L’aliénation des chemins ruraux

L’aliénation des chemins ruraux

Publié le : 02/05/2016 02 mai mai 05 2016

Le domaine privé des collectivités est souvent très vaste et, s’il n’existe aucune obligation d’entretien à la charge des Communes en ce qui concerne ses chemins ruraux, il n’en demeure pas moins qu’ils imposent une gestion particulière liés aux pouvoirs de police du Maire.Ainsi, les Collectivités sont parfois tentées de céder leurs chemins ruraux.


► La prescription acquisitive :

A titre liminaire, il sera rappelé que la propriété des chemins ruraux peut être acquise par prescription trentenaire.

La prescription acquisitive des biens appartenant au domaine privé des collectivités, comme c’est le cas des chemins ruraux, a fait l’objet d’une proposition de loi mais le Gouvernement a estimé qu’attribuer à l’ensemble des biens du domaine privé le caractère d’imprescriptibilité remettrait en cause la frontière entre le régime de la domanialité publique et celui de la domanialité privée et ne limiter cette imprescriptibilité qu’aux seuls chemins ruraux, créerait une confusion en accordant à un élément du domaine privé une caractéristique propre au domaine public.

Dès lors, les chemins ruraux restent susceptibles de prescription au bout de trente ans.

L’article 2261 du Code civil dispose : « Pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire ».

La prescription acquisitive n’est pas acquise en cas d’absence de manifestation de possession par le propriétaire (abandon) mais par une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque, et à titre de propriétaire, de celui qui se prévaut de l’acquisition par prescription.



► La vente :


L’article L161-10 du Code rural dispose :

« Lorsqu'un chemin rural cesse d'être affecté à l'usage du public, la vente peut être décidée après enquête par le conseil municipal, à moins que les intéressés groupés en association syndicale conformément à l'article L. 161-11 n'aient demandé à se charger de l'entretien dans les deux mois qui suivent l'ouverture de l'enquête.

Lorsque l'aliénation est ordonnée, les propriétaires riverains sont mis en demeure d'acquérir les terrains attenant à leurs propriétés.

Si, dans le délai d'un mois à dater de l'avertissement, les propriétaires riverains n'ont pas déposé leur soumission ou si leurs offres sont insuffisantes, il est procédé à l'aliénation des terrains selon les règles suivies pour la vente des propriétés communales ».

L'enquête préalable à l'aliénation d'un chemin rural est réalisée conformément au Code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

Ainsi, les chemins ruraux peuvent être cédés, notamment aux propriétaires riverains, dans le respect des règles de procédure posés par l’article L161-10 du code rural, à condition qu’ils cessent d’être affectés à l’usage du public.

L'article L161-10 impose une désaffectation préalable du chemin.

Cette cessation de l'affectation à l'usage du public découle de son abandon ou non-usage (CE, 4 mars 1996, n° 146129), mais semble pouvoir résulter d'une délibération du Conseil Municipal (CE, 24 février 1992, n° 78141). Sur le principe, néanmoins, la désaffectation résulte bien d’éléments de fait, constatés par délibération du Conseil Municipal.

Une enquête publique doit être organisée conformément aux dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique en application de l'article L. 161-10-1 du Code rural (attention néanmoins car l’Ordonnance n°2015-1341 du 23 octobre 2015 prévoit que l’enquête sera réalisée conformément au Code des relations entre le public et l'administration entrant en vigueur au 1er janvier 2016).

Les « intéressés groupés en association syndicale » peuvent s'opposer à la vente d'un chemin rural dans les deux mois suivant l'ouverture de l'enquête publique, s'ils s'engagent à en assurer l'entretien.

En l'absence d'opposition, la vente est ordonnée par le conseil municipal.

Les riverains du chemin bénéficient d'un droit de priorité sur les terrains attenant à leurs propriétés. Les communes doivent être vigilantes à la notification de la mise en demeure d’acquérir adressée aux riverains, qui devra intervenir par lettre recommandée pour garder une trace de l’envoi.

A défaut de soumission ou en cas d'offres insuffisantes dans le délai d'un mois, la vente pourra se poursuivre selon les règles habituelles de vente des propriétés communales.



► Quid de l’échange ?



Les collectivités sont parfois tentées d’utiliser l’échange comme mode d’aliénation des chemins ruraux.

Or, en application de l'article L161-10 du Code rural et de la pêche maritime, le Conseil d'État prohibe l'échange des chemins ruraux.

Conformément à une jurisprudence constante, la haute juridiction considère qu'« il résulte de ces dispositions que le législateur n'a pas entendu ouvrir aux communes, pour l'aliénation des chemins ruraux, d'autres procédures que celle de la vente dans les conditions ci-dessus précisées » (CE, 20 février 1981, Cristakis de Germain, n° 13526 ; CE, 17 novembre 2010, n° 338338).

Cette position stricte s’applique également lorsqu’il s’agit de rectifier l'assiette d'un chemin (CE, 6 juillet 1983, n° 23125).



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Guiseppe Porzani - Fotolia.com

Auteur

FAGUER Marie

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