Infections nosocomiales : Responsabilité et réparation
Publié le :
04/02/2010
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2010
Les infections nosocomiales sont des infections contractées dans un établissement de soins, et qui était absente au moment de l'admission du patient.
Infections nosocomiales: définition, preuve, indemnisation1° La notion d’infection nosocomiales
La loi n° 202-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ne donne aucune définition de l’infection nosocomiale bien qu’elle l’évoque à plusieurs reprises.
Il ressort de la circulaire DGS/DHO S/E 2 n°2000-645 du 29 décembre 2000 relative à l'organisation de la lutte contre les infections nosocomiales dans les établissements de santé que les infections nosocomiales sont des infections contractées dans un établissement de santé.
Il s’agit plus précisément des infections, contractées dans un établissement de soins, et qui était absente au moment de l'admission du patient. Lorsque l'état infectieux du patient à l'admission est inconnu, l'infection est classiquement considérée comme nosocomiale si elle apparaît après un délai de 48 heures d'hospitalisation. Ce délai est cependant assez artificiel et ne doit pas être appliqué sans réflexion. Ces infections peuvent être directement liées aux soins (par exemple l'infection d'un cathéter) ou simplement survenir lors de l'hospitalisation indépendamment de tout acte médical (par exemple une épidémie de grippe).
2° la distinction entre infection endogène et exogène
On distingue plusieurs types d'infections nosocomiales qui relèvent de modes de transmission différents :
- les infections endogènes : le malade s'infecte avec ses propres germes, à la faveur d'un acte invasif et/ou en raison d'une fragilité particulière ;
- les infections exogènes : il peut s'agir soit d'infections croisées, transmises d'un malade à l'autre par les mains ou les instruments de travail du personnel médical ou paramédical, soit d'infections provoquées par les germes portés par le personnel, soit d'infections liées à la contamination de l'environnement hospitalier (eau, air, matériel, alimentation...).
Le juge administratif opère une distinction entre infection exogène et infection endogène et rejettent le demandes d’indemnisation émanant des victimes d'infections dues à un germe dont elles étaient porteuses et non à "un germe hospitalier" (TA Rennes, 16 févr. 2000, n° 981370, inédit ; en ce sens également TA Melun, 14 févr. 2002, n° 984050). Cette analyse est validée par le Conseil d'État.
La Cour de Cassation a quant à elle rejeté la distinction entre infections endogènes et exogènes et elle considère comme nosocomiales, toutes les infections contractées au cours d'une hospitalisation, y compris celles causées par des germes dont le patient était porteur.
3° La preuve du caractère nosocomial de l’infection incombe au patient
La loi du 4 mars 2002 reconnaît la responsabilité de plein droit des “établissements, services et organismes” pour les infections nosocomiales contractées en leur sein, les exonérant s'ils rapportent la preuve “d'une cause étrangère”.
Toutefois, la preuve du caractère nosocomial de l'infection est à la charge de celui qui l'invoque. Selon la Cour de Cassation, “il appartient au patient de démontrer que l'infection dont il est atteint présente un caractère nosocomial” (Cass. Civ 1., 27 mars 2001 : Juris-Data n° 2001-008907 ). La victime doit par conséquent, à l'appui de la demande en réparation de son dommage, démontrer qu’il existe un lien de causalité entre les soins qu’il a reçu lors de son hospitalisation dans l’établissement de santé et l'infection.
Même s’il n’existe pas en la matière une présomption, les juges déduisent souvent la preuve de la contamination lors de l'intervention d'un faisceau d'indices révélés par le rapport d'expertise ou d'absence d'autres circonstances de nature à expliquer le phénomène et sont approuvés en cela par la Cour de cassation (Cass. civ. 1, 7 juillet 1998 : Juris-Data n° 1998-003299).
Ainsi, les juges retiennent par exemple :
- l’existence d'une affection identique décelée chez plusieurs autres patients ayant subi, à la même époque, la même intervention chirurgicale (Cass. civ.1, 7 juill. 1998 : Juris-Data n° 1998-003299).
- l'absence d'anomalie présentée par le patient à son arrivée et de la manifestation de l'infection pendant son hospitalisation (CA Pau, 18 mai 2000 : Juris-Data n° 2000-122547)
- l'absence de tout facteur de risque propre à la victime (CA Aix-en-Provence, 7 nov. 2000 : Juris-Data n° 2000-131409),
- certains actes médicaux, comme l'arthrographie, fortement suspectés d'être à l'origine de l'infection localisée au siège de l'intervention (CA Amiens, 26 févr. 2001 : Juris-Data n° 2001-141173).
4° l’existence d’un double régime d’indemnisation
La loi n° 2002-1577 du 30 décembre 2002, dont les dispositions sont rétroactives, (en ce sens Ch. Radé, obs. préc.), a énoncé que les règles sur l'indemnisation des accidents médicaux issus de la loi du 4 mars 2002 ne s'appliquent que “aux accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales consécutifs à des activités de prévention, de diagnostic ou de soins réalisés à compter du 5 septembre 2001, même si ces accidents médicaux, affections iatrogènes et infections nosocomiales font l'objet d'une instance en cours, à moins qu'une décision de justice irrévocable n'ait été prononcée”.
Nous sommes par conséquent en présence d’un double régime d’indemnisation, les juges devant appliquer en même temps deux régimes distincts selon la date du fait générateur et distinguer selon que l'infection nosocomiale est consécutive à un acte médical dommageable réalisé avant le 5 septembre 2001 ou après cette date. Ce double régime d’indemnisation risque de perdurer compte tenu du délai de prescription de 10 ans de l'action en responsabilité civile, qui ne commence à courir qu'à la date de consolidation du dommage selon l’article L 1142-28 du code de la santé publique.
a) Les règles d'indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite d'actes médicaux réalisés avant le 5 septembre 2001
Les règles d'indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite d'actes médicaux réalisés avant le 5 septembre 2001 sont celles qui ont été dégagées par la jurisprudence sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile.
Par trois arrêts rendus par la première Chambre civile le 29 juin 1999, la Cour de cassation a mis à la charge de la clinique une obligation de sécurité de résultat, en retenant que « le contrat d'hospitalisation et de soins met à la charge de ce dernier, en matière d'infection nosocomiale, une obligation de sécurité de résultat dont il ne peut se libérer qu'en rapportant la preuve d'une cause étrangère” (Cass. 1re civ., 29 juin 1999, 3 esp. : Bull. civ. 1999, I, n° 220).
Cette obligation de résultat s'applique à toute infection contractée à l'occasion d'une hospitalisation, et non plus seulement à celle qui l'a été dans une salle d'opération et la notion d'infection nosocomiale recouvre désormais toute maladie provoquée par des micro-organismes et contractée par un patient lors de son hospitalisation et non pas seulement une infection contractée en salle d'opération. Cette obligation incombe à l'établissement durant toute la durée du séjour et plus spécialement durant toutes les étapes de l'exécution du contrat de soins, notamment aux actes pré-opératoires, opératoires et post-opératoires des personnes.
La Cour de cassation, par ces arrêts du 29 juin 1999 a aussi étendu son application aux médecins qui sont également devenus débiteurs de cette obligation de sécurité de résultat. En application du principe de la causalité intégrale, la clinique et le médecin sont tenus in solidum à l'égard de la victime de réparer l'intégralité du dommage, étant tous deux débiteurs d'une obligation de sécurité de résultat (CA Paris, 16 mai 2002 : Juris-Data n° 2002-185292)
Seule la preuve d'une cause étrangère est de nature à exonérer l'établissement ou le médecin de leur responsabilité de plein droit.
b) Les règles d'indemnisation des infections nosocomiales contractées à la suite d'actes médicaux réalisés après le 5 septembre 2001
Quant aux infections nosocomiales consécutives à un acte médical réalisé après le 5 septembre 2001, l’article L 1142-1, I du Code de santé publique issu de la loi 2002-303 du 4 mars 2002 énonce : “Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère”.
Aux termes de l'article L 1142-1, I alinéa 2 du même code, les établissements, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.
Ce texte reconnaît par conséquent l'existence d'une responsabilité sans faute à la charge des établissements en matière d'infection nosocomiale.
Il en va différemment pour les professionnels de santé dont la responsabilité en matière d'infection nosocomiale, ne peut désormais être retenue qu'en cas de faute établie à son encontre. En effet, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 ne reprend pas la solution jurisprudentielle de la Cour de Cassation adoptée lors des arrêts du 29 juin 1999 retenant une responsabilité de plein droit du médecin. Si le patient contracte une infection nosocomiale à l'occasion d'un acte de soins pratiqués dans le cabinet du médecin, il doit prouver sa faute pour être indemnisé, à moins de remplir les conditions de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale, posées par l’article L 1142-1, II du Code de la santé publique.
5° Le régime d’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales
La loi du 4 mars 2002 avait initialement confié aux assureurs le soin d'indemniser les victimes d'infections nosocomiales, l'Office national d'indemnisation (ONIAM) n'intervenant qu'à titre subsidiaire, en cas de silence, de refus de l'assureur ou en l'absence d'assurance. Sous la pression des assureurs, la loi n°2002-1577 du 30 décembre 2002 instaure un régime d'indemnisation qui diffère selon la gravité du dommage. L'article L 1142-1-1, 1° du Code de la santé publique conduit à opérer une distinction selon le taux d'incapacité permanente partielle de la victime :
- soit l'infection nosocomiale est à l'origine d'une incapacité permanente partielle d'un taux inférieur ou égal à 25 % et dans ce cas, le régime d'indemnisation classique s'applique. La victime est indemnisée soit par l'assureur de celui dont la responsabilité sera établie, soit par l'Office national d'indemnisation (ONIAM), en l'absence de responsable et si les conditions de l'indemnisation au titre de la solidarité nationale sont réunies, notamment celles relatives à la gravité du dommage.
- Si l'infection nosocomiale est à l'origine d'une incapacité permanente partielle d'un taux supérieur à 25 %, c'est alors l'Office national d'indemnisation (ONIAM) qui indemnisera la victime, indépendamment de l'existence ou non d'une responsabilité civile.
6° Les voies d’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales
Il existe trois voies d’indemnisation des victimes d’infections nosocomiales :
a) La procédure devant les CRCI
Les personnes victimes d'une infection nosocomiale peuvent saisir la commission régionale de conciliation et d'indemnisation (CRCI) pour obtenir réparation de leur préjudice. Cette procédure est valable qu'il ait faute ou non du professionnel de santé. Les commissions régionales ou interrégionales de conciliation et d'indemnisation (CRCI), instituées par la loi du 4 mars 2002, sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges relatifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes et aux infections nosocomiales … entre usagers et professionnels de santé, établissements de santé …".
La CRCI peut être saisie par la victime, ses représentants légaux, si la victime est un mineur ou un majeur protégé, ses ayants droit, en cas de décès.
La commission doit être saisie au moyen du formulaire Cerfa n°12245*02 . La liste des pièces justificatives à joindre est exposée dans le document. L'ensemble du dossier doit être déposé ou envoyé par lettre recommandée avec accusé de réception au secrétariat de la commission régionale où exerce le praticien ou l'établissement en cause.
Le demandeur doit agir dan un délai de 10 ans à compter de la consolidation du dommage. La saisine de la commission suspend les délais de prescription et de recours devant les tribunaux jusqu'à l'issue de la procédure amiable.
La saisine de la CRCI n'exclut pas le recours à une procédure judiciaire ou à une indemnisation par d'autres organismes. Cependant, le demandeur doit informer la CRCI de toute procédure en cours pour les mêmes faits, au moment de la demande et ultérieurement.
La CRCI vérifie que le préjudice subi par la victime est supérieur au seuil de gravité.
A titre exceptionnel, le dépassement du seuil peut être reconnu lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer son activité professionnelle ou lorsque ses conditions d'existence s'en trouvent gravement troublées.
Lorsque le dossier est complet, la commission dispose d'un délai de 6mois pour rendre son avis. En cas de doute sur la recevabilité du dossier, le président nomme un expert. Les parties sont informées de sa décision. En cas d'irrecevabilité, le demandeur peut saisir la commission d'une demande de conciliation .
Si le dossier est jugé recevable, le président nomme un expert ou un collège d'experts. Les parties sont convoquées devant la CRCI et peuvent se faire assister ou représenter par une personne de leur choix. A l'issue de la séance, la commission émet un avis, adressé aux parties. Il est accompagné des pièces nécessaires à l'établissement d'une offre d'indemnisation.
Si la commission conclut à l'existence d'une responsabilité, il revient à l'assureur du professionnel de santé d'effectuer une proposition d'indemnisation, dans un délai de 4 mois suivant la réception de l'avis. Cette offre a un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas été informé de la consolidation de l'état de la victime. Une fois informé de la consolidation, l'assureur a 2 mois pour faire une proposition d'indemnisation définitive. Si l'assureur n'a pas effectué d'offre d'indemnisation dans les 4 mois, ou si le professionnel n'est pas assuré, la victime ou ses ayants droit peut s'adresser à l'ONIAM par lettre recommandée avec accusé de réception, qui se substitue à l'assureur pour établir une offre et indemniser le demandeur dans les mêmes délais.
L'assureur du professionnel dispose d'1 mois après réception de l'acceptation de son offre pour effectuer le paiement. En cas de dépassement de ce délai, il doit acquitter en plus des intérêts sur les montants à verser, correspondant à 2 fois le taux légal par journée de retard.
En cas de contestation de l'offre de l'assureur ou d'absence d'offre de la part de l'ONIAM, il est possible de saisir le tribunal compétent selon la nature du fait qui a généré le dommage.
b) La voie judiciaire
Si les critères de gravité fondant la compétence du nouveau dispositif ne sont pas atteints ou si l’accident est antérieur au 5 septembre 2001 ou encore tout simplement si la personne le souhaite, elle peut saisir le juge compétent, soit le Tribunal administratif si l’établissement de soins est un établissement public, soit le Tribunal de Grande Instance si l’établissement de soins est un établissement privé.
c) Le règlement amiable
Enfin il est toujours possible de faire du règlement amiable directement avec l’établissement et son assureur. Il faut pour cela saisir la direction de l’établissement d’une demande en ce sens.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
myriam MAZE-VILLESECHE
Avocate Associée
HAINAUTJURIS
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