Notaire et banquier: non respect des modalités de versement de fonds à un emprunteur immobilier

Publié le : 15/02/2011 15 février févr. 02 2011

Notaire et banquier: partage de responsabilité en cas de non respect des modalités de versement de fonds à un emprunteur immobilier.Responsabilité en cas de non respect des modalités de versement de fonds à un emprunteur


Notaire et banquier: partage de responsabilité en cas de non respect des modalités de versement de fonds à un emprunteur immobilier.

Un arrêt de la Cour de cassation a rappelé, dans le contexte des ventes en l’état futur d’achèvement, l’importance qui s’attache au respect des stipulations contractuelles relatives aux versements échelonnés du prix de vente.

En l’espèce, la banque, ayant consenti à des emprunteurs, pour l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement, un prêt qu'elle avait chargé Me X., notaire instrumentaire, de garantir par une inscription hypothécaire de premier rang, et qui avait remis les fonds au promoteur et non, comme stipulé dans l'acte, sur le compte de l'office notarial, a recherché la responsabilité de cet officier ministériel après la révélation, lors de la procédure de saisie immobilière diligentée contre les emprunteurs défaillants, de deux inscriptions hypothécaires primant la sienne.

Pour condamner Me X., son assureur, les Mutuelles du Mans et la caisse régionale de garantie des notaires à payer à la banque une somme d’environ 45 000 €, correspondant à l'intégralité du solde du prêt, la cour d’appel de Montpellier avait retenu que, si la banque avait elle-même commis une faute en ne remettant pas, contrairement à ce que prévoyait l'acte notarié de vente et de prêt, les fonds entre les mains du notaire au fur et à mesure de l'avancement des travaux sur attestation de l'architecte, cette faute n'exonérait pas le notaire pour qui elle n'était ni imprévisible, ni irrésistible, dès lors qu'il aurait dû contrôler la réception des fonds sur le compte de l'étude, ce qui eût évité la faute adverse.

La Cour de cassation considère cette analyse excessive à l’égard du notaire, compte tenu du comportement de la banque.

Elle casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1382 du Code civil, en constatant la faute de la banque qui avait concouru, comme celle du notaire, laquelle ne revêtait pas un caractère dolosif, à la réalisation du dommage, ce qui emportait un partage de responsabilité.


Source : Cass. 1re civ., 1er juill. 2010 (cassation), n° 09-13896 ci après reproduit

Cour de cassation
chambre civile 1
Audience publique du jeudi 1 juillet 2010
N° de pourvoi: 09-13896
Publié au bulletin Cassation
M. Charruault (président), président
SCP Boré et Salve de Bruneton, SCP Yves et Blaise Capron, avocat(s)

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique commun au pourvoi principal et au pourvoi incident :
Vu l'article 1382 du code civil ;
Attendu qu'ayant consenti à des emprunteurs, pour l'acquisition d'un bien immobilier en l'état futur d'achèvement, un prêt qu'elle avait chargé M. X..., notaire instrumentaire, de garantir par une inscription hypothécaire de premier rang, la Caisse régionale de Crédit agricole mutuel, actuellement CRCAM Sud Méditerranée, qui avait remis les fonds au promoteur et non, comme stipulé dans l'acte, sur le compte de l'étude notariale, a recherché la responsabilité de cet officier ministériel après la révélation, lors de la procédure de saisie immobilière diligentée contre les emprunteurs défaillants, de deux inscriptions hypothécaires primant la sienne ;

Attendu que, pour condamner M. X..., son assureur, les Mutuelles du Mans et la Caisse régionale de garantie des notaires à payer à la CRCAM Sud Méditerranée la somme de 45 405,48 euros, correspondant à l'intégralité du solde du prêt, l'arrêt retient que, si la banque avait elle-même commis une faute en ne remettant pas, contrairement à ce que prévoyait l'acte notarié de vente et de prêt, les fonds entre les mains du notaire au fur et à mesure de l'avancement des travaux sur attestation de l'architecte, cette faute n'exonérait pas le notaire pour qui elle n'était ni imprévisible ni irrésistible, dès lors qu'il aurait dû contrôler la réception des fonds sur le compte de l'étude, ce qui eût évité la faute adverse ;

Attendu qu'en statuant ainsi, après avoir constaté la faute de la banque qui avait concouru, comme celle du notaire, laquelle ne revêtait pas un caractère dolosif, à la réalisation du dommage, ce qui emportait un partage de responsabilité, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, violant ainsi le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 24 février 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier, autrement composée ;
Condamne la Caisse régionale du crédit agricole mutuel Sud Méditerranée aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juillet deux mille dix.


Sophie DEBAISIEUX-LATOUR



Cet article n'engage que son auteur.

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