Egalité salariale hommes femmes

La directive (UE) 2023/970 : un pas décisif vers l’effectivité du principe d’égalité salariale entre femmes et hommes

Publié le : 08/07/2025 08 juillet juil. 07 2025

Malgré un encadrement juridique ancien et formel, le principe d’égalité de rémunération entre les femmes et les hommes pour un travail égal ou de valeur équivalente continue de subir une application lacunaire dans les États membres.
L’adoption de la directive (UE) 2023/970 par le Parlement européen et le Conseil, le 10 mai 2023, vise précisément à combler ce déficit d’effectivité en articulant deux leviers essentiels : la transparence salariale et le renforcement des voies de recours.

1. La transparence salariale érigée en principe d’action

La directive fait de la transparence un pilier central pour assurer l’égalité salariale. Elle impose aux employeurs, dès la phase de recrutement, de fournir aux candidats des informations claires sur la rémunération envisagée (article 5), et interdit la collecte d’historiques salariaux afin de prévenir la reproduction d’inégalités passées.

Pour les travailleurs en poste, un droit individuel à l’information est institué : chacun peut demander à connaître son propre niveau de rémunération et celui, moyen, de ses collègues de même catégorie, ventilé par sexe (article 7).

Les employeurs de 100 salariés ou plus sont, quant à eux, tenus de publier régulièrement des données sur l’écart de rémunération entre les sexes (article 9), avec obligation de mener une évaluation conjointe des rémunérations dès lors que cet écart dépasse 5 % sans justification objective (article 10).

2. Des garanties procédurales renforcées pour les victimes de discrimination

La directive consacre plusieurs mécanismes visant à renforcer l’accès effectif à la justice.

Ainsi, la charge de la preuve peut être renversée à l’encontre de l’employeur, notamment lorsque des faits permettent de présumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte (article 18).

Par ailleurs, les délais de prescription sont harmonisés : un minimum de trois ans est exigé à compter du moment où la personne concernée a ou aurait dû avoir connaissance de la violation alléguée (article 21).

La directive consacre aussi l’intérêt des actions collectives et autorise les organisations syndicales, associations ou autres entités qualifiées à représenter les travailleurs victimes (article 15). Cette disposition vise à lever les obstacles procéduraux souvent dissuasifs dans les litiges de nature individuelle.

3. L’encadrement normatif de la notion de “travail de même valeur”

L’un des apports les plus significatifs de la directive réside dans l’opérationnalisation de la notion de “travail de même valeur”.

L’article 4 impose aux employeurs de structurer les rémunérations selon des critères objectifs, non sexistes et transparents : compétences, efforts, responsabilités et conditions de travail.

L’évaluation doit exclure tout stéréotype de genre, notamment dans les classifications professionnelles.

Cette clarification est essentielle pour contrer la sous-évaluation persistante des postes à prédominance féminine, notamment dans les secteurs des soins, de l’éducation ou du nettoyage.

4. Vers une obligation de conformité proactive

Les obligations prévues par la directive ne sont pas purement déclaratives : elles sont assorties de mécanismes de sanction. Les États membres sont tenus de prévoir des sanctions dissuasives et proportionnées (article 25). Par ailleurs, les manquements répétés peuvent entraîner l’exclusion de l’accès à certains marchés publics (article 26).

Enfin, la directive invite les États à reconnaître les employeurs volontaires par des dispositifs de labellisation, afin de promouvoir les bonnes pratiques (considérant 42).

Conclusion

En adoptant une approche fondée sur la transparence, la responsabilisation des employeurs et la facilitation des recours, la directive (UE) 2023/970 opère un changement de paradigme dans la lutte contre les inégalités salariales fondées sur le sexe.

Il appartient désormais aux États membres de transposer ces exigences de manière rigoureuse, et aux juridictions de leur donner pleine portée. Ce texte pourrait bien marquer un tournant décisif dans l’effectivité du droit à l’égalité des rémunérations dans l’Union européenne.


Cet article n'engage que ses auteurs.

Auteurs

ADAM-CAUMEIL Judith
Avocat Associé
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur
Julia Caumeil
Avocate Collaboratrice
Adam-Caumeil, avocats franco-allemands
PARIS (75)
Voir l'auteur Contacter l'auteur Tous les articles de l'auteur Site de l'auteur

Historique

<< < 1 2 3 > >>
Navigateur non pris en charge

Le navigateur Internet Explorer que vous utilisez actuellement ne permet pas d'afficher ce site web correctement.

Nous vous conseillons de télécharger et d'utiliser un navigateur plus récent et sûr tel que Google Chrome, Microsoft Edge, Mozilla Firefox, ou Safari (pour Mac) par exemple.
OK