Bail d'habitation : un locataire peut-il refuser de payer son loyer en cas de désordres affectant le bien loué ?

Bail d'habitation : un locataire peut-il refuser de payer son loyer en cas de désordres affectant le bien loué ?

Publié le : 27/11/2017 27 novembre nov. 11 2017

La Cour de cassation vient réaffirmer dans un arrêt du 5 octobre 2017 que  le locataire (ou preneur), ne peut opposer au propriétaire (ou bailleur)  l’exception d’inexécution, pour refuser le paiement du loyer, au motif qu’il existerait des désordres affectant les lieux loués empêchant une jouissance paisible.

(Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 5 octobre 2017 – n° 16-19.614)

La question posée était de savoir dans quelles conditions le preneur peut suspendre le paiement du loyer de sa propre initiative.

L’article 1728 du Code Civil impose au preneur le respect de deux obligations : 
 
  • L’usage raisonnable de la chose louée, suivant la destination donnée par le bail ou suivant celle présumée d’après les circonstances en l’absence de convention ;
 
  • Le paiement du prix du bail aux termes convenus.

A l’obligation de paiement du loyer, la jurisprudence prévoit une dérogation appelée « exception d’inexécution », pouvant conduire le preneur à s’en abstenir, à l’unique condition que le bailleur ne satisfasse pas à l’une de ses obligations.

Cependant, cette exception est strictement encadrée et sa mise en œuvre est difficile

Par le passé, cette question a été controversée, certaines décisions se prévalant de l’exception d’inexécution et d’autres considérant que nul ne peut se faire justice à soi-même.

La Cour de Cassation a tranché la controverse :
Le preneur ne peut suspendre de sa propre autorité le paiement de son loyer sous prétexte que le bailleur ne remplit pas son obligation d’exécuter les travaux, car il n’y a pas de compensation possible entre une créance éventuelle et incertaine de travaux et une dette certaine de loyers.

Il en résulte qu’un simple défaut d‘entretien du bailleur ne peut justifier l’application de l’exception d’inexécution, le paiement du loyer étant la contrepartie de la mise à disposition d’un logement, nonobstant son état.

Par exemple,  le dysfonctionnement d’une chaudière et le retard du bailleur dans son remplacement n’autorise pas la suspension du paiement du loyer et, permet au bailleur de solliciter la résolution du bail (Cour d’Appel Lyon, 8ème Chambre, 22 février 2005, JD- 2005-270037)

Dans un tel cas, il appartient au preneur d’agir contre le bailleur pour faire déterminer les travaux nécessaires et se faire éventuellement autoriser à suspendre ou consigner leur loyer, mais en aucun cas se faire justice.

L’exception d’inexécution n’est admise que lorsque le preneur ne peut plus utiliser les lieux loués en raison de la gravité des manquements du bailleur à son obligation d’entretien.

L’arrêt de la Cour de Cassation du 5 octobre 2017 est donc l’affirmation d’un principe acquis, mais il est parfois bon de le rappeler.


Cet article n'engage que son auteur.


Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com
 

Auteur

Emilie FLOCH
Avocate
GOSSELIN
RENNES (35)
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