
Réparations exigibles en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle
Publié le :
15/06/2012
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L'indemnisation des salariés victimes d'accidents de travail ou de maladies professionnelles imputables à la faute inexcusable de leur employeur est réglementée par les articles L. 451-1 et suivants du Code de la sécurité sociale.
Accident du travail ou maladie professionnelle dû à la faute inexcusable de l'employeurIl s’agit d’un régime d'indemnisation dérogatoire au droit commun, c'est-à-dire qu’aucune action en réparation des accidents et maladies professionnelles ne peut être exercée en droit commun par la victime ou ses ayants droit.
S'agissant de l'indemnisation, l'article L. 452-1 du Code de la sécurité sociale dispose que la victime ou ses ayants droit bénéficient d'une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles L. 452-2 et L. 452-3 de ce code :
- L'article L. 452-2 prévoit la majoration de la rente ou de l'indemnité en capital servie à la victime ou à ses ayants droit par la CPAM sur la base du taux d'IPP qui lui a été attribué, à son taux maximum.
- L'article L. 452-3 dispose qu'indépendamment de la majoration de la rente ou de l'indemnité en capital qu'elle reçoit en vertu de l'article L. 452-2, la victime a le droit de demander à l'employeur la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle.
C'est sur la constitutionnalité de ce régime que le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a été amené à se prononcer dans une décision du 18 juin 2010.
Le Conseil constitutionnel a retenu la conformité à la Constitution de ces dispositions à la condition qu'elles soient interprétées comme ne faisant pas obstacle à la possibilité pour les victimes et leurs ayants droit « de demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale » (Cons. const., 18 juin 2010, déc. n° 2010-8 QPC : JCP S 2010, 1361, ).
Il appartenait ainsi à la Cour de cassation de déterminer la portée de cette réserve d'interprétation.
Par quatre arrêts rendus le 4 avril 2012, la deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a précisé, sous le prisme de la réserve émise par le Conseil Constitutionnel, l'étendue de la réparation des préjudices due à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle en cas de faute inexcusable de l'employeur.
Il convient de résumer l'apport de ces quatre arrêts en rappelant les termes de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale qui dispose que le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle due à la faute inexcusable de l'employeur peut prétendre à l'indemnisation de certains préjudices de caractère personnel limitativement énumérés :
- Souffrances physiques et morales,
- Préjudices esthétique et d'agrément,
- Préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités professionnelles.
Il appartient à la caisse primaire d'assurance maladie de faire l'avance du montant des sommes allouées à ce titre et de les récupérer auprès de l'employeur.
Aux termes des arrêts susvisés, la Cour de Cassation a défini tout d’abord l'étendue de la réparation due à la victime :
- La victime peut prétendre à la réparation de chefs de préjudice qui ne sont pas couverts, en tout ou partie, en application du livre IV du Code de la sécurité sociale : il en va ainsi du déficit fonctionnel temporaire, qui n'est pas couvert par les indemnités journalières qui se rapportent exclusivement à la perte de salaire (2e arrêt).
- La victime ne peut pas prétendre, en revanche, à la réparation des chefs de préjudice dont la réparation est assurée, en tout ou partie, par les prestations servies au titre du livre IV du Code de la sécurité sociale : il en va ainsi des frais médicaux et assimilés, normalement pris en charge au titre des prestations légales (4e arrêt) ou du déficit fonctionnel permanent, dont la réparation est assurée par la rente et la majoration dont elle est assortie en cas de faute inexcusable (2e et 3e arrêts) ;
- Modifiant sa jurisprudence antérieure qui intégrait le préjudice sexuel dans le préjudice d'agrément au sens de l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, la deuxième chambre civile retient désormais que le préjudice sexuel constitue, comme en droit commun, un chef de préjudice distinct qui peut ainsi donner lieu à réparation à part (2e arrêt).
D’autre part, la deuxième chambre civile a énoncé qu'il incombait à la caisse primaire d'assurance maladie de faire l'avance à la victime de l'ensemble des réparations qui lui sont allouées, sans distinction selon qu'elles correspondent à des chefs de préjudice énumérés à l'article L. 452-3 du Code de la sécurité sociale, ou se rapportent à d'autres chefs de préjudice, tels le préjudice sexuel ou le déficit fonctionnel temporaire (1e et 2e arrêts).
Il convient enfin de rappeler que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a estimé dans un arrêt rendu le 13 octobre 2011 qu'« il résulte de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale tel qu'interprété à la lumière de la décision n° 2010-8 QPC du 18 juin 2010 du Conseil constitutionnel que, lorsque l'accident ou la maladie est dû à la faute inexcusable de l'employeur, la victime ou, en cas de décès, ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues ; la majoration du capital ou de la rente allouée en fonction de la réduction de capacité de la victime ne peut excéder le montant de l'indemnité allouée en capital ou le montant du salaire ; au regard des objectifs d'intérêt général du dispositif de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles, le plafonnement de cette indemnité destinée à compenser la perte de salaire résultant de l'incapacité n'institue pas une restriction disproportionnée aux droits des victimes d'accident du travail ou de maladie professionnelle ».
Cette jurisprudence confirme l'analyse stricte, et au demeurant conforme à la lettre de la décision du Conseil constitutionnel du 18 juin 2010, de la notion de « préjudices non couverts par le livre IV du Code de la sécurité sociale », qui ne vise que les préjudices dont l'indemnisation n'est pas envisagée de quelque manière et sous quelque forme que ce soit par ledit livre, ce qui devrait permettre un apaisement des débats engagés sur un prétendu principe de réparation intégrale en droit commun.
Cet article n'engage que son auteur.
Crédit photo : © Chlorophylle - Fotolia.com
Auteur
ANTOINE Alain
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