Un rapport d'expertise déposé à l'issue d'une expertise à laquelle la partie n'a pas participé lui est-il opposable ?

Un rapport d'expertise déposé à l'issue d'une expertise à laquelle la partie n'a pas participé lui est-il opposable ?

Publié le : 04/12/2018 04 décembre déc. 12 2018

La question récurrente de l’opposabilité à une partie d’un rapport d’expertise déposé à l’issue d’une expertise à laquelle elle n’a pas participé, a nourri une abondante jurisprudence.
La Cour de Cassation a progressivement admis qu’un rapport qui a été régulièrement communiqué à la procédure et a pu être librement discuté par  les parties, pouvait fonder la décision du juge sans que la ou les parties qui n’ont pas participé à l’expertise puissent valablement en invoquer le caractère non contradictoire.

Encore fallait-il, jusqu’à présent, que les conclusions du rapport de l’expert fussent corroborées par d’autres pièces du dossier.

En d’autres termes, le jugement ne pouvait être exclusivement fondé sur le rapport d’expertise.

(Voir notamment : Cass. Civ. 2ème, 17 avril 2008, n° 07-16824, Bull. II, n° 95 ; Cass. Civ. 2ème, 8 septembre 2011, n° 10-19919, Bull. II, n° 166 et, plus récemment : Cass. Civ. 2ème, 7 septembre 2017, n° 16-15531).

La décision rendue par la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation le 15 novembre dernier va encore plus loin : 

Dans le cadre d’un litige relatif à la fixation du loyer d’un bail commercial, il était en effet reproché à la Cour d’Appel de REIMS d’avoir fondé sa décision exclusivement sur deux expertises qui n’avaient pas été réalisées contradictoirement à la partie à laquelle elles étaient opposées, en l’occurrence le locataire commercial.

La Cour de Cassation rejette le pourvoi au motif que « dès lors que ces éléments avaient été soumis à la libre discussion des parties, la cour d’appel, devant qui n’était pas invoquée une violation de l’article 6 § 1 (de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales), a pu, sans violer le principe de contradiction, se fonder sur le rapport d’expertise judiciaire établi lors d’une instance opposant la bailleresse à son associé et sur le rapport d’expertise établi unilatéralement, à la demande de celle-ci, dont elle a apprécié souverainement la valeur et la portée ».

La solution aurait-elle été différente si le moyen tiré de la violation de l’article 6 § 1 de la convention précitée avait été invoqué devant la Cour d’appel ?

Rien n’est moins sûr, la Cour de Cassation ayant sans doute seulement voulu rappeler que le pourvoi ne peut se fonder sur des moyens mélangés de fait et de droit qui n’ont pas été soumis aux juges du fond (article 619 du code de procédure civile, voir par exemple Cass. Civ. 3ème , 20 juin 2007: D. 2007. AJ 1959, obs. Forest). 


Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © duncanandison - Fotolia.com


 

Auteur

CHARLES-NEVEU Brigitte
Avocate Honoraire
NEVEU, CHARLES & ASSOCIES
NICE (06)
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