Recours à des CDD successifs dans le domaine de la santé et droit de l'UE

Recours à des CDD successifs dans le domaine de la santé et droit de l'UE

Publié le : 14/09/2016 14 septembre sept. 09 2016

Le recours à des contrats à durée déterminée successifs pour couvrir des besoins permanents dans le domaine des services de santé est contraire au droit de l’Union.



Mme Maria Elena Pérez López a été recrutée en tant qu’infirmière à l’hôpital universitaire de Madrid pour la période allant du 5 février au 31 juillet 2009. Sa nomination était justifiée par « la réalisation de services déterminés de nature temporaire, conjoncturelle ou extraordinaire ». Mme Pérez Lopéz a été renouvelée à sept reprises, au moyen de contrats à durée déterminée (CDD) rédigés de manière identique. Elle a travaillé de manière ininterrompue pour l’hôpital entre février 2009 et juin 2013. En parallèle, Mme Pérez López a été informée que sa relation de travail cesserait par la suite. Mme Pérez López a introduit un recours contre la décision visant à mettre fin à sa relation de travail. Selon elle, ses nominations successives n’avaient pas pour objet de répondre à un besoin conjoncturel ou extraordinaire des services de santé, mais correspondaient en réalité à une activité permanente.

Saisi de ce recours, le Juzgado de la Contencioso Administrativo n° 4 de Madrid demande à la Cour de justice si la réglementation espagnole qui permet le renouvellement de CDD dans le domaine des services de santé est contraire à l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée (accord en vertu duquel les États membres doivent introduire des mesures afin de prévenir les abus résultant de l’utilisation de CDD successifs et éviter ainsi la précarisation de la situation des salariés).


Par son arrêt du 14 septembre 2016, la Cour de justice de l'Union Européenne juge que le droit de l’Union s’oppose à une réglementation nationale qui permet le renouvellement de CDD pour couvrir des besoins provisoires en personnel, alors que ces besoins sont en réalité permanents. La Cour rappelle tout d’abord que l’accord-cadre impose aux États membres de réglementer dans leur législation, en vue de prévenir l’utilisation abusive de CDD, au moins un des trois points suivants par tout moyen de leur choix :

1) les raisons objectives pour lesquelles le renouvellement de CDD peut être justifié,
2) la durée maximale totale pour laquelle de tels contrats peuvent être conclus successivement
3) le nombre de renouvellements possibles de tels contrats.

La réglementation espagnole ne prévoyant pas de limite quant à la durée ou au nombre de renouvellements de CDD, la Cour vérifie si une raison objective visant des circonstances précises et concrètes pouvait justifier les nominations successives dont Mme Pérez López a fait l’objet. À cet égard, la Cour reconnaît que le remplacement temporaire de travailleurs en vue de satisfaire des besoins provisoires peut constituer une raison objective. En revanche, elle considère que les contrats ne peuvent pas être renouvelés pour des tâches permanentes et durables qui relèvent de l’activité normale du personnel hospitalier ordinaire. Les nominations successives dont Mme Pérez López a fait l’objet n’apparaissent pas relever de simples besoins provisoires de l’employeur. Un tel renouvellement de CDD engendre une situation de précarité dont Mme Pérez López n’a pas été la seule à souffrir compte tenu du déficit structurel de personnel titulaire dans le secteur de la santé de la région madrilène.

La Cour relève en outre que l’administration publique espagnole n’a aucune obligation de créer des postes structurels et qu’il lui est permis de pourvoir les postes par l’embauche de personnel temporaire sans limitation quant à la durée des contrats ni au nombre de leurs renouvellements. Il s’ensuit que la situation de précarité des travailleurs s’en trouve pérennisée. Dès lors, la Cour juge que la réglementation espagnole, en permettant le renouvellement de CDD pour couvrir des besoins permanents et durables malgré l’existence d’un déficit structurel de postes, est contraire à l’accord-cadre.


Lire le communiqué de presse complet de la CJUE.


Virginie MEREGHETTI-FILLIEUX



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © James Steidl - Fotolia.com

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