La Kafala ou les problèmes liés à l’accueil de l’enfant mineur étranger sur le territoire national

La Kafala ou les problèmes liés à l’accueil de l’enfant mineur étranger sur le territoire national

Publié le : 03/07/2014 03 juillet juil. 07 2014

Parce que les pays de droit musulman ne reconnaissent pas l’adoption, une institution que l’on appelle KAFALA, permet le « recueil légal » d’enfants y compris par des ressortissants étrangers sur leur propre territoire national.Ces enfants sont souvent des enfants abandonnés ou nés de pères inconnus dont la filiation peine à être établie. Ce sont encore des enfants dont les parents sont déchus des droits parentaux.

Cette institution n’a pas d’équivalence dans notre droit français et on a souvent tenté de la comparer à la tutelle ou encore à la délégation de l’autorité parentale. Mais si sur certains aspects le rapprochement semble possible, en revanche et sur d’autres, l’analogie semble totalement hasardeuse. Ainsi et à titre d’exemple, alors que la KAFALA permet au KAFIL (c’est-à-dire à celui qui s’engage à prendre en charge l’enfant jusqu’à ses 18 ans) de porter le nom de ce dernier, une telle équivalence de nom est totalement impossible à obtenir pour le tuteur ou le délégataire. De même, le délégataire n’a aucune obligation d’entretien à l’égard de l’enfant alors que le KAFIL en prend l’engagement.

Par ailleurs, les obligations qui résultent de la KAFALA ne sont pas identiques d’un pays à l’autre. Si la KAFALA algérienne permet à l’enfant de recevoir un tiers de la succession du KAFIL, en revanche, une telle situation n’est pas possible dans le cadre de la KAFALA marocaine qui, quant à elle, a des effets juridiques beaucoup plus limités.

La difficulté liée à l’accueil sur le territoire national de ces enfants accueillis par KAFALA par des ressortissants français, tient dans la raison même de cette institution, c’est-à-dire dans le refus de voir mise en place une filiation autre que la filiation biologique de l’enfant, même si celle-ci est, parfois, difficile à établir.

Autrement dit, l’accueil d’un enfant mineur étranger par KAFALA n’instaure aucun lien de filiation entre lui et le KAFIL et c’est cette situation qui est à l’origine de toutes les difficultés.

Cette absence de lien de filiation établie par KAFALA a d’ailleurs été rappelée fermement par la Cour de Cassation dans des arrêts rendus en 2006, 2007 et 2009 alors que certains tribunaux répugnaient à respecter la loi et qu’un certain flottement jurisprudentiel privilégiait le désir bien compréhensible du KAFIL sur les impératifs de la loi. La Haute Cour le dit aujourd’hui clairement : la KAFALA ne peut être considérée comme un accueil en vue de l’adoption, qu’il s’agisse d’envisager une adoption plénière ou une adoption simple.

Ainsi, un enfant accueilli par KAFALA ne sera pas adoptable alors que les dispositions de l’article 370-3 du Code Civil rappellent que « les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union. L’adoption ne peut toutefois être prononcée si la loi nationale de l’un et l’autre époux la prohibe.
L’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France
».

Une autre difficulté se présente encore pour le KAFIL, ressortissant français, qui accueille l’enfant étranger sur le territoire national.

En effet, son arrivée sur le territoire national suppose la délivrance par les Préfectures du Document de Circulation de l’Etranger Mineur (DCEM). Ce document permet en effet au mineur étranger qui réside en France de voyager à l’étranger, de justifier de son séjour en France et d’être admis, sans visa sur le territoire national mais également aux frontières extérieures de l’espace Schengen.
Or, certaines Préfectures refusent la délivrance de ce document au KAFIL.

Une telle position peut paraître totalement inadaptée à la situation juridique créée par la décision autorisant la KAFALA et confiant l’enfant au KAFIL. En effet, ce jugement n’a besoin d’aucun exequatur pour être appliqué en France, sur le territoire national.

Elle peut paraître également inadaptée à l’application de la convention de La Haye du 19 octobre 1996 dont font partie d’ailleurs les Etats pratiquant la KAFALA comme c’est le cas du Maroc. Ainsi la Convention de La Haye permet-elle un règlement en matière de compétence, de loi applicable, de reconnaissance, d’exécution et de coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants.

Elle peut paraître enfin inadaptée à l’application de la Convention des droits de l’enfant des Nations Unis de 1989 laquelle, en rapport avec l’abandon de l’enfant (article 20 alinéa 3) rappelle que la KAFALA, protection de remplacement de la famille biologique, se justifie par la nécessité d’une certaine « continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique ».
Autrement dit, si l’intérêt de l’enfant (qui, pour nous occidentaux rejoint la notion de désir d’enfant) est reconnu dans notre législation, il est reconnu également parallèlement et internationalement avec la même force, la nécessité de maintenir, au travers de la KAFALA, les origines ethniques, religieuses, culturelles et linguistiques ce celui-ci.

Cependant, comment garantir cette continuité si toute circulation de l’enfant est interdite au KAFIL sur et hors le territoire national ?

Reste par ailleurs que les sentiments que créent l’attachement à l’enfant, son accueil au sein du foyer du KAFIL, dépassent largement le cadre des conventions internationales et de l’institution de la KAFALA.

Dès lors, la solution de faire acquérir, à l’enfant, la nationalité française, peut permettre de contourner les limites humaines de la KAFALA et d’obtenir, à terme, son adoption.
Telle est le cas de l’acquisition de la nationalité par déclaration.
Ainsi l’article 21-12 du Code Civil dispose que l’enfant qui, depuis au moins cinq années est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française, peut demander la nationalité française.

Les tribunaux exigent toutefois qu’une démonstration sérieuse soit faite de ce que l’enfant accueilli par KAFALA a bien fait l’objet pendant ces cinq années, d’une éducation suivie, attentionnée et on ose dire aimante, de la part des candidats à l’adoption.
Le seul sourire d’un enfant accueilli par KAFALA vaut souvent que l’on s’attache à une telle démonstration.


L'auteur de l'article:Anne DE REVIERS, avocate à Poitiers.



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Pétrouche - Fotolia.com

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