Traitement fiscal du droit au bail versé par le Preneur : charge exceptionnelle ou immobilisation ?

Traitement fiscal du droit au bail versé par le Preneur : charge exceptionnelle ou immobilisation ?

Publié le : 31/03/2017 31 mars mars 03 2017

Dans une affaire « Lactalis », le Conseil d’Etat a été amené à se prononcer sur le traitement fiscal d’une somme versée par un preneur, la Société CEMA (devenue par la suite le groupe LACTALIS), au bailleur d’un bail commercial, la Société SEMAC, ayant pour contrepartie : 
 
  • le renouvellement du bail commercial dans les mêmes conditions 
  • en cas de cession, une priorité pour acquérir l’immeuble objet dudit bail commercial,
  • ainsi que l’exclusion de la valeur des immobilisations édifiées par le preneur du prix de cession des immeubles fixé par le bailleur. 
Le preneur avait cru pouvoir déduire cette indemnité versée, au titre des charges exceptionnelles. 

L’Administration fiscale avait remis en cause le traitement fiscal de cette charge, en la réintégrant dans les bénéfices, redressant ainsi les cotisations d’impôt sur les sociétés et la contribution exceptionnelle sur cet impôt. L’Administration considérait que l’indemnité avait pour contrepartie l’acquisition d’une immobilisation incorporelle et devait être immobilisée. 

La question fondamentale était celle de savoir si cette indemnité devait être immobilisée sur le plan fiscal, afin de déterminer s’il convenait de déduire cette somme, suite à l’acquisition de droits supplémentaires se rapportant au droit au bail ; ou si cette indemnité pouvait être amortie

Jusqu’à présent, le Conseil d’Etat appliquait les critères de l’immobilisation. Ce qui revenait à s’intéresser à l’objet même de l’indemnité. Il a ainsi été jugé qu’une indemnité avait pour objet la compensation de la perte d’un élément de l’actif immobilisé, lorsque deux conditions sont réunies cumulativement : d’une part l’indemnité se rapporte à une source régulière de profits, d’autre part cette source doit être d’une pérennité suffisante. (CE 16 février 2011 n°315625 Société Toulouse services véhicules). 

Le troisième critère dégagé dans la jurisprudence Sife, le critère de la cessibilité ne joue plus un rôle décisif et semble être désormais réservé au domaine des concessions de licence de droits de propriété intellectuelle (CE 21 aout 1996 n°154488 SA Sife et CE 16 octobre 2009 n°308494 Sté Pfizer  Holding France). 

En l’espèce, la Cour d’appel de DOUAI avait fait application des critères de l’arrêt SA Sife, en jugeant que les avantages octroyés par le bailleur avaient un caractère pérenne et constituaient une source régulière de profits pour le locataire, dès lors que l’immeuble objet du bail était assuré de rentrer dans son patrimoine, sans pour autant que ces préférences constituent un avantage cessible. 

Cependant, le Conseil d’Etat ne se réfère pas à ces critères de source régulière de profits et de pérennité suffisante. L’indemnité versée au bailleur en contrepartie de droits supplémentaires sur le bail commercial doivent être immobilisés, car un élément du droit au bail doit suivre le même traitement que ce droit et constituer ainsi un élément de l’actif immobilisé. 

Sur le plan comptable, le droit au bail versé constitue en effet pour le locataire une immobilisation incorporelle, enregistrée au compte 206. 

Sur le plan fiscal, également, d’une manière générale la jurisprudence est constante : Il a été jugé que le droit au bail commercial avait la qualité d'élément de l'actif immobilisé par nature. Le droit au bail est en effet considéré comme un élément de l'actif immobilisé puisque, même s’il n’est pas inscrit au bilan, il demeure par nature un élément du fonds de commerce : le droit au bail ne peut recevoir une affectation autre que professionnelle (CE 17 octobre 1990 n° 56991, 7e et 8e s.-s., Ahner). Il a également été reconnu que le droit au renouvellement d'un bail commercial constituait un élément incorporel de l'actif immobilisé du locataire (CE 23 février 2000, n° 162659, 9e et 10e s.-s., ministre c/ SA Seine-et-Oise Auto) et par la présente décision, il est confirmé que tous les accessoires négociés autour de ce droit au bail doivent figurer à l’actif immobilisé

Conseil d’Etat 3è-8è ch. 27 janvier 2017 n°391817 Groupe Lactalis (SAS CEMA)


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © gunnar3000 - Fotolia.com

 

Auteur

DE LEUSSE GERENTES Mélanie

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