La réforme de la prescription en matière civile

Publié le : 26/12/2008 26 décembre déc. 12 2008

La loi portant réforme de la prescription en matière civile a été publiée au journal officiel le 18 juin 2008 et est entrée en vigueur dès le lendemain.

Délais de prescription et mode de computationElle modifie en profondeur les délais de prescription et leur mode de computation pour les procédures civiles et commerciales, avec le souci de moderniser et de rendre plus cohérentes les règles en vigueur … synthèse :


Pour l’essentiel, la durée de la prescription de droit commun est désormais fixée de manière générale à cinq ans pour les actions personnelles ou mobilières (article 2224 du Code civil). Le délai de trente ans est par contre maintenu pour les actions réelles immobilières (l’article 2227 du Code civil allant même jusqu’à consacrer l’imprescriptibilité du droit de propriété tant mobilier qu’immobilier), les dommages causés à l’environnement et les actions en nullité du mariage pour causes objectives.

Le délai de prescription de droit commun court désormais à compter du jour où le titulaire du droit a eu connaissance ou aurait du avoir connaissance des faits qui lui permettent d’exercer son droit ; disposition qui ouvrira très certainement la voie à un contentieux fourni compte tenu de sa relative imprécision.

Des délais particuliers ont par ailleurs été prévus en matière de responsabilité. L’action en responsabilité contre les personnes ayant représenté ou assisté les parties en justice est soumise à un délai de prescription de cinq ans à compter de la fin de leur mission.

S’agissant de l’action en responsabilité contractuelle ou délictuelle pour dommage corporel, le délai de prescription est de dix ans à compter de la consolidation du dommage initial ou aggravé.

L’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination est soumise à un délai de prescription de cinq ans à compter de la révélation du fait discriminatoire. Reste enfin le droit de la construction, dont le régime ne change pas, y compris pour les actions engagées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun avec un délai de prescription de dix ans à compter de la réception des ouvrages (article 1792-4-3 du Code civil).

D’une manière générale, la prescription quelle qu’elle soit ne court pas ou est suspendue à l’encontre de celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure.

La réforme porte également sur les modalités de report du point de départ de la prescription, la suspension ou l’interruption de la prescription.
C’est ainsi que le recours à la médiation ou à la conciliation est désormais une cause de suspension de la prescription (article 2238 du Code civil), au même titre que durant l’exécution d’une mesure d’expertise (article 2239 du Code civil). De même, sur le terrain de l’interruption de la prescription, une modification importante tient au fait qu’une citation en justice ultérieurement annulée pour vice de procédure (vice de forme ou de fond) ou délivrée devant une juridiction incompétente conservera son caractère interruptif (article 2241 du Code civil), au même titre que tout acte d’exécution forcée au sens large (commandement et saisie - article 2244 du Code civil). Il demeure par contre que l’effet interruptif de prescription est non avenu lorsque le demandeur se désiste, laisse périmer la procédure ou voit sa demande définitivement rejetée.

Dans le cadre des nouvelles dispositions, le législateur a souhaité mettre un terme au régime des interversions du délai de prescription en indiquant très clairement à l’article 2231 du Code civil que l’interruption de la prescription a pour effet d’effacer le délai de prescription déjà acquis et de faire courir un nouveau délai de même durée que l’ancien.

Une limite est toutefois posée par le législateur à l’article 2232 du Code civil afin d’assurer l’effectivité et la prévisibilité de la prescription, en ce sens que, sous réserve de certaines exceptions, le délai de la prescription extinctive ne peut pas être allongée au-delà d’un délai de 20 ans à compter de la naissance du droit (signature du contrat ou réalisation de la faute). Au-delà du délai de 20 ans, toute action est ainsi rendue impossible.


Pour autant, ce principe n’est pas applicable à un certain nombre d’actions, pour lesquelles il n’existe pas de date limite de mise en œuvre :

• Les actions en responsabilité civile tendant à la réparation d’un dommage corporel ou d’un préjudice causé par des tortures ou des actes de barbarie ou par des violences ou des agressions sexuelles commises contre un mineur.
• Les actions réelles immobilières.
• Les actions tendant au recouvrement de créances qui dépendent d’une condition, de créances à terme, ainsi que les actions en garantie.
• Les actions entre conjoints mariés ou pacsés.
• Les actions relatives à l’état des personnes.
• Et lorsque les causes d’interruption de la prescription sont survenues en cours de procédure à la suite d’une action engagée devant une juridiction compétente ou à la suite de la mise en œuvre d’une mesure d’exécution forcée.


Le délai buttoir est ramené à 10 ans pour les actions en responsabilité contre les professionnels de santé (article L 1142-28 alinéa 2 du CSP) et les actions tendant à la poursuite de l’exécution d’un titre exécutoire (article 3-1 de la loi du 9 juillet 1991).


Des délais buttoirs particuliers sont enfin prévus pour les actions suivantes :

• L’action en responsabilité du fait des produits défectueux engagés contre le fabricant qui est éteinte dix ans après la mise en circulation du produit qui a occasionné le dommage (article 1386-16 du Code civil).
• L’action en nullité de l’acte par lequel un époux a disposé, sans l’autorisation de son conjoint, du logement familial ou des meubles qui le garnissent, qui doit être initiée au plus tard un an après la dissolution du régime matrimonial (article 215 alinéa 3 du Code civil).
• L’action en réduction d’une libéralité portant atteinte à la réserve héréditaire, qui doit être initiée dans le délai de dix ans à compter du décès (article 921 du Code civil).


Les parties peuvent aménager conventionnellement le régime de la prescription, en prévoyant contractuellement un abrègement ou un rallongement de sa durée, qui ne peut toutefois pas être réduite à moins d’un an, ni être étendue à plus de dix ans.

Pour autant, cette possibilité d’aménagement conventionnel n’est pas ouverte pour l’action en réparation du préjudice résultant d’une discrimination, les actions en paiement ou en répétition des salaires, arrérages de rente, pensions alimentaires, loyers, fermages, charges locatives, intérêts de sommes prêtées et d’une manière plus générale aux actions en paiement de tout ce qui est payable par années ou à termes périodiques plus courts, ainsi que les actions relatives aux contrats conclus entre professionnel et consommateur et les contrats d’assurance, que l’assuré soit ou non un professionnel .


Les difficultés relatives à l’application de la loi dans le temps sont régies par les dispositions de l’article 2222 du Code civil, dont il résulte que :

• Si une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, la loi ancienne continue de s’appliquer pour toute la durée de la procédure.

• Si aucune instance n’a été introduite avant l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, le principe demeure de façon raisonnée qu’il n’est pas possible de revenir sur le bénéfice d’une prescription déjà acquise.

Dans le cas contraire, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 trouvent à s’appliquer avec des aménagements nécessaires pour tenir compte de la durée de prescription qui s’est déjà écoulée avant l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions législatives.

- En cas d’allongement de la durée de la prescription par la loi du 17 juin 2008, il convient d’intégrer dans la durée de prescription restant à courir le délai qui s’est déjà écoulé avant l’entrée en vigueur de la loi.

- En cas de raccourcissement de la durée de la prescription par la loi du 17 juin 2008, le nouveau délai de prescription court en son entier à compter du jour de l’entrée en vigueur de la loi, mais sans que la durée totale, après avoir inclus le délai qui s’est déjà écoulé avant l’entrée en vigueur de la loi, puisse excéder la durée prévue par les dispositions législatives antérieures.





Cet article n'engage que son auteur.
 

Auteur

Ludovic GAUVIN
Avocat Associé
ANTARIUS AVOCATS ANGERS, Membres du Bureau, Membres du conseil d'administration
ANGERS (49)
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