Refus de la transmission d'images de vidéosurveillances captées dans les halls d'immeuble

Publié le : 12/03/2010 12 mars mars 03 2010

Le législateur prévoyait d'insérer un article ouvrant une possibilité de transmission aux services de police des images des systèmes de vidéosurveillance mis en œuvre dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation.

Vidéosurveillance dans les halls d'immeuble: décicion du Conseil ConstitutionnelLe législateur prévoyait d'insérer dans le Code de la construction et de l'habitation un nouvel article L. 126-1-1 ouvrant une possibilité de transmission en temps réel aux services de police des images des systèmes de vidéosurveillance mis en œuvre dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation, lorsque s'y produisent des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l'intervention de ces services.

Les sénateurs auteurs ont saisi le Conseil constitutionnel en faisant valoir que cet article porte une atteinte excessive à la vie privée, et ne prévoit pas d’intervention obligatoire de la commission nationale informatique et libertés (CNIL).

Selon eux ce texte reviendra à permettre à la police municipale d'avoir accès à des informations qui ne relèvent pas de ses attributions.

Aux termes de sa décision n°2010-604 DC du 25 février 2010 les juges du palais Montpensier ont invalidé l'article 5 de la loi :

« Considérant que l'article 5 de la loi déférée insère dans le code de la construction et de l'habitation un article L. 126-1-1 qui dispose :
" Lorsque des événements ou des situations susceptibles de nécessiter l'intervention des services de la police ou de la gendarmerie nationales ou, le cas échéant, des agents de la police municipale se produisent dans les parties communes des immeubles collectifs à usage d'habitation, les propriétaires ou exploitants de ces immeubles ou leurs représentants peuvent rendre ces services ou ces agents destinataires des images des systèmes de vidéosurveillance qu'ils mettent en œuvre dans ces parties communes.
La transmission de ces images relève de la seule initiative des propriétaires ou exploitants d'immeubles collectifs d'habitation ou de leurs représentants. Elle s'effectue en temps réel et est strictement limitée au temps nécessaire à l'intervention des services de police ou de gendarmerie nationales ou, le cas échéant, des agents de la police municipale.
(...) Considérant que le législateur a permis la transmission aux services de police et de gendarmerie nationales ainsi qu'à la police municipale d'images captées par des systèmes de vidéosurveillance dans des parties non ouvertes au public d'immeubles d'habitation sans prévoir les garanties nécessaires à la protection de la vie privée des personnes qui résident ou se rendent dans ces immeubles ; qu'à l'égard de cette situation, qui n'entre pas dans le champ d'application de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 susvisée, il a omis d'opérer entre les exigences constitutionnelles précitées la conciliation qui lui incombe ; que, dès lors, il a méconnu l'étendue de sa compétence ; qu'en conséquence, l'article 5 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ;"


Par cette décision, le Conseil constitutionnel rappelle qu'il convient de faire une distinction entre les lieux ouverts au public et les autres.

Les halls d'immeubles ne font pas partie de la voie publique.

Paradoxalement la vidéosurveillance y est d’ailleurs très peu encadrée.

En effet, la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « informatique et libertés », n'est pas systématiquement applicable dans la mesure où des traitements automatisés de données à caractère personnel n'y sont pas systématiquement mis en œuvre.

Selon lui, l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 n'est pas applicable aux halls d'immeuble dans la mesure où il ne concerne que les voies publiques :

« II. - La transmission et l'enregistrement d'images prises sur la voie publique, par le moyen de la vidéosurveillance, peuvent être mis en œuvre par les autorités publiques compétentes aux fins d'assurer la protection des bâtiments et installations publics et de leurs abords, la sauvegarde des installations utiles à la défense nationale, la régulation du trafic routier, la constatation des infractions aux règles de la circulation ou la prévention des atteintes à la sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol.
(...) Les opérations de vidéosurveillance de la voie publique sont réalisées de telle sorte qu'elles ne visualisent pas les images de l'intérieur des immeubles d'habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.
»

Selon ces dispositions, le respect de la vie privée implique que la vidéosurveillance ne puisse pas visualiser les images de l'intérieur des immeubles d'habitation ni, de façon spécifique, celles de leurs entrées.

Selon le Conseil constitutionnel le législateur a omis d'effectuer la conciliation qui lui incombe entre le respect de la vie privée des personnes qui résident ou se rendent dans ces immeubles non ouverts au public et d'autres exigences constitutionnelles, telles que la recherche des auteurs d'infraction et la prévention d'atteintes à l'ordre public.

Au regard des principes constitutionnels, l'article 5 de la loi, n'est donc pas assez protecteur de ces personnes qui ont droit au respect de leur vie privée.

C'est la raison pour laquelle l'article 5 de la loi déférée a été censuré et n'entrera pas dans l'ordonnancement juridique.

Cette décision s'inscrit dans le prolongement de la jurisprudence constitutionnelle qui cherche à concilier la recherche de la vérité, la sauvegarde de l'ordre public et le respect du à la vie privée.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

MAUDET Jérome

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