Le sort des dépens et des frais irrépétibles dans le cadre d’une procédure de référé probatoire

Le sort des dépens et des frais irrépétibles dans le cadre d’une procédure de référé probatoire

Publié le : 05/02/2014 05 février févr. 02 2014

Dans un arrêt rendu le 28 janvier 2014 (Cour d’appel d’Angers, 28 janvier 2014, arrêt n° 23/14, RG : 13/00067), la Cour d’appel d’Angers a rappelé quelques principes essentiels qui ne sont pas nécessairement respectés par les juridictions des référés.

Référé probatoire et dépens En application des dispositions de l’article 491 du code de procédure civile, le juge statuant en référé doit nécessairement statuer sur les dépens.

Au diable donc les « dépens réservés ».
Il doit alors être fait application de l’article 696 du code de procédure civile, qui dispose que la « partie perdante » est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par une « décision motivée », ce qui n’est que bien rarement le cas, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

En réalité, dans la plupart des cas, la condamnation du défendeur aux entiers dépens procède de la volonté la plus discrétionnaire du juge des référés, qui ne prend même pas la peine de motiver sa décision.

« Laissons les dépens à la charge des défendeurs » !
Cette situation est d’autant plus choquante lorsqu’il s’agit de procédures engagées devant la juridiction des référés sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.

Elle l’est plus encore lorsque la condamnation aux dépens s’associe d’une condamnation au paiement d’une indemnité pour les frais de procédure, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Nous savons en effet qu’en application de l’article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

Cette mesure ne préjudice bien évidement en rien de la responsabilité du défendeur, puisqu’il s’agit tout simplement de conserver ou d’établir « avant tout procès » des éléments probatoires.

Dans le cas d’espèce, tout en faisant droit à la demande d’expertise judiciaire qui lui était présentée et sur laquelle la partie défenderesse avait formulé toutes protestations et réserves, le juge des référés avait cru devoir la condamner non seulement aux entiers dépens, mais également au paiement d’une indemnité de 1 200,00 euros (alors qu’il n’était de surcroît réclamé qu’une somme de 1 000,00 euros !) au titre des frais irrépétibles.
La motivation était assez extraordinaire, puisqu’il était exposé qu’en ayant refusé de déférer à la demande d’indemnisation du maître d’ouvrage durant les opérations d’expertise amiable, l’assureur avait « fait obstacle à une solution amiable ».

L’assureur décida donc de résister et fit appel.
L’ordonnance de référé est nécessairement infirmée.
Il est en effet rappelé avec force que : « Dans le cas d’un référé probatoire fondé sur l’article 145 du code de procédure civile, la mesure d’expertise réclamée avant tout procès n’est ordonnée qu’au seul bénéfice de la partie qui la sollicite en vue d’un éventuel procès au fond. Il s’en déduit que le défendeur à une telle procédure de référé qui, comme la société X en l’espèce, a formulé toutes protestations et réserves, ne peut être qualifié de partie perdante au sens de l’article 686 du code de procédure civile. En effet, le fait pour une partie de déclarer faire toutes protestations et réserves sur la demande d’expertise n’implique ni acquiescement à la demande, ni abandon de ses prétentions ».

Exit donc les condamnations à indemnité au titre des frais irrépétibles sur les demandes d’expertise fondées sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile.
Et la Cour d’appel de poursuivre : « En conséquence, les dépens de la procédure de référé doivent être supportés par Mme dans la mesure où l’expertise qu’elle sollicite est ordonnée à son seul bénéfice. La cour infirmera donc l’ordonnance déférée en ce qu’elle a condamné la société X aux dépens ».

La décision rendue est au-demeurant parfaitement conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui considère précisément que dans le cadre d’une demande d’expertise fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, le défendeur à une telle demande n’est pas une partie perdante et n’a pas à supporter les dépens (Cass. 2ème Civ, 10 février 2011, n° pourvoi 10-11.774).
Il est des principes qui méritent parfois d’être rappelés.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Rafa Irusta - Fotolia.com

Auteur

Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
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