Bail commercial sur le domaine public

Bail commercial sur le domaine public irrégulièrement déclassé

Publié le : 25/10/2024 25 octobre oct. 10 2024

Le bail commercial est aux yeux de nombreux professionnels du droit, ou des affaires, l’outil unique propre à permettre le développement d’un fonds de commerce.
Sur des propriétés publiques, il ne peut cependant être conclu sans quelques conditions.

En raison, d’une part, du caractère précaire et personnel des titres d'occupation du domaine public et, d’autre part, des droits qui sont garantis au titulaire d'un bail commercial, un tel bail ne saurait en effet être conclu sur le domaine public.  

En outre, jusqu’en 2014, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public était interdite. 

Depuis, la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises a introduit dans le code général de la propriété des personnes publiques un article L. 2124-32-1, aux termes duquel « Un fonds de commerce peut être exploité sur le domaine public sous réserve de l'existence d'une clientèle propre ». 

Autrement dit, depuis cette date, l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public est possible mais la conclusion d’un bail commercial avec les garanties qui y sont attachées est toujours formellement interdite. 

En effet, lorsque l'autorité gestionnaire du domaine public conclut un « bail commercial » pour l'exploitation d'un bien sur le domaine public ou laisse croire à l'exploitant de ce bien qu'il bénéficie des garanties prévues par la législation sur les baux commerciaux, elle commet une faute de nature à engager sa responsabilité. 

L’exploitant déçu peut alors prétendre à être indemnisé de l'ensemble des dépenses qu’il a engagé en pensant être titulaire d'un bail commercial ainsi que des préjudices commerciaux et financiers résultant de la faute.

La Cour administrative d’appel de Marseille a récemment eu à connaître d’une demande d’indemnisation de la part d’une société qui occupait une dépendance du domaine public irrégulièrement déclassée en vertu d’un bail commercial. 

Dans les faits, par deux délibérations prises en 2005, une commune a décidé de déclasser du domaine public une place et des parcelles concernées par un projet de réaménagement. Ce déclassement était justifié, notamment, en vue « de permettre d’éventuelles cessions ou constitutions de droits, sur la propriété de la commune ». 

La commune a donc conclu, le 31 mai 2007, un bail commercial sur la parcelle qu’elle pensait désormais appartenir à son domaine privé. 

Or, sur recours, ces délibérations de déclassement ont, sans surprise, été annulées par la juridiction administrative laquelle a constaté que les équipements réalisés et les parcelles concernées par le projet « seront affectés à l’usage direct du public, comme ces dernières l’étaient précédemment » et, qu’ainsi, « ces parcelles doivent continuer à appartenir au domaine public communal et ne peuvent légalement faire l’objet d’un déclassement » (voir sur ce point : CAA Marseille, 22 novembre 2011, n° 09MA03473).  

Dans ces conditions, le bail commercial précité, qui a été conclu sur une dépendance du domaine public, est illégal.  

Or, en 2018, le liquidateur judiciaire de la société occupante – après plusieurs cessions de fonds - a tenté de céder le fonds de commerce avec droits au bail et s’est vu opposé un refus de la commune en raison de l’illégalité de cet outil contractuel.  

Le liquidateur a donc formulé une demande indemnitaire auprès de la commune, fondé sur le fait que cette dernière avait illégalement conclu un bail commercial sur son domaine public et que cette faute était à l’origine de préjudices financiers importants.  

Cette requête a été purement et simplement rejetée. 

La Cour administrative a sévèrement jugé que l'exploitant, qui occupe le domaine public en vertu d'un titre délivré avant la loi du 18 juin 2014 – qui permet l’exploitation d’un fonds de commerce sur le domaine public - n'a jamais été légalement propriétaire d'un fonds de commerce et ne peut donc prétendre à l'indemnisation de la perte d'un tel fond.

Autrement dit, l’occupant qui est titulaire d’une convention d’occupation conclue sur le domaine public – ou sur ce qui devrait être du domaine public - avant que la loi ne permette l’exploitation d’un fonds de commerce sur ce domaine, ne peut se plaindre de la perte de ce fonds, même postérieurement à l’entrée en vigueur des dispositions de l’article L. 2124-32-1 du code général de la propriété des personnes publiques. 

Cette décision rappelle l’importance, pour les occupants mais également pour les personnes publiques, de connaître et de maîtriser les règles de la domanialité dont la méconnaissance peut avoir de lourdes conséquences financières. 

Elle commande plus que jamais une parfaite connaissance de son domaine, de sa valeur et de son classement, par toute collectivité. 

CAA de Marseille, 20 septembre 2024, n°23MA00888


Cet article n'engage que son auteur.

Auteur

Elorri DALLEMANE
Avocate
1927 AVOCATS - Poitiers
LA ROCHELLE (17)
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