Diffusion des sondages et résultats électoraux

Diffusion des sondages et résultats électoraux

Publié le : 24/04/2012 24 avril avr. 04 2012

L'article 11 alinéa 1 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1978 dispose que "la veille de chaque tour de scrutin ainsi que le jour de celui-ci, sont interdits, par quelque moyen que ce soit, la publication, la diffusion et le commentaire de tout sondage ".

Diffusion des résultats des bureaux de votePar sondage l'article 1er de la loi précise qu'il faut entendre tout sondage ayant un rapport direct ou indirect avec un référendum, une élection présidentielle ou l'une des élections réglementées par le code électoral ainsi qu'avec l'élection des représentants au Parlement européen.

La loi prévoit expressément que « les opérations de simulation de vote réalisées à partir de sondages d'opinion étant assimilées à des sondages d'opinion ».

Le non respect de cette obligation est sanctionné en application des articles 12 de la loi susvisée et L 90-1 du Code électoral par une amende de 75 000 euros.

Cependant, l'application de cette loi apparaît délicate.

En effet, l'alinéa 5 de l'article 11 de la loi n° 77-808 du 19 juillet 1978 précise que « l'interdiction ne s'applique pas aux opérations qui ont pour objet de donner une connaissance immédiate des résultats de chaque tour de scrutin et qui sont effectuées entre la fermeture du dernier bureau de vote en métropole et la proclamation des résultats ».

Or, ce dernier texte apparaît en contradiction l'article R 67 du Code électoral dispose en effet que "dès l'établissement du procès-verbal, le résultat est proclamé en public par le président du bureau et affiché en toutes lettres par ses soins dans la salle de vote" .

Ainsi, la loi prévoyant que la publicité des résultats de chaque bureau doit être effectuée immédiatement, soit dès 18h00 dans la plupart des communes, il serait contradictoire d'interdire par ailleurs la publicité de cette information, qui concourt à la transparence démocratique.



Par ailleurs, les textes pénaux sont d'interprétation stricte en application de l'article 111-4 du Code pénal.

Or, si l'article 11 de la loi du 19 juillet 1978 interdit la publication, la diffusion et le commentaire de sondages ou de simulations de vote, il n'interdit pas expressément la diffusion des résultats objectifs et réels des opérations de vote.

La diffusion des résultats des bureaux de vote paraît ainsi légale et légitime, chacun pouvant ainsi avoir connaissance et contrôler les résultats des opérations de vote, sans risque de manipulations.

Une autre question est celle de la portée géographique de l'interdiction posée par l'article 11 de la loi de 1978.

L'article 14 de cette loi dispose en effet que "la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis-et-Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin et à Mayotte, aux élections susvisées ".


Si la métropole n'est pas visée expressément par cette loi, il n'en demeure pas moins que l'article113-2 du Code pénal dispose que "la loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République " et que "l'infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors qu'un de ses faits constitutifs a eu lieu sur ce territoire".

En outre, l'article 113-7 du Code pénal dispose que "la loi pénale française est applicable à tout crime, ainsi qu'à tout délit puni d'emprisonnement, commis par un français ou par un étranger hors du territoire de la république, lorsque la victime est de nationalité française" .

La jurisprudence considère ainsi que les juridictions françaises sont compétentes pour connaître de faits commis à l'étranger par un étranger dès lors que ces faits apparaissent un tout indivisible avec les infractions également imputées en France à cet étranger (cass. crim 23 avril 1981, bulletin criminel n° 116).

Des condamnations ont ainsi pu être prononcées à l'encontre de personnes ayant diffusé un site internet depuis l'étranger des éléments violant la loi française, notamment en matière de propos révisionnistes (TGI Paris 13 novembre 1998, Gazette du Palais 2000.1), ou de propos diffamatoire (CA Limoges 8 juin 2000, BICC 2001.210).

Néanmoins par un arrêt du 9 septembre 2008 (pourvoi n° 07-87281), la chambre criminelle de la Cour de cassation a cassé un arrêt de la Cour d'appel de Paris, en matière de contrefaçon, en considérant qu'il appartenait à la juridiction pénale de "vérifier si les faits avaient été commis en France" .

En l'espèce, un article constituant une contrefaçon avait été accessible par internet sur le territoire de la République Française, mais à la suite du prévenu, la Cour de cassation avait relevé que "le journal, dans lequel l'article avait été publié en Italie, n'était pas diffusé en France dans sa version papier et que le site internet, accessible à partir de l'adresse www.ilfoglio.it, était exclusivement rédigé en langue italienne et n'était pas destiné au public du territoire français, aucune commande du quotidien ne pouvant être effectuée à partir du territoire français".

En outre, l'article 113-7 du Code pénal n'apparaît pas applicable en l'espèce car la peine prévue par les articles 12 de la loi susvisée et L 90-1 du Code électoral n'est pas une peine d'emprisonnement, mais une peine d'amende.


Quoiqu'il en soit, la réglementation applicable à la publication des résultats électoraux apparaît donc délicate à mettre en ouvre et à faire respecter, à l'heure d'internet, où chacun peut aller chercher l'information à l'étranger, l'information pouvant circuler dès la publication des résultats par les Présidents des Bureaux de vote.

Réviser cette législation semble en conséquence opportun, tout en se souvenant que que l'objectif est d'éviter que les électeurs n'ayant pas encore votés puissent être influencés par les résultats déjà connus (ce qui en pratique est déjà le cas puisque l'annonce des résultats peut se faire selon la loi dès la fermeture du dernier bureau de vote en métropole en attendant la proclamation des résultats, alors que les opérations de vote se poursuivent dans les DOM TOM, et à, l'étranger).

Dans un souci de simplification du droit, plutôt que d'interdire la diffusion d'une information vraie, ne vaudrait il pas mieux sanctionner pénalement uniquement ceux qui diffusent une fausse information ou qui cherchent à abuser des électeurs ?

A ce titre, l'article 97 du Code électoral précise déjà que "ceux qui, à l'aide de fausses nouvelles, bruits calomnieux ou autres manoeuvres frauduleuses, auront surpris ou détourné des suffrages, déterminé un ou plusieurs électeurs à s'abstenir de voter, seront punis d'un emprisonnement d'un an et d'une amende de 15 000 euros".

Pour aller plus loin ...Aller sur le site de l'auteur de Me Thierry VOITELLIER.





Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © Roman Sigaev - Fotolia.com

Auteur

Thierry VOITELLIER
Avocat Associé
COURTAIGNE AVOCATS, Membres du Bureau, Invités permanents : anciens présidents
VERSAILLES (78)
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