Quelques éléments sur la réforme du contentieux administratif après l’intervention du Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du Code de justice administrative (partie réglementaire)

Quelques éléments sur la réforme du contentieux administratif après l’intervention du Décret n° 2016-1480 du 2 novembre 2016 portant modification du Code de justice administrative (partie réglementaire)

Publié le : 16/11/2016 16 novembre nov. 11 2016

Publié au JO du 4 novembre 2016, le Décret n° 2016-1480 apporte quelques modifications notables, et d’importance variable, sur la pratique du contentieux administratif.
 
 
Jusqu’alors et en matière de travaux publics, le requérant était exempté de l’obligation d’introduire un recours contre une décision administrative obtenue préalablement.
 
Cette dispense est aujourd’hui supprimée et il conviendra donc de solliciter, préalablement à tout recours, l’intervention d’une décision de l’Administration qui, seule, pourra être déférée à la censure du juge administratif (article 10 du Décret n° 2016-1480 modifiant l’article R 421-1 du Code de justice administrative).
 
 
Le Décret renforce l’obligation de présenter une réclamation pour toute demande indemnitaire préalablement à la saisine du juge (article 10 du Décret n° 2016-1480 modifiant l’article R 421-1 du Code de justice administrative).
 
Il semblerait ainsi que le pouvoir réglementaire souhaite mettre en échec la jurisprudence administrative qui tolérait la saisine préalable du juge, l’envoi d’une réclamation « préalable » en cours de procès sous la seule réserve qu’une décision, implicite ou explicite, de rejet intervienne avant la date du jugement :
 
« Considérant qu'aucune fin de non-recevoir tirée du défaut de décision préalable ne peut être opposée à un requérant ayant introduit devant le juge administratif un contentieux indemnitaire à une date où il n'avait présenté aucune demande en ce sens devant l'administration lorsqu'il a formé, postérieurement à l'introduction de son recours juridictionnel, une demande auprès de l'administration sur laquelle le silence gardé par celle-ci a fait naître une décision implicite de rejet avant que le juge de première instance ne statue, et ce quelles que soient les conclusions du mémoire en défense de l'administration ; qu'en revanche, une telle fin de non-recevoir peut être opposée lorsque, à la date à laquelle le juge statue, le requérant s'est borné à l'informer qu'il avait saisi l'administration d'une demande mais qu'aucune décision de l'administration, ni explicite ni implicite, n'est encore née » (CE, 4 décembre 2013, n°354386).
 
 
Egalement en lien avec le contentieux indemnitaire, le Décret n° 2016-1480 supprime l’obligation d’intervention d’une décision expresse de rejet, mentionnant les voies et délais de recours, d’une réclamation préalable pour faire courir le délai de saisine de la juridiction.
 
Cette matière se trouve donc désormais régie par les règles habituelles du contentieux administratif permettant de rejeter, implicitement, une demande indemnitaire préalable (article 10.3 du Décret n° 2016-1480  supprimant l’article R 421-3, 1°) du Code de justice administrative).
 
 
Dans le cadre de la Loi n°2016-483 du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, le législateur avait introduit un article L 511-2 dans le Code de justice administrative permettant l’examen d’un référé administratif par une formation collégiale.
 
Le Décret n° 2016-1480 met en concordance la partie réglementaire par la création d’un article R 511-1 au sein du Code de justice administrative (article 13 du Décret).
 
 
Dans le contentieux de l’urbanisme, relatif aux permis de construire, permis de démolir et permis d’aménager, le juge disposait de la faculté de fixer une date à partir de laquelle les parties ne pourraient invoquer de moyens nouveaux (article R 600-4 du Code de l’urbanisme créé par le Décret n°2013-879 du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l’urbanisme).
 
Cette possibilité est désormais étendue à tout le champ du contentieux administratif (article R 611-7-1 du Code de justice administrative créé par l’article 16 du Décret n° 2016-1480) et la disposition spécifiquement applicable à l’urbanisme est abrogée (article 33 du Décret n° 2016-1480).
 
 
Depuis 2010, le président de la formation de jugement peut solliciter la production d’un mémoire récapitulatif, étant précisé que les moyens et conclusions non repris étaient alors réputés abandonnés (Décret n° 2010-164 du 22 février 2010 relatif aux compétences et au fonctionnement des juridictions administratives).
 
Le Décret n° 2016-1480, en son article 17, tire les conséquences de l’absence de réponse, dans un délai qui ne pourra pas être inférieur à 1 mois, en prévoyant le désistement d’office de la requête.
 
 
En cours de procédure et s’il apparaît que les causes de la requête ont disparu, le président de la formation de jugement pourra interroger le requérant sur le devenir de la procédure.
 
A défaut de réponse, dans un délai qui ne pourra pas être inférieur à 1 mois, le désistement d’office de la requête pourra être prononcé (création d’un article R 612-5-1 du Code de justice administrative par l’article 20 du Décret n° 2016-1480).
 
 
Les nouvelles dispositions de l’article R 613-1 du Code de justice administrative permettent désormais, après clôture de l’instruction, au président de la formation de jugement de solliciter la communication d’éléments ou de pièces sans, pour autant, que l’instruction soit réouverte et la clôture reportée, ce qui laisse quelque peu dubitatif quant à l’application du principe du contradictoire (article 21 du Décret n° 2016-1480).
 
 
Certes peu utilisé, l’amende pour procédure abusive voit son plafond relever à la somme de 10 000,00 euros en lieu et place de la somme de 3 000,00 euros initialement prévue à l’article R 741-12 du Code de justice administrative (article 24 du Décret n° 2016-1480).
 
 
Le Décret n° 2016-1480 prévoit une entrée en vigueur pour le 1er janvier 2017.
 
Toutefois, il est également prévu que certaines dispositions du Décret seraient applicables pour les requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2017, notamment les articles 9 et 10.
 
Or, ces dispositions modifient les règles applicables pour les recours administratifs préalables à l’introduction des requêtes.
 
On peut dès lors s’interroger sur le traitement d’une requête introduite postérieurement au 1er janvier 2017 en matière de travaux publics et alors même que le requérant n’aura pas suscité l’intervention d’une décision administrative préalable, ainsi que les dispositions de l’article R 421-1 du Code de justice administrative lui permettent de le faire jusqu’au 31 décembre 2016…
 
 
Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © antoinemonat - Fotolia.com

 

Auteur

Flavien MEUNIER
Avocat Associé
LEXCAP NANTES
NANTES (49)
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