Jurisprudence en matière de construction: procédure
Publié le :
05/11/2010
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Toute désignation d’expert à la suite d’un sinistre interrompt la prescription pour tous les chefs de préjudice qui en sont résultés, alors même que l’expertise ne porterait que sur certains d’entre eux.
Construction: prescription et condamnation in solidumA- Prescription.
1-: renonciation de l’assureur à se prévaloir d’une prescription acquise.
Cass.19 novembre 2009 N°08-22.056
Constitue une renonciation de l’assureur à se prévaloir d’une prescription acquise, le fait d’assister sans émettre la moindre réserve aux opérations d’expertise après la date d’acquisition de la « forclusion », puis d’avoir adressé, plusieurs mois après, des dires à l’expert, manifestant ainsi sans équivoque sa « volonté de renoncer à se prévaloir de la prescription biennale. »
Il s’agit manifestement d’un arrêt d’espèce car vous vous souvenez que j’ai cité au début de mon intervention un arrêt exactement contraire qui concernait non pas un problème de prescription mais un assureur DO qui se prévalait tardivement de l’absence de déclaration de sinistre préalable à l’action judiciaire. La Cour a considéré qu’il n’avait pas renoncé nonobstant sa participation aux opérations d’expertise.
2- Effet de l’interruption de la prescription par l’assureur dommage-ouvrage à l’égard de l’action du maître de l’ouvrage. Cass., 3e civ., 18 novembre 2009 N° 08-13.673, RDI 02/2010 p.111
Un immeuble à usage d’habitation est construit et donne lieu à une réception le 15 mai 1992.
Suite à des désordres, le maître de l’ouvrage, une société d’HLM assigne en référé expertise son assureur dommages-ouvrage, la société AXA.
De son côté, AXA a appelé en déclaration d’ordonnance commune les divers constructeurs et leurs assureurs.
Par ordonnance du 10 septembre 1997, le juge des référés a joint ces instances et désigné un expert qui a déposé son rapport le 15 janvier 2001.
Ce n’est qu’en février et mars 2003 que le maître de l’ouvrage a assigné son constructeur, Eiffage Construction.
Pour éviter la forclusion, le maître de l’ouvrage soutenait qu’il bénéficiait de l’interruption de prescription découlant de l’assignation des constructeurs par son assureur dommage. Il invoquait donc la jurisprudence suivant laquelle, si le principe est que « l’interruption de la prescription ne peut s’étendre d’une action à une autre », il y est fait exception dans le cas où « les deux actions, quoi qu’ayant des causes distinctes, tendent à un seul et même but, qui en l’espèce était la réparation du dommage ».
Néanmoins, comme le souligne le professeur Malinvaud, cette jurisprudence s’applique dans l’hypothèse où un seul demandeur assigne son constructeur dans les délais sur le fondement se 1792, et étant débouté sur ce point, il intente une action hors délai sur le fondement contractuel.
Les faits étaient tout à fait différents en l’espèce, puisqu’il y a avait deux demandeurs différents, l’action n’ayant pas le même objet, puisque l’une vise à mettre en œuvre l’assurance dommage-ouvrage et la seconde à rechercher la responsabilité des constructeurs.
La Cour de cassation ne pouvait suivre la solution apportée par la Cour d’appel et a donc décidé :. « Qu’en statuant ainsi, alors que l’action de la société HLM et celle de l’assureur dommages-ouvrage n’avaient pas le même objet et que pour être interruptive de prescription, la citation en justice doit être adressée à celui que l’on veut empêcher de prescrire, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »
Il y a donc tout intérêt pour le maitre de l’ouvrage d’actionner concomitamment l’assureur DO mais également tous les intervenants à l’acte de construire et leurs assureurs.
A noter que le Conseil d’Etat a rendu le 7 octobre 2009 une décision dans le même sens en décidant que l’action du maitre de l’ouvrage contre l’assureur DO n’interrompt pas le délai de garantie décennale contre les constructeurs. (CE 7/10/2009 req n° 308163 RDI 02/2010 p.113)
Dans cette affaire le département de la Gironde avait assigné l’assureur DO en référé expertise dans les délais et celui-ci avait appelé en cause les entreprises.
Toutefois, le département n’a assigné au fond les entreprises que postérieurement à l’expiration du délai décennal.
Le commentateur souligne que pour la première fois le Conseil d’Etat édicte de façon précise et dans un même arrêt que « une citation n’interrompt la prescription qu’à la double condition d’émaner de celui qui a qualité pour exercer le droit menacé par la prescription et de viser celui-là même qui en bénéficierait »
Même conclusion donc : Par précaution, il vaut mieux assigner tout le monde tout de suite.
3- Prescription et rédaction du contrat d’assurance : Cass. 2e Civ, 22/10/2009, n°08-119.840 RDI 12/2009, page 656).
La Cour de Cassation rappelle également dans un arrêt du 3 septembre 2009 que « les polices d’assurance relevant des branches 1 à 17 de l’article R321-1 doivent rappeler les dispositions des titres I et II du livre Premier de la partie législative du Code des Assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d’assurance ; qu’il en résulte que l’assureur est tenu de rappeler dans le contrat d’assurance sous peine d’inopposabilité à l’assuré du délai de prescription édicté par l’article L114-1 du Code des Assurances les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L114-2 du même code ».
Dans cette affaire la Cour d'Appel d’Aix avait déclaré l’action prescrite en estimant que les dispositions sur la prescription étaient correctement rappelées dans les conditions générales opposables.
La Cour de Cassation se montre plus exigeante en considérant que l’assureur est désormais tenu non seulement de rappeler les dispositions de l’article L114-1 du Code des Assurances, mais également « les causes d’interruption de la prescription biennale prévues à l’article L114-2 ».
Il s’agit d’une évolution qui va encore obliger les assureurs à réviser leurs polices dans l’urgence.
4- Interruption de la prescription et désignation d’Expert
(Cass 2° civ, 22/10/2009, n°08-19840 RDI 12/2009 p.656)
Toujours en matière de prescription, la Cour de cassation réaffirme sa position quant à l’interruption de la prescription biennale à la suite de la désignation d’un expert.
La Cour de Cassation rappelle « que toute décision judiciaire apportant une modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties et pour tous les chefs de préjudice procédant du sinistre en litige ».
Cette décision confirme la position déjà prise par la Cour de Cassation, qui considérait que toute décision judiciaire apportant modification quelconque à une mission d’expertise ordonnée par une précédente décision a un effet interruptif de prescription à l’égard de toutes les parties y compris à l’égard de celles appelées uniquement à la procédure initiale (
Dans une deuxième espèce du même jour, la Cour de Cassation souligne que « toute désignation d’expert à la suite d’un sinistre interrompt la prescription pour tous les chefs de préjudice qui en sont résultés, alors même que l’expertise ne porterait que certains d’entre eux ».
Ces décisions n’apportent pas de réelles nouveautés, mais apportent de pierres supplémentaires à l’important édifice de la prescription.
5- Prescription à l’égard du fabriquant d’EPERS
En l’espèce, le maître de l’ouvrage a assigné dans le délai décennal le locateur d’ouvrage qui avait mis en œuvre des éléments fabriqués et qui ont été considérés comme des EPERS.
L’entrepreneur et son assureur ont eux-mêmes assigné à l’intérieur du délai décennal le fabricant et son assureur, la SMABTP.
Il s’agissait de l’assignation en référé en désignation d’expert.
Après dépôt du rapport, le maître de l’ouvrage assigne directement le fabricant des EPERS et son assureur, mais ce postérieurement à l’expiration du délai de garantie décennale.
La SMABTP soutenait donc que l’action était prescrite puisque le maître de l’ouvrage ne l’avait pas assigné directement et n’avait donc pas interrompu à son égard la prescription.
La Cour de cassation rejette l’argumentation de la SMABTP en jugeant que « les citations, délivrées par le maître de l’ouvrage à l’encontre du locateur d’ouvrage ayant mis en œuvre les éléments fabriqués et son assureur, interrompent la prescription à l’égard du fabricant de ces éléments et de son assureur assignés sur le fondement de la responsabilité solidaire de l’article 1792-4 du Code civil ».
La Cour de cassation justifie sa décision par application des règles de la solidarité passive dans les rapports des co-débiteurs entre eux.
B- Condamnation in solidum : (Cass.3e Civ, 23/09/2009, n°07-21.782 (publié au bulletin))
Dans un arrêt du 23 septembre 2009, la Cour de Cassation avait à statuer sur un arrêt de Cour d'Appel qui avait prononcé une condamnation in solidum de plusieurs entrepreneurs à garantir l’assureur dommages-ouvrage des sommes qu’ils avaient dû préfinancer.
La Cour de Cassation sanctionne la Cour d'Appel de Versailles en ces termes :
« Qu’en statuant ainsi sans constater que les travaux relevant des lots, dont Monsieur VAFILIGEVIC était titulaire, avaient indissociablement concouru avec ceux ressortissant des autres lots à la création de l’entier dommage, la Cour d'Appel n’a pas donné de base légale à sa décision de ce chef ».
Cette décision est dans le droit fil de la jurisprudence habituelle et rappelle que les locateurs d’ouvrage qui sont intervenus dans l’opération de construction sont tenus in solidum à l’égard du maître ou de l’acquéreur de l’ouvrage, mais à la condition toutefois que leurs travaux « aient indissociablement concouru… à la création de l’entier dommage ».
Lire l'article complet:Lire la 1ère partie de l'article: Panorama de la jurisprudence construction 2009/2010.
Lire la 2ème partie de l'article: Jurisprudence en matière de construction: dommage ouvrage.
Lire la 3ème partie de l'article sur: Jurisprudence en matière de construction: garantie décennale.
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
DRUJON D'ASTROS Jean-Rémy
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