou de modification de la convention fixant les modalités de cet exercice et déterminant leur contribution respective à l’entretien des enfants.


3) L’aménagement des procédures administratives et financières

Enfin, la loi du 13 décembre 2011 instaure de nombreuses règles relatives aux juridictions administratives et financières.

On retiendra notamment la possibilité, devant les tribunaux administratifs et les Cours administratives d’appel, pour les chefs de juridictions d’organiser une mission de conciliation, si les parties en sont d’accord.



L'auteur de l'article:Juliette ANDRE, avocate à Bordeaux.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : Elle comporte, comme son intitulé l’indique, deux volets distincts :- Une nouvelle répartition des contentieux (I) ;- Un allégement de certaines procédures juridictionnelles (II). © Paty Wingrove - Fotolia.com

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