Une garantie inédite pour l'acquéreur d'un immeuble vendu après achèvement - Crédit photo : © Catherine CLAVERY
Crédit photo : © Catherine CLAVERY

Une garantie inédite pour l'acquéreur d'un immeuble vendu après achèvement

Publié le : 04/05/2010 04 mai mai 05 2010

Lorsqu’une personne vend après achèvement un immeuble qu’elle a construit ou fait construire, l’action en garantie décennale n’est pas exclusive de l’action en garantie des vices cachés de droit commun de l’article 1641 du code civil.

Vente après achèvement d'un immeuble



Etude de l’arrêt de la Troisième Chambre civile de la Cour de cassation en date du 17 juin 2009 ( N° de pourvoi : 08-15.503, FS-P+B)

« Lorsqu’une personne vend après achèvement un immeuble qu’elle a construit ou fait construire, l’action en garantie décennale n’est pas exclusive de l’action en garantie des vices cachés de droit commun de l’article 1641 du code civil ».


Le contexte juridique préalable

Il ressort des dispositions légales de l’article 1792 du code civil que les désordres qui compromettent la solidité d’un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination sont garantis, de plein droit, par le ou les constructeurs (ou réputés constructeurs).

L’article 1792-1 du code civil dispose notamment que celui qui vend, après achèvement, un ouvrage qu’il a construit ou fait construire est réputé constructeur.

Sur le fondement conjugué de ces deux textes, la jurisprudence est unanime pour considérer que l’acquéreur d’un immeuble vendu après achèvement bénéficie d’un recours in solidum contre son vendeur mais aussi contre l’ensemble des entrepreneurs intervenus à l’acte de construire, et leurs assureurs.

Conformément aux dispositions de l’article 1792-6 du même code, ce recours est toutefois enfermé dans le délai préfix de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.


Par un arrêt de principe du 10 avril 1996 (N° de pourvoi : 94-17030), la Cour de cassation a considéré que « les dommages qui relèvent d'une garantie légale ne peuvent donner lieu, contre les personnes tenues à cette garantie, à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun ».

Ainsi, la responsabilité du constructeur, s’agissant des désordres qui compromettent la solidité d’un ouvrage ou le rendent impropre à sa destination, ne pouvait être exclusivement recherchée que sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants du code civil, soit dans un délai préfix de 10 ans à compter de la réception de l’ouvrage.

Ce délai de 10 ans qui commence à courir à compter de la réception constituait le terme de l’engagement de la responsabilité du constructeur pour des désordres de nature décennale, et ce, sauf à démontrer le dol de ce dernier.

A ce titre il est important de noter que cette exception même est dénuée de toute portée pratique depuis la réforme de la prescription issue de la loi du 17 juin 2008 puisque l’action fondée sur le dol caractérisée d’un constructeur dans l’exécution du contrat se prescrit à présent par 10 ans (auparavant, la prescription applicable était de 30 ans).


La décision

Par cet arrêt de la troisième chambre civile du 17 juin 2009 (N° de pourvoi : 08-15.503), la Cour de cassation affirme que :

« Lorsqu’une personne vend après achèvement un immeuble qu’elle a construit ou fait construire, l’action en garantie décennale n’est pas exclusive de l’action en garantie des vices cachés de droit commun de l’article 1641 du code civil ».


En l’espèce, les désordres invoqués par l’acquéreur trouvaient leur cause dans des travaux de construction et rendaient l’ouvrage impropre à sa destination, de sorte que, conformément à la jurisprudence précitée du 10 avril 1996, seule la garantie décennale des articles 1792 et suivants du code civil aurait pu être invoquée par l’acquéreur.

Toutefois, l’acquéreur, prescrit sur le terrain de la garantie décennale, a entendu bénéficier des dispositions de droit commun de l’article 1641 du code civil.

En effet, d’une part les défauts cachés de l’ouvrage vendu le rendait impropre à l’usage auquel il était destiné et d’autre part, le délai d’action, de deux ans à compter de la découverte du vice par l’acquéreur (article 1648 du code civil) n’avait, quant à lui, pas expiré.

Si les conditions de mise en œuvre de la garantie des vices cachés étaient réunies, la jurisprudence constante de la Cour de cassation devait en principe interdire le recours aux dispositions de droit commun des articles 1641 et suivants du code civil.


En affirmant que l’action en garantie décennale n’est désormais plus exclusive de l’action en garantie des vices cachés, la Cour de cassation a opéré le 17 juin 2009 un revirement indéniable de sa jurisprudence.

L’analyse

Lorsqu’il agira dans le délai de 10 ans à compter de la réception, il y a fort à parier que l’acquéreur fonde son action sur les dispositions des articles 1792 et suivants du code civil.

Il bénéficiera alors d’un recours non seulement contre son vendeur (comme se sera le cas sur le fondement de la garantie des vices cachés), mais également contre l’ensemble des constructeurs et leurs assureurs respectifs.

Ce recours in solidum contre ces divers intervenants à l’acte de construire pourra lui permettre de pallier l’éventuelle insolvabilité de l’un ou l’autre des constructeurs, ou encore de son vendeur, pour la cause réputé constructeur.

De plus, il ne pourra se voir opposer une éventuelle clause de non garantie des vices cachés (seulement valable entre particuliers) qui serait insérée dans l’acte de vente.

L’option offerte par cette décision présente cependant un intérêt non négligeable lorsque, comme en l’espèce, l’acquéreur est prescrit sur le terrain décennal.

Alors qu’antérieurement, et en présence de vices, même cachés, qui trouvaient leur origine dans des travaux de construction, il ne disposait plus, à l’expiration du délai de 10 ans à compter de la réception, d’aucun recours, l’acquéreur pourra à présent agir contre son vendeur sur le fondement des dispositions de droit commun.


Depuis la Loi du 17 juin 2008, et sur le fondement de la jurisprudence du 10 avril 1996, l’expiration du délai de 10 ans à compter de la réception marquait donc le terme de la garantie de l’acquéreur en cas de vente après achèvement.


A présent, l’action de l’acquéreur d’un immeuble vendu après achèvement, à l’encontre de son vendeur, s’agissant de désordres de constructions, cachés à la réception, et qui rendent l’ouvrage impropre à sa destination, n’est prescrite qu’à l’expiration du délai de 2 ans à compter de la découverte du vice par l’acquéreur, qui peut évidemment intervenir bien au delà du délai décennal.

Deux remparts persistent toutefois à cette action : la clause d’exclusion de garantie des vices cachés seulement invocable par le vendeur non professionnel, et l’expiration du délai de l’article 2232 du code civil, de 20 ans à compter du jour de la naissance du droit.


En permettant à l’acquéreur de rechercher la responsabilité du vendeur réputé constructeur, tant sur le fondement de la garantie décennale que sur celui de la garantie légale des vices cachés, la Cour de cassation a remis en cause le principe sus évoqué, mais aussi et surtout rallongé, de façon inédite, la durée de la garantie bénéficiant à l’acquéreur d’un immeuble vendu après achèvement.



Cet article a été rédigé par Me Christophe BAILLY. Il n'engage que son auteur.

 

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