La fin des contrats de distribution internationaux

Publié le : 20/05/2016 20 mai mai 05 2016

Le contrat de distribution peut prendre plusieurs formes, à l'instar d'un contrat de concession, de franchise, de distribution sélective ou exclusive. Les termes employés peuvent couvrir une réalité différente selon les pays.Le sujet traité ici concerne le distributeur indépendant qui a acheté les produits au fournisseur et les revend à ses clients.



La loi choisie par les parties permettra de fixer le cadre juridique du contrat

En principe, les parties sont libres de choisir la loi applicable au contrat de distribution sur le territoire de l'Union Européenne (UE), en vertu des dispositions de l'article 3.1 du règlement européen « Rome I » du 17 juin 2008.

À défaut de choix, l'article 4.1 f) du règlement précité prévoit que la loi applicable est celle du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle – sauf exceptions.

Hors de l'UE, le choix de la loi est également libre, sous réserve des dispositions d’ordre public spécifiques à chaque pays.

Le choix de la loi applicable est un choix stratégique. Il convient de vérifier les dispositions de la loi choisie pour le contrat.



Le choix de la loi française

La loi française ne sanctionne pas la rupture du contrat en elle-même mais seulement le caractère abusif ou brutal de celle-ci. Elle distingue deux régimes de rupture en fonction de la durée du contrat.

Si le contrat a été conclu pour une durée déterminée, et en l'absence de clause de prorogation ou de tacite reconduction, il suffit d'attendre l'échéance du terme prévu dans le contrat. En revanche, à moins de démontrer une faute du cocontractant ou un évènement de force majeure, il ne sera pas possible de rompre le contrat avant cette date.


Par ailleurs, si le contrat a été conclu pour une durée indéterminée, ou s'il a été prorogé ou reconduit pour une durée indéterminée, l'article L. 442-6 I 5° du Code de commerce français impose un préavis écrit, prévoyant un délai raisonnable, que le juge fixera, en cas de contestation, en fonction de plusieurs critères économiques comme la durée des relations économiques, la nature des produits et services, leur notoriété, les investissements réalisés, l'importance de cette relation vis-à-vis du chiffre d'affaires, la difficulté de trouver un nouveau cocontractant, etc. Ce délai peut varier de trois mois à deux ans en fonction du cas d'espèce. À défaut du respect d'un délai raisonnable, la rupture sera considérée comme brutale ou abusive et entraînera des sanctions. Une exemption de préavis est toutefois possible en cas de faute du cocontractant ou de force majeure.

Il est important de noter que la réforme française du droit des contrats, qui entrera en vigueur le 1er octobre 2016, intègre ce régime spécifique de la rupture dans le droit commun.


La sanction en cas de rupture brutale ou abusive est l'octroi de dommages-intérêts limités à la perte réelle économique et tenant compte des difficultés pour la « victime » à se réorganiser. Il peut également y avoir obligation pour le repreneur du contrat (le fournisseur ou un nouveau distributeur) de poursuivre les contrats de travail des salariés de la « victime » (article L. 1224-1 du Code du travail français).

Enfin, il est possible, dans certains cas exceptionnels, de demander au juge de prolonger le délai de préavis.

Le choix d'une autre loi

La loi anglaise – En droit de « Common Law », au Royaume-Uni, le contrat repose sur la confiance mutuelle des parties pendant la durée du contrat. Par ailleurs, il s'agit d'un droit d'interprétation stricte, qui impose une rédaction précise du contrat. Les parties doivent donc prévoir dans le contrat les formalités de rupture avec beaucoup de soin. En cas de rupture d’un contrat à durée déterminée, le préjudice consistera dans la perte de bénéfice jusqu’à l’échéance normale du contrat. En matière de contrat à durée indéterminée, il est d'usage, lorsqu'on envisage une rupture en raison d'une faute du cocontractant, de lui adresser un premier préavis dans un délai raisonnable afin de lui permettre d'y remédier (30 jours). À défaut de remède, un second préavis doit être envoyé et le délai raisonnable est calculé selon des critères similaires au droit français mais en pratique n'excèdera pas trois mois, voire six. Les sanctions sont en revanche plus diversifiées, car le juge anglais peut, non seulement octroyer des dommages-intérêts, mais également forcer les parties à poursuivre le contrat ou interdire à l'auteur de la rupture de trouver un nouveau cocontractant. Toutefois, en pratique, de telles sanctions sont difficiles à appliquer. Pour le calcul des dommages-intérêts, la partie « victime » de la rupture a l'obligation de réduire au maximum son dommage. En outre, des dommages-intérêts punitifs peuvent être prononcés.



La loi australienne – Egalement soumis à la « Common law », le contrat peut prendre fin en cas de non-respect des termes du contrat, de faute contractuelle, de cause légale, de caducité ou de consentement mutuel. La partie qui rompt le contrat doit le faire en en respectant les termes. En présence d'une clause nulle ou illégale, les parties doivent négocier afin de tenter d'y substituer une clause valable avant de pouvoir rompre le contrat. La rupture unilatérale ne peut être demandée qu'en cas de violation d'une obligation substantielle du contrat – et non simplement accessoire. Il n’existe pas de durée légale du préavis ; elle doit être prévue dans le contrat. En matière de franchise, il faudra envoyer un premier préavis permettant également de remédier à un désaccord (30 jours) puis un second dans un délai raisonnable. En outre, la clause autorisant une partie à rompre le contrat sans raison ni justification et la clause permettant à une partie d'informer des tiers sur la rupture en raison d'une faute de l'autre partie sont nulles. La partie fautive doit bénéficier d'une période de « work-out » après la rupture du contrat pour réparer ses manquements. S'agissant des sanctions, des dommages-intérêts peuvent être octroyés avec obligation pour la « victime » de réduire son dommage. En revanche les dommages-intérêts punitifs ne sont pas admis. Une prolongation du préavis peut être ordonnée par le juge dans certains cas.



La loi allemande prévoit un délai raisonnable de préavis pouvant aller jusqu'à deux ans maximum. En cas de rupture du contrat, qui n’a pas à être motivée, le distributeur peut demander une indemnisation à condition d'être intégré au système de distribution du fournisseur avec des critères assimilables à ceux d'un agent commercial, à l'instar des obligations de transfert de la clientèle, de stockage des marchandises, de détention des produits à fin de démonstration, de production d’un rapport périodique, de publicité.



La loi belge dispose d'une législation spéciale encadrant la rupture unilatérale des concessions exclusives de vente conclues pour une durée indéterminée (article X 36 du Code Economique). Un délai raisonnable de préavis permettant au distributeur de retrouver un niveau de revenus similaire doit être prévu ; sa durée peut varier de 1 à 42 mois. Cette disposition législative accorde en outre une très bonne protection en cas de rupture abusive ou brutale du contrat : l'indemnité versée au distributeur « victime » est basée sur le profit net avant impôt pendant la durée du préavis.



La loi italienne – Un délai raisonnable de préavis est imposé avec l'octroi de dommages-intérêts en cas de rupture brutale ou abusive. Mais il est possible de demander au juge en urgence de maintenir le contrat malgré la notification d'une rupture ou d'interdire au cocontractant de rompre le contrat. Il est également possible, en amont de la rupture, de lui demander de restreindre, par une injonction, les actions d'une partie qui voudrait résilier le contrat afin qu'elle ne nuise pas à son cocontractant.



La loi finlandaise – Il n'existe pas de règles propres aux contrats de distribution. Les parties peuvent néanmoins prévoir dans leur contrat une clause pénale distincte de celle relative à la rupture du contrat. Les contrats à durée déterminée ne peuvent pas être rompus avant l'échéance de leur terme sauf accord des parties. Pour les autres contrats, il faudra un préavis envoyé dans un délai raisonnable. En cas de rupture fautive, des dommages-intérêts calculés en fonction des pertes réelles économiques seront octroyés. Les règles générales du droit des contrats finlandais sont applicables en cas de rupture abusive.



La loi polonaise – Ce droit connaît les principes de coexistence sociale en vertu desquels une action en justice sera considérée comme abusive et sera rejetée si elle a pour objet ou pour effet de constituer un acte de malveillance à l'égard d'un cocontractant. Le contrat à durée déterminée ne peut pas, en principe, être rompu. La rupture d’un contrat à durée indéterminée devra faire l’objet d’un préavis raisonnable ; à défaut, la rupture sera considérée comme une faute contractuelle – et non délictuelle – ce qui permettra d'engager plus facilement la responsabilité du cocontractant fautif et l'obtention de dommages-intérêts.



La loi indienne – Tous les contrats sont soumis à « l'Indian Contract Act » de 1872 qui prévoit que les parties doivent déterminer les modalités de rupture du contrat – dont éventuellement un préavis – et les critères de détermination de l'indemnisation due à celui qui subit la rupture. Par l'octroi des indemnités, la partie fautive doit faire en sorte de remettre la « victime » dans la situation économique dans laquelle elle se trouverait si le contrat n'avait pas été rompu : sont ainsi prévus des dommages-intérêts généraux (conséquences normales de la rupture), spéciaux (circonstances particulières), liquidés (ceux prévus dans le contrat), et actuels (pertes et dommages). Des mesures temporaires ou perpétuelles peuvent être prononcées par le juge, obligeant la poursuite du contrat (article 37 of « Specific Relief Act 1963 »).



CONCLUSION – Lorsqu'on envisage de conclure un contrat de distribution international, il faut toujours s’intéresser aux effets de la loi applicable sur la fin du contrat. Il ne faut pas non plus oublier l'application – sous réserve de ratification – de la Convention de Vienne du 11 avril 1980 pour la partie vente internationale de marchandises. Cette convention peut être écartée par une clause expresse du contrat ; à défaut, elle s’appliquera. Si l'on est fournisseur, on ne choisira pas la même loi que si l'on est distributeur. Par exemple, la loi belge est favorable au distributeur ; la loi anglaise, au fournisseur, etc.



Cet article a été rédigé par :



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © vectorikart - Fotolia.com

Auteur

Thierry CLERC

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