Délivrance par erreur d'une quittance de remboursement intégral de la créance

Délivrance par erreur d'une quittance de remboursement intégral de la créance

Publié le : 12/12/2011 12 décembre déc. 12 2011

La délivrance d'une quittance par un créancier du remboursement intégral de sa créance par son débiteur ne l'empêche pas de démontrer que ledit remboursement n'a en réalité pas eu lieu.Preuve que le remboursement n'a pas eu lieu

Une fausse bonne nouvelle pour les banques : quittancer ne prouve pas forcément avoir été payé mais encore faut-il pouvoir prouver le non-paiement dans les règles : Cass. civ. 1 - 4 novembre 2011, pourvoi n° 10-27.035.

Cet arrêt qui a reçu une large diffusion, arrête un principe (1) et en confirme un autre (2) sans toutefois donner pleine satisfaction (3).



1. Pour la Première Chambre Civile de la Cour de cassation dans le présent arrêt, contrairement à ce que l'on pouvait communément penser (v., par ex., X. DELPECH, DALLOZ 2010, p. 2156, à propos de Cass. civ. 1, 16 septembre 2010), la délivrance d'une quittance par un créancier du remboursement intégral de sa créance par son débiteur ne l'empêche pas de démontrer que ledit remboursement n'a en réalité pas eu lieu.

En l'espèce, une erreur informatique avait fait qu'une banque avait adressé à ses débiteurs une quittance de remboursement intégrale du prêt alors que ce n'était pas le cas. Les débiteurs s'en prévalaient en défense à l'action en paiement du solde du prêt par la banque.

La Cour d'appel avait relevé des faits de l'espèce que, le solde du prêt n'avait effectivement pas été réglé à la Banque ainsi que cette dernière le prétendait malgré la délivrance d'une quittance à ses débiteurs.

Mais si la Cour de cassation a retenu le principe selon lequel "celui qui a donné quittance peut établir que celle-ci n'a pas la valeur libératoire qu'implique son libellé", ce qui est heureux en terme de vérité judiciaire; la haute Juridiction exige cependant que cette preuve soit rapportée dans les conditions prévues aux articles 1341 et suivants du Code Civil, ce qui change tout.


2. Précisément, pour la Première Chambre Civile, la preuve du non-paiement d'une créance constitue donc un acte juridique qui se prouve selon les exigences de l'écrit issues des dispositions de l'article 1341 du Code Civil (pour les actes civils s'il faut le préciser, la preuve d'un acte commercial s'effectuant toujours par tous moyens).

En pratique, l'on voit immédiatement la difficulté qui consistera pour la Banque à produire un document écrit succédant à une quittance erronée et qui justifierait du non règlement intégral de la créance.

Autant dire mission compliquée!


3. Cette posture de la Première Chambre Civile est d'autant plus incompréhensible qu'elle retient la solution inverse pour la preuve du paiement d'une créance civile qui est pour elle "un fait juridique qui se prouve par tous moyens" (v. Cass. civ. 1 16 septembre 2010, préc., pourvoi n° 09-13.947).

Indépendamment du débat doctrinal sous-tendant cette problématique à savoir la nature du paiement et du non-paiement : acte ou fait juridique?, force est de déplorer tant les contradictions existant entre les Chambres de la Cour de cassation (pour la Chambre Sociale, le paiement est un acte et non un fait juridique, cf. Cass. Soc., 11 janvier 2006, pourvoi n° 04-41.231) que dans les principes retenus par la Première Chambre traitant différemment en matière probatoire, le paiement et le non paiement.

Mais ses voies sont parfois impénétrables...



L'auteur de cet article:Stéphane ASENCIO, avocat à Bordeaux



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © JNT Visual - Fotolia.com

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