Distinction des délégations de service public et des marchés publics: le critère de la rémunération
Publié le :
08/01/2009
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Le Conseil d’Etat a rappelé la définition traditionnelle de la délégation de service public, et s’est livré à de nouvelles précisions sur le critère fondamental de distinction des contrats de délégation de service public et de marché public.
De la rémunération substantiellement liée aux résultats de l’exploitationPar un arrêt du 7 novembre 2008, le Conseil d’Etat a rappelé la définition traditionnelle de la délégation de service public, et s’est livré à de nouvelles précisions sur le critère fondamental de distinction des contrats de délégation de service public et de marché public : la rémunération substantiellement liée au résultat de l’exploitation.
Dans cette affaire, le département de la Vendée décidait de confier l’exploitation du service public de transport de voyageurs à un prestataire par un contrat de délégation de service public.
En position de candidat évincé pour leur offre sur le lot n°1, le groupement constitué des sociétés Hervouët, Les Cars Bleus Brisseau et Sovetours avait effectué un recours pour excès de pouvoir afin d’obtenir l’annulation de la délibération de la commission permanente du département attribuant le lot à un autre groupement et, par la même, rejetant l’offre du groupement représenté par la société Hervouët.
Le Tribunal Administratif puis la Cour Administrative d’Appel de NANTES faisaient droit à l’annulation au motif que le contrat conclu devait être qualifié de marché public et non de délégation de service public.
Les juridictions estimaient en effet que la rémunération du prestataire ne pouvait pas être considérée comme étant substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service.
Le contrat étant qualifié de marché public et non de délégation de service public, les règles de passation prévues au code des marchés publics auraient dues s’appliquer.
Le Conseil d’Etat saisi se livre à une tout autre interprétation des composants de la rémunération du groupement pour casser l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel et maintenir la qualification de délégation de service public.
La solution de Conseil d’Etat n’étonne pas en ce qu’elle maintien le critère de la rémunération en tant qu’élément fondamental de la distinction, non toujours aisée, de la délégation de service public et du marché public.
Néanmoins, l’interprétation qu’il retient du caractère substantiellement lié au résultat de l’exploitation de la rémunération, marqué par la question du risque financier, témoigne d’une certaine souplesse, confirmant en cela les jurisprudences les plus récentes en la matière.
La rémunération substantiellement liée aux résultats d’exploitation, critère principal de la distinction : délégation de service public / marché public.
Outre le critère logique d’une réelle délégation de la gestion d’un service public, le critère de la rémunération reste indispensable à la qualification de la délégation de service public.
C’est la jurisprudence Commune de Lambesc de 1996, puis sa codification à l’article L 1411-1 du Code général des collectivités territoriales, qui a utilisé ce critère d’identification de la DSP :
Article L 1411-1 :
« Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion
d’un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l’exploitation du service ».
La jurisprudence a ainsi pu développer ce critère en y insérant la notion de risques d’exploitation, de risques financiers supportés par le délégataire.
L’arrêt SMITOM du Conseil d’Etat du 30 juin 1999 traduisait cette notion de risque, corollaire des résultats d’exploitation.
Dans cette affaire, la rémunération de l’entreprise, dans le secteur des déchets, se faisait à 70% par le versement d’un prix par la personne publique délégante.
Le solde de la rémunération était composé de recettes dégagées par le traitement des déchets et la vente d’énergie produite, partie variable de la rémunération.
Le Conseil d’Etat avait jugé que la rémunération était substantiellement assurée par le résultat d’exploitation.
En effet, il importait peu que la majorité de la rémunération provienne du versement d’un prix par le délégant puisque le prestataire supportait une réelle responsabilité dans la gestion du service et que l’équilibre financier dépendait des recettes d’exploitation du service.
A l’inverse, dans un marché public, le cocontractant dont la rémunération provient du versement d’un prix par la personne publique, ne supporte pas de part importante du risque économique, l’exploitation du service ne se fait pas à ses risques et périls.
En outre, le caractère substantiel doit s’entendre souplement et varier selon le secteur d’activité en cause.
La notion de risque économique est donc au coeur de la détermination du caractère substantiel ou non de la rémunération liée aux résultats de l’exploitation.
L’arrêt du Conseil d’Etat du 7 novembre 2008 constitue un exemple intéressant de cette souplesse dans l’appréciation du risque d’exploitation.
L’appréciation jurisprudentielle souple du risque d’exploitation dans la rémunération du délégataire.
La jurisprudence récente semble se montrer de plus en plus tolérante à l’égard du caractère substantiel de la rémunération lié aux résultats et aux risques d’exploitation du prestataire.
Dans un arrêt du Conseil d’Etat du 28 juin 2006 Syndicat Intercommunal d’alimentation en eau de la moyenne vallée du Gier, il a été jugé que la rémunération étant substantiellement liée aux résultats d’exploitation, le contrat devait être qualifié de DSP.
Dans cette affaire intervenant dans le secteur de l’eau, la rémunération se composait d’une partie fixe constituée par un abonnement payé par les communes et d’une partie variable dépendante de la quantité d’eau consommée par les usagers dans les communes.
L’aléa, dans le secteur de l’eau, ne semblait pas des plus flagrants.
Pourtant, les conclusions du Commissaire du Gouvernement indiquaient qu’outre la part variable fonction de la quantité d’eau consommée, l’aléa affectait également la part à priori fixe de la rémunération du prestataire.
Ainsi, la variation provenait également du prix au m3 selon les quantités d’eau produites par l’entreprise.
Puis, dans un arrêt Commune d’ANDEVILLE en date du 26 octobre 2006, le Conseil d’Etat retenait la qualification de DSP d’une convention ayant pour objet l’organisation et la gestion de la restauration scolaire.
En l’espèce, la rémunération provenait en partie, de versements fixes par la commune.
En outre, les ¾ des recettes provenaient de redevances versées par les familles, d’une participation du département et de la CAF, variables selon le nombre d’usagers.
Malgré l’absence, ou tout au moins, le faible aléa du secteur concerné de la restauration scolaire, le Conseil d’Etat considérait que la rémunération était substantiellement liée aux résultats d’exploitation.
L’arrêt du 7 novembre 2008 du Conseil d’Etat poursuit cette ligne jurisprudentielle très souple dans l’appréciation du risque d’exploitation et de l’aléa, qu’il situe, au cas d’espèce, à deux niveaux.
Le risque se traduisait, d’une part, dans les composantes de la rémunération du cocontractant.
Ainsi, la rémunération devait se composer en majorité (93%) des recettes provenant du service de transport scolaire.
Les 7% restants trouvaient leurs origines dans d’autres services de transport et activités commerciales.
Au sein des recettes provenant du service de transport scolaire, 80% du coût était pris en charge par le département délégant.
Les seuls 20% restant étaient payés directement par les familles.
Etant donné le secteur concerné et la part importante de la rémunération provenant directement du département, il n’aurait pas été surprenant que le Conseil d’Etat confirme la qualification de marché public donnée par la CAA de Nantes.
Tel n’a pas été le cas puisque le Conseil d’Etat jugeait :
« (…)qu’en se fondant, pour exclure une rémunération liée aux résultats de l’exploitation et caractériser ainsi
l’existence d’un marché public, sur la seule participation directe des familles, sans prendre aussi en considération la part versée par le département pour chaque usager scolaire, en substitution des familles, laquelle constituait aussi une rémunération variant avec le nombre d’usagers et donc liée aux résultats de l’exploitation du service, la Cour administrative d’appel a commis une erreur de droit ; »
Il ressort de ce considérant que le Conseil d’Etat estime que l’aléa, le risque d’exploitation est présent même dans la part de rémunération prise en charge par la personne publique délégante puisque celle-ci dépendrait du nombre d’usagers.
La variation du nombre d’usagers du transport scolaire impliquerait donc un risque d’exploitation.
Le Conseil d’Etat manifeste sans conteste une grande souplesse dans l’appréciation de l’aléa et du risque d’exploitation.
Dans un deuxième temps, le Conseil d’Etat justifie le risque d’exploitation nécessaire à la qualification de la rémunération substantiellement liée aux résultats d’exploitation du contrat de DSP par une convention d’intéressement financier.
En l’espèce, une convention d’intéressement prévoyait le versement, par la personne publique délégante, le département, d’une subvention dont le montant dépendait des recettes d’exploitation pré-évaluées.
Le Conseil d’Etat considérait que la convention, laissant une part du déficit éventuel d’exploitation pouvant aller jusqu’à 30% au délégataire, celui-ci supportait une part significative du risque d’exploitation.
Par conséquent, la rémunération du délégataire devait être regardée comme substantiellement liée aux résultats de l’exploitation.
La convention d’intéressement faisant peser une part significative de l’éventuel déficit d’exploitation sur le délégataire implique que la rémunération soit substantiellement liée aux résultats de l’exploitation.
La lecture de l’arrêt laisse à penser que même dans l’hypothèse ou ces deux éléments de risques d’exploitation n’avaient pas été combinés, la qualification de délégation de service public l’aurait en tout état de cause emporté.
Si cette constatation peut sembler justifiée pour la convention d’intéressement, laquelle pouvait conduire à laisser 30 % du déficit d’exploitation éventuel à la charge du délégataire, elle apparaît plus critiquable à l’égard de l’appréciation de la variabilité des composants de la rémunération.
En effet, la rémunération majoritaire par le transport scolaire était à 80% prise en charge par le département.
La constation d’un risque d’exploitation substantiel dans la variation du nombre d’usagers dans le secteur du transport scolaire témoigne d’une appréciation large et souple de l’aléa et du risque.
La tendance jurisprudentielle apparaît donc être celle de l’ouverture et de l’extension de la qualification de délégation de service public, avec parallèlement, une réduction du champ d’application du code des marchés publics.
Est-ce le chant du cygne du code des marchés publics ?
Cet article n'engage que son auteur.
Auteur
DROUINEAU 1927
Cabinet(s)
POITIERS (86)
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