Recours en annulation d'un permis de construire : la commune n'est pas un tiers comme les autres

Recours en annulation d'un permis de construire : la commune n'est pas un tiers comme les autres

Publié le : 30/05/2016 30 mai mai 05 2016

Dans un Arrêt en date du 9 mars 2016, le Conseil d’Etat est venu rappeler qu’une commune ne saurait être regardée comme un tiers au sens de l’article R.600-2 du Code de l'Urbanisme relatif à l’affichage du permis sur le terrain, le point de départ du délai de recours à son égard commençant à courir à compter de la réception en Mairie du permis ou de son extrait en vue de son affichage en Mairie.Les circonstances de l’espèce étaient quelque peu particulières, puisque c’est l’Etat qui était compétent pour se prononcer sur une demande de permis de construire, le permis étant délivré par le Préfet après consultation du Maire et du fait d’un désaccord entre celui-ci et le responsable du service de l’Etat chargé de l’instruction de la demande.

En application de l’article L.422-2 du Code de l'Urbanisme, par exception aux dispositions du a de l’article L.422-1, l’autorité administrative de l’Etat est compétente pour se prononcer sur un projet portant sur les travaux, constructions et installations réalisées à l’intérieur des périmètres des opérations d’intérêt national, mentionnés à l’article L.132-1. Lorsque la décision est prise par le Préfet, celui-ci recueille l’avis du Maire ou du Président de l’Etablissement Public de Coopération Intercommunale Compétente. La Commune avait émis un avis défavorable et le Préfet avait donc pris la décision accordant le permis de construire et l’avait transmise aux fins d’affichage dans les huit jours à la Commune.

Cette dernière, toujours en désaccord avec cette autorisation avait alors saisi le Tribunal Administratif compétent une fois le permis affiché sur le terrain et obtenu l’annulation de la décision par un jugement du 5 mars 2012. La Cour Administrative d'Appel a réformé ce jugement en faisant droit à la fin de non-recevoir soulevée en appel par les bénéficiaires de l’autorisation aux motifs que le recours introduit contre l’Arrêté préfectoral était irrecevable car tardif.

En effet, la Commune n’avait formé son recours en annulation du permis qu’une fois le permis affiché sur le terrain alors qu’elle en avait reçu notification bien avant.

La question s’était posée dès lors de savoir comment déclencher un délai de recours à l’égard d’une commune qui entend contester le permis de construire délivré sur son territoire par l’autorité préfectorale. C’est à cette question que le Conseil d’Etat est venu répondre en indiquant que "lorsque l’autorité administrative de l’Etat est compétente pour se prononcer sur une demande de permis de construire et que ce permis est délivré par le Préfet, après consultation du Maire et du fait d’un désaccord entre celui-ci et le responsable du service de l’Etat dans le département chargé de l’instruction de la demande, la commune ne saurait être regardée comme un tiers au sens de l’article R.600-2 du Code de l'Urbanisme."

L’article R.600-2 prévoit que le délai de recours contentieux légal d’un permis de construire court à l’égard du tiers à compter du premier jour d’une période continue d’une demande d’affichage sur le terrain.

La commune avait attendu que le permis soit affiché sur le terrain et entendait se prévaloir cette date, le Tribunal Administratif ayant même relevé que cet affichage étant illisible depuis la voie publique, il n’avait pu faire courir à l’égard de la commune le délai de recours contentieux dans les conditions prévues à l’article R.600-2 du Code de l'Urbanisme. Or, la Commune avait été rendue destinataire bien avant du permis de construire puisque le Préfet le lui avait adressé aux fins d’affichage en Mairie.

La Cour administrative et le Conseil d’Etat sont venus préciser la notion de tiers qui doit correspondre à une personne extérieure à l’administration communale, comme le voisin du terrain d’assiette ou le riverain intéressé, lesquels ne peuvent préjuger de la méconnaissance des procédures administratives et la maîtrise des délais de recours contentieux.

C’est justement pour permettre aux tiers de constituer le dossier relatif à l’autorisation d’urbanisme et garantir son délai de recours que les pouvoirs publics ont créé le mécanisme d’affichage résultant des articles R.600-2 et 424-14 du Code de l'Urbanisme.

Or, pour la Haute juridiction, la commune n’est pas un tiers au sens de l’article R.600-2 et l’affichage de la décision ne fait pas courir le délai de recours à son encontre.

Une telle solution se justifie au regard de la connaissance de l’existence et de la nature du projet.

Ainsi, la commune qui n’est pas l’auteur du permis de construire, puisqu’en l’espèce c’était l’Etat, et n’en est bien évidemment pas le bénéficiaire, n’est pas non plus considérée comme un tiers. En réalité la commune n’est pas considérée comme un tiers au regard de la seule mesure de publicité qui entoure la délivrance d’un permis de construire. Sa situation est en effet particulière puisque dans l’hypothèse où un permis est délivré par le Préfet, c’est la réception en Mairie du permis ou de l’extrait qui lui est adressé pour assurer le respect de l’obligation d’affichage en Mairie qui marque, pour la commune, et quand bien même cet affichage serait opéré par le Maire en qualité d’adjoint de l’Etat, le point de départ du délai de recours contre ce permis.

Le fait que le Maire ait reçu le permis afin de procéder à l’affichage en Mairie opère donc déclenchement du délai de recours à l’encontre de la commune, peu importe que cet affichage ait été initié par le Maire agissant en qualité d’agent de l’Etat. Peu importe également que cet affichage ait été effectivement réalisé. L’Arrêt du Conseil d’Etat est parfaitement clair à cet égard. C’est la réception en Mairie du permis qui fait courir le délai et non l’expiration de la période d’affichage de 8 jours qui est prévue par les dispositions de l’article R.424-15 du Code de l'Urbanisme.

Le Conseil d’Etat relève en effet que "les circonstances de faits ainsi relevées par la Cour permettaient de conclure que la commune avait acquis dès le 8 septembre 2008, date d’intervention de la décision préfectorale, une connaissance de cette décision propre à faire courir le délai de recours à son égard." Le Conseil d’Etat conclut qu’il résulte des énonciations de l’arrêt de la Cour que cette connaissance est intervenue compte tenu du délai prescrit par l’article R.424-15 du Code de l'Urbanisme au plus tard 8 jours après cette date.

Le choix de cette date comme point de départ du délai de recours permet ainsi d’éviter toutes manœuvres dilatoires de la part d’une commune opposée à la délivrance du permis et qui pourrait avoir la tentation après réception de la décision du Préfet, de ne pas procéder à l’affichage. Le délai de recours commence donc à courir à l’égard de la commune à compter de la réception en Mairie, et non pas de l’affichage en Mairie et encore moins sur le terrain par le bénéficiaire de l’autorisation.


Ainsi, la commune du lieu de situation du projet qui est opposé à sa réalisation n’est pas un tiers « comme les autres ». Elle est censée avoir connaissance « acquise » de la décision dès réception de l’extrait qu’il lui est adressé pour assurer le respect de l’obligation qui lui est faite de l’afficher en Mairie pendant deux mois en application de l’article R.424-15 du Code de l'Urbanisme. Ainsi, même si le permis n’est pas correctement affiché sur le terrain, la commune sera forclose pour agir en annulation du permis délivré par le Préfet deux mois après la date de sa connaissance acquise.



Voir l'arrêt du Conseil d'Etat du 9 mars 2016, n° 384341



Cet article n'engage que son auteur.

Crédit photo : © herreneck - Fotolia.com

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FIAT Sandrine

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