Recours en matière d’urbanisme et contrôle de l’intérêt à agir

Recours en matière d’urbanisme et contrôle de l’intérêt à agir

Publié le : 09/10/2013 09 octobre oct. 10 2013

Dès le 18 juillet 2013, le Gouvernement a adopté une ordonnance n°2013-638 relative au contentieux de l’urbanisme dont l’impact sur les recours en matière d’urbanisme s’apprécie au regard de deux axes.

Le contentieux de l'urbanismeDepuis de nombreuses années, les Collectivités locales et les promoteurs se plaignaient de l’engagement de recours contentieux devant les juridictions administratives dirigées contre des autorisations d’urbanisme et qui étaient motivés, non par un souhait de voir la légalité respectée, mais par la volonté de retarder le projet ou d’obtenir une indemnisation.

Le seul moyen pour le pétitionnaire de voir le comportement du voisin sanctionné résidait alors dans l’introduction d’une procédure civile en dommages et intérêts fondée sur le caractère abusif du recours administratif (Cass. Civ. 3ème, 09 mai 2012, n°11-13597 ; Cass. Civ. 3ème, 05 juin 2012, n°11-17919).

Toutefois, de telles procédures étaient longues et souvent vouées à l’échec, puisque le pétitionnaire éprouvait les plus grandes difficultés à démontrer que le recours administratif de son voisin caractérisait un abus de son droit d’agir en justice et révélait une volonté de lui nuire.

Les juridictions administratives sont actuellement saisies de recours concernant entre 25 0000 à 30 000 logements.

C’est dans ces conditions que le Gouvernement a confié à un groupe de travail présidé par Daniel Labetoulle, ancien président de section au Conseil d’État, et composé de membres du Conseil d’État, de la chancellerie ainsi que du directeur des affaires juridiques et du directeur de l’habitat de l’urbanisme et des paysages, le soin d’établir un rapport permettant de lutter contre les recours malveillants et réduire les délais contentieux.

Le Gouvernement a été autorisé à prendre des mesures législatives pour accélérer les projets de constructions par ordonnances par la loi n°2013-659 du 1er juillet 2013.

Dès le 18 juillet 2013, le Gouvernement a adopté une ordonnance n°2013-638 relative au contentieux de l’urbanisme dont l’impact sur les recours en matière d’urbanisme s’apprécie au regard de deux axes.

Tout d’abord, le pouvoir réglementaire a souhaité restreindre l’intérêt à agir des requérants en insérant les articles suivants :

« Art. L. 600-1-2. − Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation.

Art. L. 600-1-3. − Sauf pour le requérant à justifier de circonstances particulières, l’intérêt pour agir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager s’apprécie à la date d’affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. »

Il appartiendra donc désormais au requérant de démontrer un intérêt à agir véritable au jour de l’affichage en mairie de la demande.

Il peut être observé qu’en l’état de la rédaction du texte, cette condition n’est pas exigée pour apprécier la recevabilité des recours formés contre les déclarations préalables de travaux.

Ensuite, le pouvoir réglementaire a souhaité étendre les pouvoirs du juge dans l’objectif de limiter les recours purement dilatoires.

Il est ainsi inséré deux articles, L 600-5 et L 600-5-1 du Code de l’urbanisme, libellés comme suit :

« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice n’affectant qu’une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l’annulation qu’il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation. » ;

« Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu’un vice entraînant l’illégalité de cet acte est susceptible d’être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu’à l’expiration du délai qu’il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. »

Désormais, le magistrat pourra inciter le pétitionnaire à déposer un permis de construire modificatif pour purger le permis initial des vices régularisables ou, à défaut, pourra annuler le permis uniquement en ce qui concerne les vices mineurs.

Une telle disposition sera probablement de nature à apprécier de manière plus souple les différents moyens relatifs au formalisme de la demande de permis de construire.

Alors même que la notion de recours abusif et dilatoire, sanctionné par les juridictions administratives, était peu usitée, le Gouvernement a instauré un mécanisme à cette fin :

« Art. L. 600-7. − Lorsque le droit de former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager est mis en œuvre dans des conditions qui excèdent la défense des intérêts légitimes du requérant et qui causent un préjudice excessif au bénéficiaire du permis, celui-ci peut demander, par un mémoire distinct, au juge administratif saisi du recours de condamner l’auteur de celui-ci à lui allouer des dommages et intérêts. La demande peut être présentée pour la première fois en appel. »

Il s’agit donc de permettre au pétitionnaire de saisir reconventionnellement le juge administratif d’une demande de condamnation à l’encontre du requérant dès lors que deux conditions sont réunies : un recours excédant la défense des intérêts légitimes du requérant, ce qui risque de se concilier difficilement avec la nature objective du recours en excès de pouvoir, et un préjudice causé au pétitionnaire.

Ce mécanisme présentera l’avantage de la simplicité et de l’efficacité, puisqu’il ne contraindra plus le pétitionnaire à saisir le juge civil dans le cadre d’une instance distincte, le litige étant traité dans sa globalité par le juge matériellement compétent pour apprécier du bien fondé du recours.

Il doit toutefois être précisé que les associations de protection de l’environnement sont à priori exclues du risque de condamnation pour procédure abusive (article L 600-7, alinéa 2, du code de l’urbanisme).

Enfin et dans l’hypothèse où le requérant se désiste de son recours, l’éventuelle transaction conclue avec le pétitionnaire devra faire l’objet d’un enregistrement auprès des services fiscaux en application des dispositions de l’article 635 du code général des impôts.





Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Flavien MEUNIER
Avocat Associé
LEXCAP NANTES
NANTES (49)
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