Action en répétition de l'indu

Eclairages sur l’action de l’employeur en répétition de l’indu

Publié le : 02/10/2023 02 octobre oct. 10 2023

Un arrêt rendu le 14 juin 2023 (Cass. Soc., 14 juin 2023, n°21-23.031) par la chambre sociale de la Cour de cassation est l’occasion de faire ou refaire le point sur les conditions dans lesquelles un employeur peut exercer une action en répétition de l’indu.
Dans cet arrêt, une salariée, qui travaillait pour une marque britannique de prêt-à-porter haut de gamme, avait été licenciée pour faute grave le 19 octobre 2016. Son employeur lui reprochait d’avoir présenté, à l’appui d’une demande de remboursement de frais, des factures pour des prestations de retouche qui n’avaient, en réalité, pas été réalisées.

Le stratagème mis en place par la salariée était bien rôdé. Les factures adressées à l’employeur par la salariée faisaient apparaître un volume et un montant de retouches largement supérieur à celui mentionné sur les factures authentifiées par l’expert-comptable de la société prestataire.

Il s’est avéré que la salariée réglait les factures à la société de retouches de vêtement en espèces tirées de son compte personnel après qu’elle ait été défrayée par son employeur d’un montant beaucoup plus important donc.

De cette manière, la salariée avait réussi à se faire rembourser la somme considérable de 26.333,06 euros au titre des frais de retouches de vêtements sur une période de deux ans environ, sans commune mesure avec les frais réellement engagés par elle.

La salariée avait contesté son licenciement devant le Conseil de prud’hommes et avait opposé, pour résister à la demande en remboursement de l’employeur, que seule une faute lourde permettait d’engager sa responsabilité.

Si le Conseil de prud’hommes avait suivi le raisonnement de la salariée sur ce point, son jugement a été infirmé par la Cour d’appel de LYON considérant que la salariée avait commis une « faute intentionnelle, impliquant une organisation certaine ainsi qu’il a été démontré ci-dessus, d’une particulière gravité et incompatible avec l’exercice normal des fonctions confiées à la salariée ». 

La salariée, condamnée à rembourser cette somme, avait formé un pourvoi en cassation maintenant que la responsabilité pécuniaire d’un salarié à l’égard de son employeur ne pouvait résulter que de sa faute lourde.

On rappellera, sur ce point, que la faute lourde est, en principe, définie comme « celle commise par le salarié dans l'intention de nuire à l'employeur ou à l'entreprise ». L’intention de nuire peut résulter de l’acte commis par le salarié (Cass. Soc. 21 avril 2022, n°20-22.773). Le fait que le comportement ait été préjudiciable à l’employeur ne suffit pas néanmoins (Cass. Soc. 22 octobre 2015, n°14-11.291 et n°14-11.801).

La qualification de faute lourde n’est pas sans conséquence puisqu’elle conditionne l’engagement de la responsabilité pécuniaire du salarié, permettant ainsi à l’employeur de fonder une action en dommages et intérêts contre ce dernier (Cass. Soc., 5 décembre 1996, n°93-44.073).

Or, dans cette affaire, la salariée avait été licenciée pour faute grave.

Sur le fondement des articles 1302 et 1302-1 du Code civil relatifs au paiement de l’indu, la Cour de cassation rejette néanmoins le pourvoi de la salariée.

Pour mémoire, ces articles disposent, d’une part, que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution et, d’autre part, que celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l’a indûment reçu.

Ainsi, selon la Cour de cassation, la Société était bien fondée à exiger la restitution des sommes indûment versées, pour un montant total de 26.333,06 €, et ce en dehors de toute faute lourde retenue à l’encontre de la salariée.

A juste titre, l’action en paiement de l’indu doit être distinguée de la mise en œuvre de la responsabilité pécuniaire du salarié, qui n’est pas conditionnée par l’existence d’une faute commise par le salarié, lourde à fortiori.  Dans une telle situation, les règles de droit commun du paiement de l’indu s’appliquent et le salarié ne saurait se soustraire à l’obligation de restituer la somme indument perçue au motif qu’il n’aurait pas commis de faute lourde.

Dans le cas d’une action en répétition de l’indu, l’employeur n’a pas non plus à prouver qu’il a payé par erreur ou qu’il n’a pas commis de faute. Un salarié ne pourrait, d’ailleurs, s’opposer au remboursement d’une somme indue sauf à caractériser l’intention libérale de son employeur (Cass. Soc. 14 mars 2018, n° 16-13.916).

Pèse uniquement sur l’employeur la charge de prouver que ce qu’il a payé n’était pas dû.

En dehors de toute action judiciaire, et si le droit au remboursement de l’employeur est bien fondé, se pose la question des modalités dont il dispose pour l’exercer, notamment lorsque le contrat de travail du salarié est toujours en cours.

Il faut rappeler que l’employeur ne peut se faire justice lui-même en effectuant directement une retenue sur salaire, sauf en présence d’une créance certaine, liquide et exigible. Autrement dit, le trop-perçu ne doit pas être contesté par le salarié. En outre, la compensation effectuée par l’employeur doit se faire dans les limites autorisées par la loi, soit la portion du salaire saisissable.

En présence d’un trop perçu significatif, et préalablement à toute mesure ou action, il conviendra de rassembler les éléments permettant de démontrer le caractère certain, liquide et exigible de la créance et de mettre en demeure, de façon formelle, le salarié de rembourser la somme indûment perçue.

Sur ce point il convient de rappeler que la Cour de cassation a pu juger que le caractère volontaire et persistant de la dissimulation à l’employeur de l’existence d’un trop perçu, y compris après la réclamation par l’employeur de celui-ci, peut constituer une faute grave justifiant le licenciement du salarié (Cass. Soc. 11 septembre 2019, n°18-19.522).


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Léa BAULARD

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