Les obligations du banquier en matière d'encaissement de chèque

Les obligations du banquier en matière d'encaissement de chèque

Publié le : 28/09/2012 28 septembre sept. 09 2012

Dans le cas de l'espèce, la Banque a inscrit le montant du chèque sur un compte d'attente et a rejeté les chèques de la société X qui se présentaient au paiement pour défaut de provision suffisante.

Chèques: encaissement et rejetUne banque a t-elle l'obligation d'inscrire immédiatement au crédit du compte du bénéficiaire d'un chèque, le montant ce celui-ci sous peine d'engager sa responsabilité à l'égard de son client ou peut-elle en cas de connaissance de défaut d'approvisionnement du chèque, se contenter d'en faire l'inscription sur un compte d'attente, le compte du bénéficiaire n'étant alors pas crédité du montant du chèque?

A cette question fort intéressante en pratique qui ne connait que peu de réponse jurisprudentielle (v. toutefois Cass. Com, 6 février 1978, pourvoi n° 76-12639) la Chambre commerciale de la Cour de cassation par arrêt de rejet en date du 19 juin 2012 (pourvoi n° 11-17061), prend une position indirectement favorable au banquier.


En l'espèce, le gérant d'une société X avait remis à l'encaissement à son banquier, un chèque de 32.000 € tiré par une société Y dont il était également le gérant. Parallèlement, deux chèques (d'un montant cumulé de 31.681 €) se présentaient au débit de la société X dont le paiement dépendait de l'encaissement du premier chèque.

En effet, à défaut de remises au crédit, le plafond de l'autorisation de découvert (50.000 €) aurait été dépassé (le découvert étant de 43.334,74 €) par le paiement des deux chèques. Il était donc impératif pour éviter le rejet des chèques se présentant au paiement que l'encaissement soit inscrit au crédit du compte.

Dans cette circonstance et bien qu'un encaissement soit toujours inscrit sous réserve de provision (à défaut de provision la banque procédera à une écriture d'annulation), la banque acceptant l'inscription au crédit du chèque de 32.000 €, n'aurait pu rejeter les chèques se présentant au débit car la situation provisoire du compte à l'instant de la présentation des deux chèques, permettait leur paiement dans les limites du découvert autorisé.

Le client de la Banque à laquelle le chèque était remis à l'encaissement, était manifestement bien informé (par son avocat?) de la réglementation bancaire du chèque.

Sa banque quant à elle, paraissait regarder de près la situation du compte de la société X.

Les relations semblaient donc teintées de méfiance entre la Banque et son client, dans une situation financière tendue.

Ce contexte expliquerait les raisons pour lesquelles la Banque avant inscription au crédit du compte (même sous condition) s'était renseignée sur la situation du compte sur lequel, le chèque de 32.000 € était tiré et (indépendamment même du fait de savoir que les deux sociétés avaient le même dirigeant) avait ainsi appris que ce compte n'avait pas de provision suffisante.

En conséquence, la Banque a inscrit le montant du chèque sur un compte d'attente et a rejeté les chèques de la société X qui se présentaient au paiement pour défaut de provision suffisante.

Considérant que la Banque devait en toutes hypothèses, inscrire en compte le chèque déposé à l'encaissement et ne pas rejeter les deux autres chèques présentés au paiement, la société X a sollicité des dommages et intérêts à la Banque.

Son argumentation était la suivante :

  • la Banque qui reçoit un chèque à l'encaissement doit inscrire le montant du chèque du remettant ;
  • quitte à exercer en cas de non paiement du chèque pour défaut de provision, une action en remboursement contre son client ,
  • ainsi, l'éventuelle absence de provision du chèque n'interdit pas l'inscription du montant de ce chèque au crédit du compte du remettant ;
  • qu'ayant constaté que la Banque avait manqué à ses obligations en n'inscrivant pas provisoirement le chèque de 32.000 € tout en considérant que ledit chèque ne pouvait, faute de provision, permettre le décaissement des sommes correspondant aux deux chèques rejetés, la Cour d'appel a violé les articles L. 131-34 du Code Monétaire et Financier et 1147 du Code civil.
Au soutien de sa décision de rejet, la Cour de cassation retient les règles ci-après :

  • le banquier qui ne procède pas immédiatement à l'inscription du chèque en compte doit prévenir son client faute de quoi il engagerait sa responsabilité sauf conventions ou circonstances particulières (en cela la Banque a ici commis une faute) ;
  • Mais comme le chèque de 32.000 € n'était pas approvisionné, il n'aurait pu en tout état de cause permettre le décaissement des deux chèques rejetés ;
  • ainsi la faute de la banque n'est pas à l'origine du rejet des chèques et du préjudice en résultant.

Si en opportunité, cette décision paraît équilibrée, en droit, elle pourrait susciter des interrogations.

Son issue est dans tous les cas contraire à celle de 1978, cette même Chambre de la Cour de cassation annulant l'arrêt d'appel qui avait rejeté l'action du client en responsabilité contre son banquier.

Certes, des différences techniques peuvent expliquer cette contrariété, la Haute Juridiction sanctionnant le juge d'appel sur le fondement des règles du mandat au détriment des règles propres au chèque, ce outre des distinctions plus proprement procédurale et factuelles dans les deux affaires:

  • En 1978 : le client reprochait à la banque d'avoir encaissé plusieurs chèques qui se sont avérés non provisionnés, lui laissant à penser, avant annulation des encaissements qu'il pouvait effectuer lui-même des paiements provisionnés, ce qui s'est avéré ne pas être le cas. Il reprochait donc à la Banque de ne pas l'avoir informé de cette absence de provision et d'être ainsi responsable de négligence à son endroit.
  • En 2012 : le client reproche à la banque de n'avoir pas encaissé un chèque et d'avoir ainsi rejeté des chèques émis par lui-même en raison d'insuffisance de provision. Ici, le client ne reproche pas le même défaut d'information.
Toutefois, dans les deux cas, le grief de défaut d'information du banquier est retenu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation, la différence tenant à ce qu'en 1978, ce défaut pourrait être à l'origine des préjudices subis par le client et qu'en 2012, ce même défaut n'était pas à l'origine des préjudices allégués.

L'explication pourrait alors se trouver dans ce qu'en 1978, le bénéficiaire du chèque ne pouvait pas savoir que celui-ci n'était pas approvisionné alors qu'en 2012, il s'agissait du contraire.

Sauf à consacrer la pratique des chèques de complaisance, les juges ne pouvaient-ils donc faire autrement en 2012 que d'estimer, que la faute du banquier pour défaut d'information ne pouvait être source de responsabilité en présence d'un chèque dont le bénéficiaire n'ignorait pas le défaut de provision ?!

Équilibrée dans les instructions données au banquier qui (sauf exception) peut ne pas procéder à l'encaissement d'un chèque mais à la condition (à peine de responsabilité) d'en prévenir le client pour que celui-ci agisse en conséquence, cette décision est conforme à l'esprit de la réglementation du chèque dite de police.

Chacun du banquier et du client doit prendre sa part de responsabilité, c'est une des salutaires solutions apportées par cet arrêt du 19 juin 2012.



L'auteur de cet article:Stéphane ASENCIO, avocat à Bordeaux



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Kromosphere - Fotolia.com

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