Les agents de la vente publique de meubles
Publié le :
09/05/2012
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Jusqu’à récemment la vente publique était le quasi-monopole – du moins en matière civile – des commissaires-priseurs. Mais seulement là où existait une charge et dans le seul ressort Tribunal de Grande instance où ils étaient établis.
Vente volontaire publique de meubles et vente judiciaire publique de meubles« En fait de meubles possession vaut titre » : cet adage légalisé peut ici se retourner : en fait de vente publique de meubles qui a titre (pour la réaliser)?
La réponse a varié dans le temps et reste encore imprécise dans quelques cas, malgré (ou à cause de) la Cour de cassation.
Une distinction peut être faite à ce sujet entre les ventes volontaires – libéralisées assez récemment – et les ventes publiques dont le cadre est resté rigide.
Une autre distinction pourrait être faite suivant la summa divisio entre les meubles corporels et les meubles incorporels.
Nous choisirons la première car en fait la vente volontaire de meubles incorporels ne pose pas de difficultés alors que leur vente judiciaire peut en poser.
I- La vente volontaire publique de meubles :Jusqu’à récemment la vente publique était le quasi-monopole – du moins en matière civile – des commissaires-priseurs (loi du 28 avril 1816 art. 3, décret du 27 février 1992).
Mais seulement là où existait une charge et dans le seul ressort Tribunal de Grande instance où ils étaient établis ; sinon, la compétence en appartenait aux huissiers de justice (décret du 29 février 1956, art. 19), aux greffiers des tribunaux de commerce (loi 7 septembre 1793 art. 1er) et, dans les cas prévus par la loi aux courtiers (art. 77 du code de commerce), tous alors officiers publics.
En matière commerciale en effet les courtiers : courtiers maritimes, courtiers de marchandises avaient compétence mais ils étaient sujets à peu de réglementation (article 77 de l’ancien code de commerce qui les cite (devenu L 131-1 du code actuel).
Mais la libre circulation des personnes et des marchandises prônée par le Traité de Rome a conduit à faire sauter certains verrous protectionnistes, en en attendant d'autres (pourquoi seulement les ventes volontaires de meubles et non d'immeubles?).
La révolution fut la libéralisation par la création par la loi du 10 juillet 2000 (2000-642) des sociétés de ventes volontaires ouvrant le marché aux ténors étrangers du marteau.
La révolution a fait un mort : le commissaire-priseur, puisque ne subsistent plus que le commissaire-priseur judicaire (seul officier ministériel) aux prérogatives limitées d’une part, et les sociétés de vente volontaires (devenus opérateurs de ventes volontaires par la loi du 20 juillet 2011 précitée) d’autre part aux ambitions démesurées. A noter toutefois que les premiers peuvent aussi exercer le métier des secondes et même que souvent ils dirigent ces sociétés qui doivent comprendre au moins une personne ayant la qualification requise pour diriger une vente.
Les commissaires-priseurs que l'on croyait cantonnés aux ventes judiciaires par leur statut ont bien réagi et ont créé aussi des sociétés de ventes volontaires aux côtés de leurs offices.
Ce monopole n’était pas tant issu du statut des commissaires-priseurs issu de l’ordonnance du 2 novembre 1945 (45-2593) qu’a contrario de celui des huissiers de justice (art. 1er, ordonnance 2 novembre 1945 n° 45-2592) : « Les huissiers peuvent, en outre,…, dans les lieux où il n’est pas établi de commissaire-priseur, procéder aux prisées et ventes publiques judicaires ou volontaires de meubles et effets mobiliers corporels.
La Cour de cassation a ouvert une brèche en application de la législation du 10 juillet 200 en limitant ce monopole aux ventes judiciaires par un arrêt du 29 novembre 2005, 1ère Chambre, Bulletin civil I, n° 450). L’huissier dans le strict cadre de sa compétence territoriale peut donc procéder à des ventes volontaires même dans les lieux où un commissaire- priseur est établi.
Reste à savoir, comme un auteur le soulève, quelle est la juste distinction entre les ventes volontaires et les ventes judicaires (Laurence Mauger-Vielpeau, Recueil Dalloz 2006 p. 1658).
En effet le monopole de l’ordonnance du 26 juin 1816 art. 3 al. a été modifié par la loi du 10 juillet 2000 en ce sens que le mot commissaire-priseur y a été remplacé par celui de « commissaire-priseur judicaire ».
Troisième personnage de ce trio dissonant : le notaire ; son statut (art. 1er al. 2 de l’ordonnance du 2 novembre 1945, 45-2590) le cantonne à « la réception des actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses ou expéditions. ». A priori point de vente de meubles – corporels tout au moins – dans tout cela.
Mais la loi du 10 juillet 2000 comporte un article 2 alinéa 2, devenu L 321-2 al. 2 du code de commerce, qui précise que les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques « peuvent également être organisées et réalisées à titre accessoire par les notaires et les huissiers de justice. »
Pour les notaires on trouve au Dalloz Répertoire de procédure civile édition 2012 qu’ils pourraient opérer en vertu de l’article 871 du CGI mais cette interprétation est extensive car ce texte modifié par la loi du 20 juillet 2011 (2011-850) se rapporte aux statuts des différents officiers publics :
« Les meubles, effets, marchandises, bois, fruits, récoltes et tous autres objets mobiliers ne peuvent être vendus publiquement et par enchères, qu'en présence et par le ministère d'officiers publics ayant qualité pour y procéder, ou par des courtiers de marchandises assermentés ou des opérateurs de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques déclarés. »
De même cite-on (Laurence Llahi, avocat spécialiste en voies d’exécution, in Jurisclasseur Procédures Formulaire « Exécution forcée fasc. 10 exécution forcée) le troisième alinéa de l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 fixant le statut des commissaires-priseurs au motif que l’alinéa 3 dudit article prévoit que les autres officiers publics ou ministériels autorisés par leur statut à procéder aux ventes volontaires (ou judicaires) aux enchères publiques de meubles corporels peuvent également les pratiquer en dehors des communes où est établi un commissaire-priseur. Cela n’autorise pas nommément les notaires dont le statut est la réception des actes comme on l’a vu ci-dessus.
Or le statut des notaires ne prévoit pas cette qualité ni dans la loi du 25 ventôse an XI (16 mars 1803) dite « loi organique du notariat dont l’article 1 a été recopié par l’ordonnance de 1945.
Et, s’agissant d’un titulaire d’un office public, la délégation de l’autorité publique dont il peut se revendiquer (la loi de ventôse parle même de fonctionnaires rédacteurs d’actes et conseils des parties – sans statut de titulaire de charge), la délégation est de droit strict et ne peut s’exercer en dehors de ce qui prévu par un texte législatif.
Exit sinon en droit mais en pratique les greffiers des tribunaux de commerce mais pas les courtiers pour lesquels les articles du nouveau code de commerce ont été largement multipliés dans le sens d’une réglementation précise par la loi du 20 juillet 2011 (2011-850).
Il résulte des articles L 131-11 et s. qu’ils ne sont plus des officiers publics mais soumis seulement à un agrément et ont désormais une organisation calquée sur celui des sociétés de ventes volontaires (Conseil National, déontologie, assurance, cautionnement etc.) ; leurs fonctions sont régies par le code de commerce articles L 131-23 et suivants : la loi du 20 juillet 2011 leur accorde le droit de réaliser les ventes aux enchères de marchandises en gros (art. L 322-8 du code de commerce) ou ordonnées par la justice consulaire (L 322-14 du code de commerce), de marchandises déposées dans un magasin général (réalisation de warrants -art. L 522-31 du code de commerce) ou autres ventes sur réalisation de gages (art. L 521-3 du code de commerce).
Mais en bons franco-français nous nous focalisons sur une forme hexagonale de notre règlementation.
Or le principe de libre circulation ci-dessus rappelé a conduit (ou obligé ?) le législateur à introduire un article 24 dans le décret du 19 juillet 2001 pris en application de la loi du 10 juillet 2000 (décret 2001-652) aux termes duquel tout ressortissant de l’Union Européenne exerçant à titre permanent l’activité de vente volontaire dans un Etat membre peut, à titre occasionnel, la pratiquer en France.
Or, la mondialisation de fait due au réseau Internet a rendu bien plus incontournable les sites de ventes aux enchères publiques internationales et nationales de ventes d'objets d'occasion de toutes valeurs, ouvrant une baie (ou un « eBay ») dans l'ancien monopole. L'on objectera que seules les sociétés de ventes volontaires réalisent des ventes de prestige et d'objets d'art mais elles prennent les ordres par téléphone, par mail, par vidéoconférence, par le web. Les notaires l'ont bien compris avec leur (encore modestes) ventes interactives sorte de ventes publiques déguisées.
Et la multiplication de sites entre particuliers qui cherchent la bonne affaire dans le bon coin vient encore concurrencer les acteurs professionnels du marché.
Pour les meubles incorporels la situation dépend surtout de leur nature : la vente volontaire publique c'est la Bourse pour les valeurs cotées, et là sévissent les sociétés de bourse et les établissements financiers; de même pour le second marché; pas de vente publique volontaire pour les valeurs mobilières non cotées, parts de sociétés ou de groupements en Bourse mais par des prestataires en services d’investissement ou par des … notaires (voir ci-après ès pour le ventes judicaires).
II- La vente judiciaire publique des meublesC’est l’aboutissement d’une procédure d’exécution consistant en une vente forcée de meubles dont le prix sera destiné à régler les créanciers du propriétaire des meubles.
Depuis la loi du 9 juillet 1991 et le décret du 31 juillet 1992 cette vente forcée peut être de gré à gré, puisque le débiteur a un mois à compter du jour de la saisie pour vendre les biens saisis à l’amiable (art.52 de la loi et 107 et s. du décret).
L’agent chargé de la vente par la réforme des voies d’exécution mobilières est : « l’officier ministériel autorisé par son statut à procéder à des ventes aux enchères publiques de meubles corporels » ce qui ne nous avance guère (art. 114 alinéa 1er décret 31 juillet 1992),
Avec la même réserve concernant les courtiers assermentés dans les cas prévus par la loi (voir ci-dessus pour les ventes publiques volontaires art. L 131-23 et suivants du code de commerce).
Jusque-là la vente publique était le quasi-monopole – du moins en matière civile – des commissaires-priseurs (loi du 28 avril 1816, décret du 27 février 1992, loi du 10 juillet 200 supra). Mais seulement là où existait une charge ; sinon, la compétence en appartenait aux huissiers de justice (décret du 29 février 1956, art. 19), aux notaires (CGI, art. 871), aux greffiers des tribunaux de commerce (loi 7 septembre 1793 art. 1er) et, dans les cas prévus par la loi aux courtiers assermentés (décret du 31 juillet 1992, art. 114 al. 1er).
Les commissaires-priseurs désormais appelés judiciaires peuvent exclusivement y procéder dans leur ressort si l’on en croit leur statut inchangé de 1945 et l’interprétation de la Cour de Cassation dans l’arrêt précité du 29 novembre 2005.
Lorsqu'il n'existe pas de commissaire-priseur judiciaire les huissiers de justice sont habilités à procéder à ces ventes comme le prévoit leur statut. Mais eux aussi ont une limite territoriale limitée au ressort du Tribunal de Grande Instance depuis le 1er janvier 2009.
Restent que les notaires revendiquent aussi cette fonction; or, si les ventes aux enchères publiques amiables ou non d'immeubles leur sont possibles (mais non réservées, soulignons-le nous avocats), celles des meubles leur échappent en principe. Comme nous l’avons écrit pour les ventes volontaires le texte de l’article 871 du CGI des impôts n’est pas concluant puisqu’il se réfère seulement au statut de chaque profession.
Ne l’est pas non plus l’alinéa 3 de l’article 3 de l’ordonnance du 26 juin 1816 précitée créant les commissaires-priseurs:
« Les autres officiers publics ou ministériels habilités par leur statut à effectuer des prisées et des ventes judiciaires ou volontaires de meubles corporels aux enchères publiques peuvent y procéder dans leur ressort d'instrumentation, à l'exception des communes où est établi un office de commissaire-priseur judiciaire. »
Le trouble est cependant jeté par l’article L 322-2 alinéa 2 du code de commerce (vente des biens meubles de la personne en liquidation judiciaire) : « le mobilier du débiteur ne peut être vendu aux enchères que par le ministère des commissaires-priseurs judiciaires, notaires ou huissiers de justice, conformément aux lois et règlements qui déterminent les attributions de ces différents officiers. »
Ce que nous avons rappelé ci-dessus pour les ventes volontaires quant au statut des notaires issu de la loi fondatrice de ventôse ou de celle, identique sur le sujet, de 1945 pour les ventes volontaires s’applique aux ventes judiciaires.
Il faut toutefois nuancer : nous évoquons là les ventes de meubles corporels meublants.
Pour autant la vente judiciaire publique de meubles incorporels sème le doute.
Pour les valeurs mobilières ou titres cotés en bourse ou au second marché pas de difficulté : les dispositions de l’article 187 du décret du 31 juillet 1992 prescrivent que la vente doit se faire par des intermédiaires habilités.
Quels sont-ils ? Ce sont aux termes de l’article L 221-11 du Code Monétaire et Financier les prestataires de services d’investissement membres du marché règlementé où ces titres sont négociés ; restant à rechercher quels sont les opérateurs autorisés pour chaque marché (sociétés de bourse, sociétés financières, sociétés de banques).
Pour les valeurs non cotées et parts d’associés le texte de l’article 189 du décret du 31 juillet 1992 est muet : il se contente de dire que la vente est faire par adjudication sans dire qui a titre pour la réaliser.
L’avant-projet de décret dont j’ai eu connaissance à l’époque (avec notre Eminentissime et Excellentissime François Bedel de Buzareingues et quelques autres) prévoyait que la vente se faisait par adjudication notariée mais la précision a disparu entre temps.
D’où la concurrence pratique entre les notaires et les huissiers de justice (très présents sur le terrain de l’exécution dont ils sont agents).
Cependant l’article L 221-1 du Code Monétaire et Financier précité dispose que pour ces meubles incorporels les adjudications publiques volontaires ou forcées se feront par un prestataire d’investissement financier ou par un notaire.
En fait les huissiers de justice pratiquent la vente de parts de sociétés sans que quiconque les en empêche. Dans la région marseillaise ils sont même bien aussi actifs que les notaires sur ce créneau.
De fait ces ventes sont rares compte tenu des conditions de la réalisation et du contenu exigé du cahier des charges (valeur de la société) qui entrainent une lourde responsabilité civile professionnelle.
Jusqu'au jour ou après le principe de libre circulation le législateur appliquera celui de la non-discrimination et permettra à toute profession tant soit peu réglementée de procéder à ces ventes, voire à des quidams étrangers à titre occasionnel comme pour les ventes volontaires.
Restent les troisièmes non encore cités dans ce modeste propos : les avocats; or, dans quelques barreaux ils réalisent les ventes judiciaires publiques de parts de société – surtout à prépondérance immobilière, tant il est vrai qu'ils sont spécialistes des ventes aux enchères d'immeubles devant le Tribunal – Ces ventes sont effectuées devant le tribunal justement avec ou sans huissier, ou au tribunal devant huissier.
Pour les fonds de commerce la voie d'exécution non incluse dans la réforme de 1991 est désuète et lourde : il faut la faire ordonner par le Tribunal qui nommera un administrateur judiciaire pour le gérer en attendant la vente et nommera soit un commissaire-priseur soit un notaire pour procéder à celle-ci (art. L 143-5 et S. du code de commerce).
Comme on le voit on n’y voit pas très bien dans le brouillard des textes à part quelques exceptions issues de loi récentes qui ont cantonné les commissaires-priseurs dans leurs communes, les huissiers dans le ressort du tribunal de grande instance et les courtiers dans les frontières de l’hexagone.
ET cela même si on pourrait tirer de l’Article L322-1 du code de commerce un principe puisqu’il énonce que « les ventes publiques et au détail de marchandises qui ont lieu après décès ou par autorité de justice sont faites selon les formes prescrites et par les officiers ministériels préposés pour la vente forcée du mobilier conformément aux articles 53 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 relative à la réforme des procédures civiles d'exécution et 945 du code de procédure civile » encore que le code procédure civile ici cité est l’ancien qui est abrogé et que l’article 53 de la loi n’envisage que « l’agent habilité par la loi à vendre aux enchères » sans autres précisions !
Grand besoin est d’une clarification, d’une simplification du droit que ce soit en matière de ventes volontaires ou judiciaires ; les justiciables, les créanciers et les professionnels eux-mêmes y trouveraient beaucoup d’avantages pour certains et y retrouveraient beaucoup de sérénité pour d’autres.
Quant aux chefs d’orchestre des mesures d’exécution que sont les avocats qui ne sont ni officiers publics ou ministériels ni titulaires de charges, donc non redevables de l’autorité publique et indépendants, ils souhaiteraient être associés à toute réforme allant dans le sens de la clarté, de l’efficacité et de la rapidité sans oublier jamais le respect du contradictoire et les droits de la propriété et de la défense. Les procédures d’exécution en sont un exemple mais insuffisant car partiel.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
PROVANSAL Alain
Avocat Honoraire
Eklar Avocats
MARSEILLE (13)
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Domaine privé et compétence juridictionnelle, le raffinement du Tribunal des conflits
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Loi Warsmann: les modifications en droit du travail
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CE et bons d'achats de rentrée scolaire : extension aux enfants scolarisés jusqu'à 26 ans
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Le changement de régime matrimonial au cours du mariage
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La commune peut-elle modifier la dénomination d'un lieu-dit ?
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