Le projet de réforme de la procédure d'appel

Publié le : 07/01/2009 07 janvier janv. 01 2009

La commission présidée par Monsieur Magendie avait envisagé au printemps les réformes de procédure à apporter au second degré de juridiction. Parallèlement le Ministre de la justice a annoncé le 9 juin dernier la suppression des avoués à la cour.

De la procédure accusatoire à la procédure inquisitoire... vers la procédure automatiqueL'avant projet de décret réformant la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile:

La commission présidée par Monsieur Magendie avait envisagé au printemps les réformes de procédure à apporter au second degré de juridiction.
Parallèlement le Ministre de la justice a annoncé le 9 juin dernier la suppression des avoués à la cour, sans aucun projet de loi connu à ce jour…

Un projet de décret synthétisant ce rapport et cette annonce bouleverse en 20 articles le système judiciaire français. Si les mesures les plus redoutées pour le fonctionnement de la justice n’ont pas toutes été retenues, il recèle des surprises et des pièges auxquels le praticien doit se préparer avant le 01 janvier 2010 date prévue de son entrée en vigueur.


ILLEGAL : ce projet l’est de façon flagrante en ses articles 2,16 et 17 qui suppriment et remplacent le mot avoué par avocat. Or, à ce jour il n’existe aucun projet ou texte de loi voté supprimant ces officiers ministériels dont tous les acteurs du monde judiciaire reconnaissent le caractère essentiel dans une procédure accusatoire.


INUTILE : L’article 2 refond l’ensemble de la procédure ordinaire devant la cour (art 901 à 916 du CPC). Tous les délais pour mettre l’affaire en état devant la cour sont sensiblement raccourcis et assortis pour les plus importants de sanctions irrémédiables.

Signification de la déclaration d’appel à l’intimé, faute de constitution amiable dans les 15 jours de l’avis délivré par le greffier à peine de caducité de l’appel (art. 902).

Les conclusions de l’appelant doivent être déposées dans les 2 mois de l’appel à peine de caducité d’office (de l’appel ?), délai prorogé uniquement en cas de demande d’a&ide juridictionnelle (art. 909).
Les ordonnances du CME pourront être déférées dans les 8 jours de leur prononcer (art.916).

Ces mesures pourraient se justifier dans une logique d’épuration du rôle des cours d’appel. Or, à ce jour, très peu de cours sont encombrées, et cela uniquement à cause d’un manque de magistrats. Les délais de jugement sont plus que raisonnables, généralement souples et adaptés à chaque affaire.


IRREFLECHI : La mise en place de la nouvelle mise en état permettra aux procédures dites « d’urgence » (art. 905) d’échapper aux délais couperets des textes susvisés, puisqu’elles resteront régies par le renvoi aux textes du TGI, les articles 760 à 762 du CPC. Le discernement du CME et des avocats à la cour pourrait alors aboutir à des délais plus longs et sans sanctions pour juger les affaires urgentes.


INEGALITAIRE : Le greffier et le CME auront eux aussi parfois des délais à respecter.
Le greffier adresse aussitôt la déclaration d’appel aux intimés et avise l’avocat de l’appelant du retour de la déclaration d’appel.

Le CME examine le dossier dans les 15 jours de l’expiration des délais pour conclure (de chaque partie ? Qui le sait ? Qui le vérifie ?) (Art. 912) mais sans aucune obligation ou sanction. Serait-ce le signe que les auteurs du décret persévèrent dans le fantasme selon lequel les lenteurs procédurale seraient causées par les justiciables et leurs mandataires, alors que la preuve est faite que les procédures dilatoires ne prospèrent que dans un système engorgé par le manque de magistrats et de greffiers ?


ICONOCLASTE : Ce projet constitue un changement de paradigme pour les cours d’appel.

La constitution se dépose au greffe avant d’en informer l’avocat de l’appelant dans les 15 jours (Art. 903).
La clôture partielle pour défaut de diligence devient la règle (Art. 913), le CME pouvant la rétracter d’office ou sur conclusions à cette fin, ce qui est contraire au principe selon lequel l’ordonnance de clôture dessaisit le CME. D’office aussi il déclarera irrecevable les demandes nouvelles (Art. 6 complétant l’article 564 du CPC).
Ce magistrat se voit doté de pouvoirs exclusifs quant à la recevabilité de l’appel, acquérant peu à peu l’identité d’une vraie juridiction.

Il acquiert également un pouvoir important, qui fera certainement l’objet de nombreux commentaires, en matière d’exécution provisoire, puisqu’il pourra suspendre l’exécution des jugements contre lesquels l’appel n’a pas d’effet suspensif. Sous quelle condition ? Aucune référence au dernier alinéa de l’article 524 du CPC, ce qui permet de s’interroger sur le contenu de ce pouvoir aussi nouveau que vaste et imprécis.


IMPERITIE : Certains des éléments analysés ci-dessus en sont déjà empreints. On notera en outre que les délais sont tellement raccourcis que l’appelant défaillant en première instance conclura très souvent sans avoir connaissance des pièces adverses.

Le fait d’obliger, sans sanction pour l’instant, les parties à déposer leur dossier à al cour 15 jours avant l’audience exigera que l’avocat conserve un double pour le jour de la plaidoirie… doublement automatique du volume de papier… alerte à nos forêts ! Le projet qui se veut moderne aurait pu prévoir un envoi des pièces par internet.


MODERNE : Ce texte prévoit une grande avancée technologique : les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique, en contrepartie de quoi les avocats recevront sur le même modèle avis, avertissements et convocations. Cette communication se fera par l’échange de données structurées, qu’à ce jour seuls les avoués à la cour utilisent pour les déclarations d’appel.

Gageons que l’année 2009 sera, malgré la crise, lourde d’investissements informatiques et humains pour les avocats et les greffes.

Si cet aspect moderne est à saluer, il met en relief un aspect non républicain : cette nouvelle procédure d’appel ne parait pas concerner l’Alsace et la Moselle ? La modernité ne permet elle pas à l’unité républicaine de se renforcer ?

Modernisation également ou modélisation des conclusions d’appel ? Il s’agit en tous cas d’un vieux rêve de magistrats, facilitant probablement la synthèse des demandes des parties, l’article 11 complète l’article 954 CPC en instaurant le principe dispositif dans les écritures du second degré, et le visa pour chaque prétention des pièces invoquées.
Modification importante des pratiques qui pourrait induire un appauvrissement des débats et de la matière juridique. Le géni créatif des avocats saura faire échec à cette rigidification technocratique.

*****

La nouvelle procédure d’appel est tellement complexe que ses instigateurs n’ont pas envisagé de l’étendre au TGI.

Elle ne pourra pas être une simple spécialité d’avocat, mais sera probablement une « hyper spécialité de structures suréquipées ». Elle se traduira irrémédiablement par un renchérissement du coût de la procédure de second degré.
Justice à visage humain ?

Si nul ne doute qu’il y a des réformes à faire, il ne faudrait pas que célérité et économie parviennent à dévoyer l’idée de la justice qui nécessite un vrai procès, avec une instance sereine, ponctuée d’une instruction complète, achevé par un débat réel. Sans cela le juge peut il réellement prononcer une vraie décision de justice ?


Christian BOYER





Cet article n'engage que son auteur.

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