Accident du travail, faute inexcusable de l'employeur et indemnisation du préjudice sexuel
Publié le :
10/09/2012
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Sur le revirement de jurisprudence de la cour de cassation quant à l'appréciation du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément de la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de son employeur.
Appréciation du préjudice sexuel et du préjudice d'agrément en cas de faute inexcusable de l'employeurDepuis l'adoption de la nomenclature DINTILHAC par la Cour de Cassation, le préjudice d'agrément est défini comme " un poste de préjudice qui vise exclusivement à réparer le préjudice d'agrément spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisir" (cf. cour de cassation 2ème civil 28 mai 2009 n°08-16289).
Pour obtenir l'indemnisation de ce poste de préjudice, il faut donc le plus souvent justifier d'une licence sportive ou d'une pratique régulière d'activités spécifiques, ce qui ne permet pas de recouvrir des activités comme le jardinage ou le bricolage.
Néanmoins, ces dernières activités sont indemnisées au titre du déficit fonctionnel permanent qui inclut, outre les souffrances endurées après consolidation et l'incapacité fonctionnelle, l'indemnisation des troubles dans les conditions d'existence postérieurs à la consolidation et inhérente à l'incapacité fonctionnelle.
Quant au préjudice sexuel, la nomenclature DINTILHAC le distingue clairement du préjudice d'agrément.
Le préjudice sexuel recouvre le préjudice morphologique en cas d'atteinte des organes sexuels, le préjudice lié l'impossibilité ou la difficulté de procréer, le préjudice lié à l'acte sexuel qui repose sur la perte de plaisir lié à l'accomplissement de cet acte ou la perte de libido.
Tout semble donc clair……sauf que la cour de cassation a adopté des définitions différentes de ces postes de préjudice en présence d'une faute inexcusable de l'employeur.
En présence d'un salarié victime d'une faute inexcusable de son employeur, la cour de cassation a défini le préjudice d'agrément comme le préjudice résultant des troubles ressentis dans les conditions d'existence, notamment le préjudice sexuel ( cour de cassation 2ème civil 8 avril 2010 n°09-11634).
Outre que cette définition privait le déficit fonctionnel permanent d'une de ses composantes (les troubles dans les conditions d'existence), le préjudice sexuel était assimilé au préjudice d'agrément contrairement aux préconisations de la nomenclature DINTILHAC ce qui accentue l'idée que la victime d'une faute inexcusable n'est pas une victime comme les autres.
Postérieurement à cet arrêt du 8 avril 2010, le conseil constitutionnel est venu affirmer le 18 juin 2010 que les dispositions de l'article L452-3 du code la sécurité sociale (qui définit une liste limitative de poste préjudice (dont le préjudice d'agrément) que le salarié peut solliciter devant la juridiction de sécurité sociale en cas de faute inexcusable) ne sauraient toutefois " sans porter une atteinte disproportionnée aux droits des victimes d'acte fautif, faire obstacle à ce que ces mêmes personnes, devant les mêmes juridictions, puissent demander à l'employeur réparation de l'ensemble des dommages non couvert par le livre 4 de code de la sécurité sociale".
A la lumière de cette décision du conseil constitutionnel, la cour de cassation vient de donner une nouvelle définition du préjudice d'agrément par un arrêt rendu le 4 avril 2012 et publié au bulletin (n° pourvoi 11-14311 et 11-14594).
La cour de cassation vient d'affirmer que le préjudice sexuel n'était pas au nombre des dommages couverts par le livre 4 du code de la sécurité sociale (comprenant l'article L452-3 qui vise le préjudice d'agrément), le préjudice sexuel pouvant donc faire l'objet d'une indemnisation complémentaire conformément à la volonté exprimée par la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 et ce afin de ne pas porter une atteinte disproportionnée aux victimes d'acte fautif.
Par un arrêt du 28 juin 2012 (n° pourvoi 11-16120), la cour de cassation est plus précise en affirmant que le préjudice sexuel dont la victime demande réparation devait être distinct du préjudice d'agrément et du déficit fonctionnel.
Dans le cadre de cet arrêt, la cour d'appel avait retenu que le préjudice d'agrément visait exclusivement à l'indemnisation du préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pouvoir pratiquer régulièrement une activité spécifique (définition conforme à la nomenclature DINTILHAC mais qui ne pouvait s'appliquer en cas de faute inexcusable comme l'avait rappelé la cour de cassation en son arrêt du 8 avril 2010).
Plutôt que de casser cet arrêt en rappelant la jurisprudence antérieure et la définition spécifique du préjudice d'agrément, la cour de cassation a décidé de modifier la définition du préjudice d'agrément en excluant le préjudice sexuel.
Ainsi, la cour de cassation reprend la distinction opérée par la nomenclature DINTIHAC pour le préjudice sexuel tout en gardant une définition du préjudice d'agrément distincte de cette même nomenclature !
Ce revirement de jurisprudence n'aura pas d'impact pour les victimes d'accident de travail puisque le préjudice sexuel était déjà auparavant indemnisé au titre du préjudice d'agrément, il le sera désormais distinctement du préjudice d'agrément.
Il s'agit donc d'une satisfaction de dupe, la cour de cassation semblant vouloir montrer que la décision du conseil constitutionnel du 18 juin 2010 a néanmoins permis d'améliorer le sort des victimes d'accident du travail.
Néanmoins, cette définition du préjudice d'agrément par la cour de cassation pose une sérieuse difficulté.
En effet, la cour de cassation a déjà affirmée que la rente accident du travail permettait l'indemnisation des postes de préjudices concernant les pertes de gains professionnels, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent ( dont la seule définition connue est celle de la nomenclature DINTILHAC qui comprend l'incapacité fonctionnelle, les souffrances endurées après consolidation et les troubles dans les conditions d'existence).
La rente accident du travail permet donc d'indemniser les troubles dans les conditions d'existence, soit le préjudice d'agrément selon la définition donnée par la cour de cassation.
Il n'y aurait donc pas lieu à indemniser le préjudice d'agrément distinctement.
Or, l'article L452-3 du code de la sécurité sociale prévoit expressément que la victime d'un accident du travail en cas de faute inexcusable de l'employeur a le droit, outre a une majoration de sa rente, à l'indemnisation :
- des souffrances endurées (compris comme les souffrances endurées avant consolidation)
- du préjudice esthétique,
- de la perte promotion professionnelle,
- et du préjudice d'agrément.
LAMPIN François
Cet article n'engage que son auteur.
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